"La diversité dans les achats, une source de performance globale"
L'Association française des managers de la diversité (AFMD) vient de publier un guide pratique qui veut promouvoir l'intégration de la diversité dans les politiques achats. Son auteur, Marc Rivault, y présente autant d'opportunités à saisir que de risques à anticiper. Rencontre.
Je m'abonnePublié par l'AFMD en partenariat avec l'IAE de Toulouse, ce guide a pour objectif d'aider les services diversité, les services achats responsables et les acheteurs à intégrer la lutte contre les discriminations et la promotion de la diversité dans leurs pratiques quotidiennes. Prévention des risques juridiques et d'images, amélioration des relations clients/fournisseurs, développement d'un ancrage territorial, accès aux marchés, développement d'avantages compétitifs, innovations sont autant d'enjeux expliqués dans cet ouvrage. Il propose une méthodologie et des retours d'expérience pour améliorer performances sociale et économique dans l'ensemble de la chaîne de valeur.
Pourquoi avez-vous ressenti le besoin d'écrire cet ouvrage? La diversité ne vous semble pas encore assez intégrée par les achats?
Marc Rivault. Dans le cadre des activités de l'Association française des managers de la diversité (AFMD), et en échangeant avec des décideurs achats, nous nous sommes rendus compte qu'il y avait un vrai besoin de travailler sur ce sujet. Si de nombreuses initiatives avaient été lancées, il apparaissait nécessaire d'en évaluer les résultats, d'assurer leur cohérence et de les essaimer. Nous avons donc lancé un groupe de travail constitué de décideurs achats, de directeurs de la diversité et d'experts. Nous constatons qu'il y a certaines avancées, notamment dans de grands groupes tels la SNCF qui a mis en place une médiation et un guichet unique en direction des PME ou le Crédit Agricole qui a réuni ses directeurs achats, diversité et développement durable pour coordonner leurs efforts, mais tous les acteurs nous ont remonté un vrai besoin d'éléments de cadrage et de fiches pratiques. C'est ce que nous leur proposons dans ce guide.
Comment les achats peuvent-ils donc travailler pour mieux intégrer la diversité? Et de quoi parle-t-on exactement lorsque l'on parle de diversité?
On parle de TPE/PME, d'entreprises du secteur protégé et adapté, d'entreprises de quartier, de structures favorisant l'intégration par le travail, d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, de personnes en situation de handicap...
Il y a, à mon sens, deux grands axes de travail. Le premier est très classique, puisqu'il s'agit, comme on le voit pour les achats auprès du secteur protégé et adapté, de faire en sorte de travailler avec toutes les entreprises et de lutter contre tout ce qui peut empêcher les grands comptes de faire appel à ces entreprises "de la diversité".
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Le deuxième axe de travail relève de la valorisation de l'engagement des fournisseurs dans la promotion de la diversité. Sur quels critères les évalue-t-on ? Sur leur capacité à assurer l'égalité entre les femmes et les hommes ? A intégrer et maintenir dans l'emploi des personnes en situation de handicap ? A prévenir les discriminations sur les origines ? Sur l'ensemble des critères de discrimination ? Les évalue-t-on sur leurs actions et/ou sur leurs résultats ?
Il importe également de réfléchir à l'accompagnement des fournisseurs et à l'inclusion de clauses de non-discrimination et d'insertion, au sein des contrats d'achats, obligeant ces derniers à s'engager.
Quelles sont, selon vous, les opportunités offertes par les entreprises de la diversité ?...
La plupart des membres du groupe de travail de l'AFMD mettent en avant le fait que les petites structures ont deux grands qualités: adaptation et flexibilité.
Intégrer la diversité lors de la sélection des fournisseurs et dans la relation fournisseurs permet notamment de limiter le risque d'image et d'éviter des condamnations pour discrimination. C'est aussi un moyen, pour les entreprises, de remplir leurs obligations en matière d'emploi de personnes en situation de handicap. Dans ce cadre, elles peuvent, soit recruter du personnel en situation de handicap, soit faire appel à des entreprises du secteur adapté. Beaucoup d'entreprises orientent leurs achats dans ce sens pour faire des économies. Dans le secteur public, il y a de plus en plus de clauses d'insertion qui imposent aux entreprises la réalisation d'heures d'insertion, c'est-à-dire la réalisation d'une part du travail (souvent de 5% à 15% du total des heures) par des personnes éloignées de l'emploi. Développer des actions en faveur de l'insertion devient donc un atout business pour les fournisseurs
...et quels sont les risques ?
J'en parlais tout à l'heure : il y a d'abord le risque d'éviction des fournisseurs classiques au profit des entreprises dites "de la diversité" dans une période où la tendance est à la diminution du panel fournisseurs. Pour éviter ce travers, certaines entreprises intègrent activement des entreprises "de la diversité" et les mettent en concurrence avec les autres, plutôt que de réserver des marchés. L'autre risque est de demander aux fournisseurs "divers" de postuler aux appels d'offres en passant par un fournisseur de rang 1. Il leur est alors nécessaire de convaincre un acteur supplémentaire de faire appel à leurs services, ce qui induit une réduction de leur marge, les achats se faisant souvent à coût constant. Enfin, certains clients demandent davantage d'efforts à leurs fournisseurs à coûts constants, pour mettre en oeuvre des clauses d'insertion par exemple. Or, on le sait, la mise en oeuvre de clauses d'insertion demande souvent des moyens humains et financiers supplémentaires pour accompagner les personnes éloignées de l'emploi.
Quelles sont les solutions pour éviter ces écueils ?
Il faut pouvoir se donner le temps, chercher à avancer pas à pas, se réunir pour mettre les différents points en cohérence et arbitrer. Autour de la table, il faut mettre les achats, la diversité, le développement durable. Il faut que tous les acteurs, fournisseurs compris, se parlent pour mieux travailler ensemble, dans une logique de dialogue et d'amélioration continue. Il faut aussi se donner le temps, a posteriori, de contrôler ce qui est fait pour s'assurer que l'on ne communique pas à bon compte sur les efforts de ses fournisseurs et constater les effets réels de ses pratiques.