Recherche
Mag Décision Achats
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine
En ce moment En ce moment

Pascal Cretin, directeur achats Smoby Toys : "Pour faire face à la concurrence chinoise, la clé, c'est l'innovation"

Publié par le | Mis à jour le
Pascal Cretin, directeur achats Smoby Toys : 'Pour faire face à la concurrence chinoise, la clé, c'est l'innovation'

Des acheteurs au plus près de la production, des investissements massifs pour innover, des fournisseurs impliqués, une qualité garantie : la direction des achats de Smoby Toys oeuvre au quotidien pour que l'entreprise ait les moyens d'entrer en compétition avec les fabricants chinois.

Je m'abonne
  • Imprimer

Quel a été votre premier chantier chez Smoby ?

Pasacal Crétin : À mon arrivée en 2006, il n'y avait pas vraiment d'organisation achats. L'une des premières missions a donc consisté en une réorganisation de ce service. Puis l'entreprise s'est retrouvée en procédure de sauvegarde. C'est très formateur, car tout est compliqué. Lors de la reprise par Simba Dickie, en 2008, ­l'objectif numéro un a été de maîtriser le panel fournisseurs. Le fait que tout passe par les achats et que nous travaillions avec tous les services a constitué une véritable révolution dans l'entreprise.

Vous êtes "né" dans le jouet. Quelle incidence cela a-t-il sur votre vision de la fonction achats ?

J'ai en effet effectué tout mon parcours professionnel dans cet univers : à la logistique, à l'administration des ventes, en tant que responsable de production, puis aux achats. J'ai travaillé une vingtaine d'années chez Charton, qui fabriquait des baby-foot, et suis resté aux achats lorsque l'entreprise a été rachetée par Berchet. En ayant donc été, moi-même, client interne, j'ai conscience de l'importance d'être proche du "terrain", pour les acheteurs. Nous sommes dans les usines toutes les semaines, c'est primordial. L'information circule mieux, nous détectons immédiatement des dérives éventuelles sur le respect des délais, sur la qualité, etc.

La plus belle chose qui pouvait arriver à Smoby, c'est d'être racheté par une société allemande, à la culture industrielle, proche de la production. Le groupe a d'ailleurs investi plus de 40 M€ dans l'outil industriel et logistique. Et ce n'est pas fini : la robotisation de tous les flux de supply chain est programmée pour cet automne, à hauteur de 15 à 20 M€. Nous n'avons pas le choix. Dans les magasins spécialisés, sept jouets sur 10 sont fabriqués en Chine.

Pour rester compétitifs sur ce marché trusté par les fournisseurs chinois, vous travaillez donc dans une optique d'innovation. Comment impliquez-vous vos fournisseurs ?

Nous sommes dans une logique d'innovation, d'une part, et d'investissement, d'autre part ; l'un ne va pas sans l'autre. La majorité des fournisseurs de Smoby Toys sont locaux. C'est d'ailleurs une volonté de la direction et un réel atout pour le développement de nos produits. Cette relation de proximité permet non seulement une forte réactivité, mais également une réelle implication de la part de nos fournisseurs. Ils nous apportent leur expertise et travaillent en étroite collaboration avec notre service de R & D. Cette connaissance mutuelle constitue un sérieux atout. Nos fournisseurs sont ainsi parfaitement au fait des contraintes liées au marché du jouet avec, entre autres, la saisonnalité.

Quelles sont les conséquences de cette saisonnalité sur les achats et leur organisation ?

Notre métier est sûrement l'un des rares liés à une date-clé - Noël - et ce paramètre conditionne toutes nos relations avec nos fournisseurs. Lorsque nous passons des commandes suite à des besoins clients en novembre, nos fournisseurs doivent nous donner la priorité afin de réduire au maximum les délais de livraison à nos usines. Cette capacité à répondre à nos besoins en fin d'année (jusqu'au 1er décembre !) constitue un élément déterminant lors de l'homologation d'un fournisseur. Notre société connaît deux pics de saisonnalité (l'été, avec le mobilier de jardin, et l'hiver, bien sûr), ce qui signifie que nos approvisionnements pour l'été se font en priorité en mars, avril jusqu'à la mi-mai.

Pour la fin d'année, les mois de septembre, octobre et novembre sont ceux où les approvisionnements et la production sont très chargés. Tout, en interne, est concentré sur la production et le conditionnement. Idem pour les achats : la priorité est de servir au mieux nos clients. À cette époque de l'année, aucune validation de nouveau produit n'est effectuée, et très peu de visites sont rendues aux fournisseurs. En production, les pics d'activité sont gommés par le recours à l'intérim bien que, de plus en plus, nous essayions, dans nos unités de soufflage et d'injection, de lisser nos productions. Un seul chiffre parle de lui-même : en octobre, nous facturons en deux jours ce que nous fabriquons durant tout un "petit" mois, comme janvier par exemple !

La seconde quinzaine de novembre et le mois décembre sont les périodes de remise en cause des contrats-cadres fournisseurs, avec des objectifs de signature pour la fin d'année, pour que nous soyons prêts dès la reprise de janvier.


Vous avez un taux de couverture de 100 %. Comment travaillez-vous avec vos clients internes ? Comment gagnez-vous leur confiance ?

Tous les achats de Smoby Toys passent en effet par le service achats, ce qui oblige les clients internes à travailler avec les acheteurs sur leurs besoins. De plus, le développement d'un produit se fait grâce aux revues de projet, qui intègrent systématiquement le service achats. On peut imaginer que la charge est énorme, pour un service de quatre personnes. En fait, notre efficacité repose sur l'organisation et les outils mis en place.

Pour les achats indirects, tout réside dans l'anticipation et l'appui d'un prescripteur qui couvre l'aspect technique du dossier, l'acheteur assurant la partie commerciale. Gagner la confiance des collaborateurs internes ne se fait que par la communication des résultats, que nous donnons ensemble. Il faut insister sur le travail réalisé en équipe et faire comprendre aux collaborateurs que le service achats est un facilitateur. Récemment, nous avons mis en place un système d'évaluation et d'audit de nos fournisseurs ; une mission menée en étroite collaboration avec la plupart des services de l'entreprise, ce qui a facilité sa mise en oeuvre.

Vous êtes équipés d'un SI pour les achats directs : quelle est sa valeur ajoutée ? Et comment gérez-vous les achats indirects ?

En gérant l'intégralité de nos achats par un ERP, nous assurons une fiabilité de nos données à tous les acteurs de l'entreprise. Les achats indirects, eux, sont traités par un système de demande d'achat qui s'adapte davantage à nos besoins que notre ERP actuel. Ces demandes sont validées par différents niveaux hiérarchiques selon les montants engagés, la signature d'un acheteur étant obligatoire. Cependant, toujours dans un souci de fiabilité de nos données, ce système intègre des éléments de notre ERP et est géré par une seule personne.

Comment travaillez-vous sur la réduction des coûts ?

Les acheteurs ont des objectifs de gains sur chacun de leurs marchés. La réalisation de ces objectifs, validés par la direction, est renseignée dans une matrice et suivie lors de rendez-vous hebdomadaires avec chaque acheteur, ainsi qu'au cours d'une réunion de service mensuelle. Qu'il s'agisse d'achats directs ou non, aucun contrat n'est signé sans une mise en concurrence, car c'est bien là le maître mot pour faire baisser les prix. Notre performance est comprise entre 8 et 12 % par an.

Vous envisagez de réduire votre panel fournisseurs. Comment vous y prenez-vous ?

Nous n'avons pas d'objectif chiffré de réduction du panel, car le but n'est pas de réduire pour réduire mais de constituer un panel de qualité, répondant aux besoins de la société. La gestion de plus de 800 fournisseurs demande beaucoup de temps, notamment pour un service de quatre personnes. Ainsi, la réduction de notre panel permettra aux acheteurs d'accorder plus de temps à chacun d'eux afin de développer et d'entretenir des relations de qualité.

Concrètement, les fournisseurs sont codifiés par marché (une cinquantaine identifiée). Ainsi, nous connaissons le nombre de fournisseurs sur chaque marché, le chiffre d'affaires et les objectifs de gains espérés. Lorsque nous référençons un nouveau fournisseur, nous essayons d'en supprimer deux sur le marché concerné ; c'est la condition essentielle visant à la réduction.

Quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez-vous particulièrement ?

Nous sommes de plus en plus sollicités par notre service qualité pour l'aspect réglementaire de nos produits. Les normes qui encadrent notre industrie et les exigences de nos clients sont en perpétuelle évolution, ce qui demande une grande vigilance lors de nos décisions d'achats. Le traitement de cet aspect demande beaucoup plus de temps et d'implication aux acheteurs, qui doivent également garder en tête leur objectif premier de réduction des coûts.

Pour parvenir à concilier ces deux missions, nous travaillons donc en étroite collaboration non seulement avec la qualité, mais aussi avec les fournisseurs. Il est essentiel d'entretenir une relation... de qualité avec ces derniers et de les intégrer le plus en amont possible, car nous les sollicitons de plus en plus pour assurer la conformité de nos produits. Au-delà de cette gestion de la relation, nous devons mener une veille réglementaire permanente sur les marchés afin d'anticiper les réglementations.

Smoby Toys

Activité : Premier fabricant français de jouets, (75 % de la production en France - deux usines dans le Jura -, 10 % en Espagne - usine de Pico, filiale - et 15 % en Chine)

Effectif : 450 personnes (+ 60 ETP en saison)

CA 2013 : 110 M€

Effectif achats : 4 personnes

Budget achats : 65 M€

Top 3 des achats directs : matière plastique (14 M€), transport (6,8 M€), emballages (3,7 M€)

 
Je m'abonne

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

La rédaction vous recommande

Retour haut de page