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Gérer les risques de corruption à l'export

Publié par Anne-Sophie David le | Mis à jour le
Gérer les risques de corruption à l'export

Opérations en douane, transport international ou mise sur le marché, 15% des affaires de corruption transnationale révélées par l'OCDE entre 1999 et 2014 proviennent des nombreux maillons faibles des supply chain internationales.

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"La corruption c'est le détournement à des fins privées d'un pouvoir reçu en délégation", a rappelé Baptiste Pécriaux, responsable du programme de formations pour les entreprises de Transparency International France (section française de Transparency International, ONG présente dans 100 pays), à l'occasion d'une conférence sur le thème de la corruption dans les supply chain internationales organisée le 4 juin par la société Acte international, en partenariat avec le Global Compact France (Pacte mondial ONU) et Transparency International France.

Et pourquoi les entreprises doivent-elles agir ? Pour respecter leurs engagements, maîtriser les risques et notamment légaux (lois très sévères sur tous les continents : USA (loi FCPA), UK (UKBA) et Allemagne en tête. D'autres pays suivent : Brésil, Suisse, Italie. "La France a durci sa législation en 2013 : 10 ans de prison et un million d'amende pour les individus et 5 millions pour les entreprises pouvant aller jusqu'à 10 fois le produit tiré de l'infraction", a précisé Baptiste Pécriaux.Elles doivent aussi agir pour protéger l'économie, et donc elles-mêmes.

"La corruption est clairement un frein au développement, cela mine l'économie", a lancé Jean-Pierre Cordier, vice-président du Global Compact. Depuis 2005, cette association, qui repose sur dix grands principes répartis en quatre catégories : les droits de l'homme, les normes internationales du travail, l'environnement et la lutte contre la corruption a rayé de sa liste "200 entreprises par an pour non respect des principes".

Au 1er janvier 2015, le Global Compact représente plus de 12 800 participants dans 150 pays, dont 8 300 entreprises.

En France, on dénombre plus de 1080 participants dont 970 entreprises.

Affaires Siemens et Ralph Lauren

Agir pour respecter également le principe d'extra-territorialité car, a rappelé Baptiste Pécriaux, "les lois américaine et anglaise sont applicables à tous et partout", citant au passage l'affaire Siemens qui, en 2008, avait écopé d'une sanction record de 1,3 milliard d'euros pour avoir alimenté des caisses noires afin de verser des pots-de-vin et ainsi se voir attribuer d'importants contrats internationaux.

Autre cas qui avait défrayé la chronique douanière : une filiale de Ralph Lauren en Argentine avait été accusée d'actes de corruption sur des agents des douanes et hauts fonctionnaires argentins en charge du commerce entre 2005 et 2009. Après un début d'enquête, la justice américaine avait ainsi révélé l'existence de rétro-commissions et pots de vins pour faciliter le passage en douane de cadeaux, vêtements ou sacs, le groupe Ralph Lauren avait finalement décidé de payer 1,2 million euros d'amende à l'administration américaine pour mettre fin à cette enquête pénale et civile. Une démarche pro-active qui permis à la société de bénéficier de la clémence des autorités.

Agir contre la corruption permet de maîtriser également d'autres risques comme ceux relatifs à l'image et la réputation, les risques commerciaux et de compétitivité (perte contrats, listes noires), risques de déstabilisation sur les marchés financiers ou encore risques de déstabilisation de l'organisation interne.

Lire en page 2 : Les achats en 1ère ligne chez Molinel


Retour expérience

MOLINEL, PME spécialisée dans les vêtements professionnels (Groupe belge Alsico)

"Chez nous, la problématique de la lutte contre la corruption relève des achats"

L'entreprise MOLINEL conçoit et fabrique des vêtements professionnels et équipements de protection techniques, notamment pour certains grands comptes. "Ils nous demandent des garanties quant à nos bonnes pratiques fournisseurs", explique Laurent Moulet, directeur exécutif de Molinel.

L'entreprise a mis en place un code d'intégrité qui n'est pas seulement destiné aux acheteurs mais à tous les collaborateurs de l'entreprise. Molinel s'est également fixé des seuils à ne pas dépasser. "Nous refusons systématiquement les cadeaux qui émanent de fournisseurs avec qui nous ne travaillons pas et demandons à nos collaborateurs de nous avertir en cas de tentative de corruption de la part d'un fournisseur", explique Laurent Moulet. Les salariés ont également interdiction de communiquer leur adresse postale personnelle.

Les achats en 1ère ligne

"En interne, le maitre d'oeuvre de la politique anti-corruption est le directeur des achats/industriel. Avant toute prise de décision, il doit communiquer lors du Comité des achats pour officialiser l'achat et partager le pouvoir avec la direction de l'entreprise", explique le directeur exécutif qui estime que cette organisation permettait d'inscrire la lutte contre la corruption dans l'ADN de l'entreprise.

"La corruption est un sujet lourd qui doit être traité par la direction de l'entreprise. Tous les 15 jours, les problématiques remontent dans le Comex", explique t'il. Prochaine étape : s'atteler à la gestion du milieu de la chaine logistique donc au niveau des transitaires de transport.

Lire en page 3 : Dispositif anti-corruption, avantage concurrentiel ?

Dispositif anti-corruption, avantage concurrentiel ?

Baptiste Pécriaux de Transparency International France l'a martelé : "Adopter un dispositif anti-corruption, c'est se garantir de pouvoir accéder à certains marchés".

Il a exposé les différents points clés et étapes à suivre pour mettre en place un tel dispositif :

1 - Engagement public de la direction et des associés pour une politique de tolérance zéro à l'égard de la corruption

2 - Adoption d'un programme détaillé comprenant : la désignation d'un référent éthique rattaché à la direction, une analyse des risques de corruption pour l'entreprise

3 - Règles claires dans les relations avec partenaires (sous-traitants, fournisseurs, intermédiaires)

4 - Procédures adaptées d'engagements des dépenses, validation des paiements et contrôle

5 - Diffusion en interne et externe des engagements pris par l'entreprise en matière de lutte contre la corruption

6 - Évaluations et mises à jour régulières du programme anti-corruption

Lire en page 4 : Risques majeurs dans les pays à faible informatisation des opérations en douane

Risque majeur dans les pays à faible informatisation des opérations en douane

Anne Le Rolland, présidente d'Acte International, société spécialisée dans le pilotage de supply chain via la consolidation des maillons à risques tels que le sourcing, conformité douanière et fiscale, éthique et bien sûr lutte anti-corruption, a rappelé qu' "à chaque étape de la chaîne, il y a un risque potentiel de corruption".

Les infractions les plus fréquentes observe t-elle : documents manquants, mal établis ou falsifiés, auto-déclaration de conformité incorrecte (REACH, RoHS,...). Elle a souligné, par ailleurs, que "le risque est plus important dans les pays à faible gouvernance et faible informatisation des opérations en douane."

"Une entreprise est également responsable des entités qu'elle rachète", a t-elle ajouté donc en cas de corruption avérée, les nouveaux actionnaires ont tout intérêt à mettre en place un plan anti-corruption.

Lutter contre la corruption à l'export passe tout d'abord par l'élaboration d'une cartographie de sa supply chain en passant au crible plusieurs critères comme le niveau de compétence interne, la formalisation des politiques RSEEI dans l'entreprise et la formation des collaborateurs, les pratiques douanières, logistiques, d'achat, de sourcing ou de prospection de marchés.

Pourquoi lutter contre cette corruption ? En plus du respect évident de ses engagements et de la loi, Anne Le Rolland indique qu'une entreprise peut en retirer des bénéfices sur le PRI des produits (coûts, délais, règlementations nationales d'accès aux marchés, règles internationales d'accès aux marchés).

Comment agir ?

"La lutte contre la corruption dans la supply chain doit être un projet d'entreprise", a rappelé la présidente d'Acte International. Un projet qui comporte plusieurs étapes : un diagnostic de détection des risques dans la supply chain puis évaluation (via la cartographie), un plan d'amélioration, un audit de validation (expertise de Acte International), un audit de certification et une gestion des cas et justice transactionnelle.

En guise de certification anti-corruption, l'obtention du label "ETHIC Intelligence" pourra permettre, selon Anne Le Rolland, "d'augmenter la crédibilité et visibilité des engagements anti-corruption, apporter un soutien externe au responsable conformité, diminuer le risque légal et financier ou encore conférer un avantage comparatif vis-à-vis des concurrents."

 
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