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Achats marketing et communication : oui à la créativité, mais sans risque

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Achats marketing et communication : oui à la créativité, mais sans risque

Pas toujours facile de faire comprendre aux directions marketing et communication l'importance de consulter la direction des achats. Il est donc important de se rendre indispensable auprès d'eux en leur apportant un réel soutien. Car, sinon, de sérieux risques peuvent être pris.

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L'importance des achats marketing et communication n'est pas la même d'une entreprise à l'autre. Ceux-ci seront plus stratégiques pour les marques de grande consommation - dont les ventes sont dopées par les opérations de communication et de marketing - que pour les entreprises BtoB, par exemple. Mais même si les premières réfléchissent plus en profondeur à leur stratégie d'achats dans ces domaines, les directions achats ont toujours du mal à faire comprendre aux directions marketing et communication l'intérêt de les consulter.

Lors d'une table ronde consacrée aux achats de prestations marketing organisée par le Club des acheteurs de prestations intellectuelles en novembre 2016, les directeurs des achats présents semblaient tous d'accord sur un point : même lorsqu'ils sont impliqués très en amont, il leur est difficile de jouer un réel rôle dans le choix des fournisseurs, tant la relation entre ces directions et leurs agences est de l'ordre de l'affectif. Face à ces difficultés, ils conseillaient de progresser par petites touches, sur des sujets peu stratégiques au départ, pour montrer sa valeur ajoutée et se faire accepter.

Il est en tout cas essentiel de s'intéresser à cette catégorie d'achats tant les risques de les laisser aux seules mains des opérationnels sont grands. En effet, peu de directeurs marketing et communication ont à coeur de faire respecter la propriété intellectuelle, par exemple, ou ont conscience du risque lié à la dépendance économique. Pour Sylvie Deschatres, cofondatrice de la société de conseil en achats marketing et communication Synesens, il existe également un risque d'image à mal encadrer ces achats qui ont quand même trait à ce que renvoie l'entreprise à l'extérieur. Les achats doivent donc surveiller que la relation avec les prestataires en communication et marketing est bien gérée. Et par conséquent réussir à faire prendre conscience aux directions marketing et communication de l'utilité bien réelle qu'il existe à collaborer avec eux.

Subjectivité et technicité

Car la collaboration avec les directions marketing et communication n'est pas toujours évidente. Notamment parce que les achats et ces directions ne parlent pas toujours le même langage. "Les achats en marketing et communication ne sont pas toujours faciles à aborder car nous nous trouvons face à des créatifs qui ont une vision différente de la nôtre", témoigne Jean-Christophe Alvergne, directeur des achats indirects groupe de Vivarte. Et d'ajouter : "Il y a beaucoup d'immatériel, de subjectif. L'aspect qualitatif est très important pour les personnes des directions marketing et communication." C'est cet aspect subjectif, presque émotionnel, qui est difficile à appréhender pour les acheteurs. Car les directions marketing et communication ont souvent tissé des liens particuliers avec leurs partenaires extérieurs. "La relation aux agences créatives ou médias est parfois très sensible et remettre en cause le partenariat avec une agence est alors difficile", approuve Henri Kieffer, directeur associé de la société Harpagon, spécialiste des investissements en marketing et communication. Il reconnaît cependant que les choses ont grandement évolué depuis une dizaine d'années.

Autre particularité des achats marketing et communication, à laquelle on ne pense pas toujours : leur technicité. "Les achats marketing et communication sont très techniques et il s'agit donc de les comprendre, assure Jean-Christophe Alvergne. La logistique, par exemple, est essentielle : pour les campagnes de publicité sur lieu de vente, par exemple, il ne s'agit pas seulement de trouver le bon imprimeur mais de s'assurer que la PLV sera livrée sur les points de vente en quantité suffisante et optimale." Une technicité qu'il s'agit donc de mesurer et de comprendre, afin de s'adapter aux particularités de ces achats. Au-delà des aspects logistiques, Jean-Christophe Alvergne rappelle qu'une campagne doit sortir en temps et en heure, qu'aucun retard ne peut être toléré. Les achats doivent donc s'adapter à ce temps-là en raccourcissant leurs processus, par exemple.

Lire la suite page 2 - Sécuriser la relation : le réel apport des achats

Sécuriser la relation : le réel apport des achats

Un des succès des achats en marketing et communication est donc de comprendre le langage, la vision et les particularités des directions marketing et communication afin de s'y adapter. Mais aussi de faire comprendre son utilité à ces directions. Car contrairement à ce qui est souvent perçu, l'apport des achats ne se limite pas aux économies réalisées. Bien sûr, ils permettent de mutualiser les achats et donc de mieux négocier. Mais leur principal rôle est de veiller à ce que la prise de risque soit le plus limitée possible. Un risque économique, certes, mais aussi juridique, d'image ou encore de qualité.

Sylvie Deschatres souligne l'importance, dans ce type d'achats, de la gestion des droits. Il ne faudrait pas, en effet, qu'une création réalisée par une agence externe n'appartienne pas à l'entreprise. Les achats doivent donc veiller à ce que ce sujet de la propriété intellectuelle soit bien ficelé dans les contrats. Autre sujet juridique, évoqué par Jean-Christophe Alvergne : "La question de la dépendance économique n'est pas du tout prise en compte par les équipes marketing et communication : notre rôle est de leur apporter un processus de gestion et de sécurisation de la relation fournisseur."

Le terme est lancé : sécurisation de la relation fournisseur. Nous avons évoqué l'aspect des contrats. Les achats doivent aussi avoir un regard sur les fournisseurs sélectionnés pour s'assurer qu'ils sont viables économiquement et qu'ils délivrent une prestation de qualité. "Les achats effectuent une vérification financière des panels fournisseurs", indique Dominique Scalia, président de l'Observatoire Com Media. Une vérification qui peut également s'étendre aux aspects qualitatifs de la relation, en mettant en place des indicateurs de performance. "Les achats peuvent challenger les fournisseurs de manière objective, quitter un cadre plus intuitu personae", pense Henri Kieffer.

Il s'agit pour cela de rendre les choses objectives. Olivier Wajnsztok, directeur associé d'AgileBuyer, conseille par exemple de mieux cadrer les pitchs, qui sont souvent faits de manière orale et qui peuvent donc s'avérer différents d'un prestataire à l'autre. Il faut également être capable de trouver des indicateurs pertinents. "Nous avons mis en place des réunions d'évaluation des partenaires deux fois par an lors desquelles nous définissons les KPI à atteindre, les plans d'action à mettre en place pour réaliser nos objectifs... Et ce en partenariat avec les agences", décrit Bertrand de Postis, responsable achats marketing et vente de Kronenbourg SAS (groupe Carlsberg), précisant que la rémunération des prestataires est fonction de ces KPI. "Cela permet notamment de faire des réunions post mortem, de faire en sorte que les différents acteurs d'un projet échangent sur ce qui a fonctionné et n'a pas fonctionné et de mettre en place un plan d'action pour les opérations suivantes. Nous souhaitons vraiment nous positionner dans une relation de partenariat avec nos prestataires", précise-t-il.

Force de proposition sur les fournisseurs

Sur cette évaluation des fournisseurs, le mieux est que les achats interviennent le plus en amont possible. "Être en amont permet de négocier les points primordiaux pour la suite", souligne Chrystèle Navarro, en charge des achats marketing et communication d'Urgo. Le mieux est de pouvoir intervenir dès l'expression des besoins. "Les achats sont là pour aider les opérationnels à se poser les bonnes questions sur leurs fournisseurs, les aider à verbaliser les besoins pour s'assurer que le choix de prestataire est le bon", ajoute-t-elle. Le choix d'un fournisseur ne devrait donc pas se faire sans les achats qui vérifient sa viabilité économique, sa qualité et qu'il correspond bien aux besoins.

Bertrand de Postis se voit comme le gardien du temple : "Les fournisseurs font partie d'un panel que nous constituons au fur et à mesure de nos besoins avec une volonté de s'inscrire sur du moyen terme. Je réalise une veille active et rencontre beaucoup d'agences et de prestataires afin d'anticiper d'éventuels besoins, mais également pour être en capacité d'être force de proposition dans l'innovation." La direction des achats peut en effet aider les opérationnels en termes de sourcing fournisseurs, même si le dernier mot reviendra évidemment aux directions marketing et communication. Chrystèle Navarro dit réaliser une veille pour être force de proposition auprès des directions marketing et communication en leur apportant des fournisseurs innovants. "Nous venons également de réaliser un speed dating fournisseurs pour présenter aux opérationnels des fournisseurs avec lesquels nous travaillons peu ou pas", raconte-t-elle.

"Souvent, les directions marketing et communication ont leurs habitudes avec quelques fournisseurs. Or, il est important de s'ouvrir à de nouveaux prestataires car ce domaine bouge beaucoup. Les acheteurs sont un moyen de s'ouvrir à de nouveaux fournisseurs", pointe Olivier Wajnsztok. Cette veille se fait généralement en participant à des salons. Il est également courant de faire appel à des sociétés de conseil spécialisées dans les achats marketing et communication (Synesens, Harpagon, etc.). Chez Vivarte, les achats participent également à des groupes de travail dans des associations d'acheteurs type CNA. Sylvie Deschatres invite à demander conseil à des homologues dans d'autres entreprises.

Lire la suite page 3 - Etre apporteur de solutions

Être apporteur de solutions

La direction des achats peut donc apporter beaucoup aux directions marketing et communication. À condition que ces dernières comprennent cette utilité et acceptent de les faire entrer dans leur relation avec leurs prestataires. Cette collaboration n'est en effet pas toujours facile tant, nous l'avons dit, la relation qu'entretiennent les directions marketing et communication avec leurs fournisseurs est de l'ordre de l'émotion. Le Club des acheteurs de prestations intellectuelles avait réalisé fin 2016 une enquête sur les achats de prestations marketing et il en était ressorti que dans 62,5 % des cas, la direction des achats a seulement en charge la négociation des tarifs et que pour 18,8 % des répondants uniquement elle se chargeait de l'identification et du référencement des prestataires. Comment les achats peuvent-ils faire en sorte de ne pas être considérés par le marketing et la communication que comme de super négociateurs ?

Lors de la table ronde du Club des acheteurs consacrée à ce sujet, les participants ont expliqué éviter le passage en force et créer une relation sur de petites choses peu stratégiques afin de montrer leur valeur ajoutée. "Nous sommes partis de manière très humble en commençant par expliquer l'intérêt de la mise en place de démarches d'achats groupés", raconte Jean-Christophe Alvergne. Chrystèle Navarro dit ensuite communiquer sur ces premières réussites pour donner envie aux opérationnels qui n'ont pas encore passé le pas. Sylvie Deschatres conseille quant à elle de mettre en place des pilotes pour être ensuite de plus en plus intégrés en amont.

L'objectif étant bien entendu de montrer ce que les achats peuvent leur apporter. "La collaboration entre les achats et le marketing et la communication se passe bien dans la mesure où les acheteurs se positionnent comme des apporteurs de solutions qui permettent d'alléger leur travail sur des tâches fastidieuses : sourcing, qualification des fournisseurs, appels d'offres, grilles d'évaluation...", énumère Henri Kieffer. Faciliter le travail des opérationnels peut aussi consister à mettre en place des contrats-cadres avec les principaux fournisseurs.

Surtout, il ne faut pas que les directions marketing et communication croient qu'une partie de leur pouvoir de décision va être transférée aux achats. "Les achats ont un rôle de vigilance et de contrôle, ils challengent les choix des opérationnels, mais les fournisseurs sont choisis au final par les directions marketing et communication. Il faut que cela soit clair pour qu'il n'y ait pas de difficultés de compréhension ni de conflits d'intérêts", avertit Dominique Scalia. Les périmètres de chacun doivent donc être bien définis et bien expliqués.

Achats responsables : la communication et le marketing aussi !

Les achats responsables séduisent de plus en plus les acheteurs. En effet, ces derniers représenteraient une priorité pour 43 % des acheteurs selon le Baromètre 2017 des achats responsables de l'ObsAR. Et pourquoi ne pas rendre les achats en communication et marketing responsables également ? Il existe en effet des agences faisant partie de l'économie sociale et solidaire qui peuvent permettre d'allier compétences en marketing et communication et RSE. Comme Les Papillons de Jour, agence de communication mais aussi entreprise adaptée qui accueille 80 % de salariés en situation de handicap. "Les entreprises qui travaillent avec nous sont ravies de remplir leur mission handicap mais nous avons surtout à coeur de délivrer des prestations de qualité, de n'accuser aucun retard", indique Katia Dayan, présidente des Papillons de Jour. En effet, l'agence a encore du mal à rassurer les acheteurs sur ce dernier aspect. "Ce sont avec les clients qui nous choisissent pour la qualité de notre travail que le partenariat fonctionne, et pas seulement parce que nous sommes une entreprise adaptée", ajoute-t-elle. La dimension responsable ne doit donc être qu'un critère parmi les autres. Même s'il est intéressant de le prendre en compte.


Lire la suite page 4 - Procédure et dialogue

Procédures et dialogue

Le mieux est de mettre en place un process définissant les étapes-clés de la relation. "Par exemple, à partir d'un certain montant, la consultation des achats est obligatoire", décrit Sylvie Deschatres. Chez Urgo, une procédure écrite est communiquée à l'ensemble des opérationnels. "Elle décrit la façon dont on collabore, comment doivent être réalisés les appels d'offres, quand et comment nous contacter, comment homologuer un fournisseur, l'attention aux fournisseurs en situation de dépendance économique, etc.", détaille Virginie Favray, directrice des achats d'Urgo. Mais, aux dires des directeurs achats présents à la table ronde sur les prestations marketing organisée par le Club des acheteurs, les process et procédures sont mal acceptés par les directions marketing et communication. Ce qui n'empêche pas d'essayer de relancer, par petites touches. Chrystèle Navarro organise régulièrement des réunions avec les acheteurs pour leur rappeler les procédures, notamment avec les nouveaux arrivants.

Cette collaboration est également facilitée par un dialogue qui se fait naturellement entre les deux directions. Une proximité géographique peut aider. Ou la présence d'un acheteur au sein des directions marketing et communication. La société Marcom Performance propose, quant à elle, une méthode pour permettre à ces directions de mieux communiquer, via des canaux de communication transversaux ou encore des groupes de travail commun. L'objectif est en fait de faire travailler le plus possible les gens ensemble afin que cela devienne une habitude.

Encore des efforts sur le digital

Reste cependant un dernier point sur lequel les acheteurs doivent faire un effort : le digital. L'étude du Club des acheteurs rapporte que 60 % des ­acheteurs pensent devoir monter en compétence sur les ­nouveaux usages du marketing. "Les achats en marketing et communication sont en train d'évoluer : une prise de conscience est nécessaire sur la nécessité de s'intéresser à des entreprises innovantes, même si cela comporte un risque, note Dominique Scalia. L'implémentation de solutions innovantes est en effet un élément déterminant pour accompagner la transformation des entreprises."

Dominique Scalia pense ainsi que les achats doivent intégrer de nouveaux profils capables d'appréhender ces évolutions techniques pour mener les achats les plus efficaces possible. "Il y a cinq ans, il s'agissait avant tout d'avoir de bonnes relations avec les directions marketing et communication et de comprendre leurs enjeux. Aujourd'hui, le sujet des achats marketing et communication est devenu éminemment technique : la façon de communiquer change tout le temps et les technologies sont complexes", approuve Olivier Wajnsztok. Les achats doivent donc plus que jamais être à la page sur les tendances en matière de communication et de marketing. La veille est essentielle. Et pourquoi pas une petite formation ?

Chez SMCP, les demandes sont formalisées

Chez SMCP (Sandro, Maje et Claudie Pierlot), la fonction achats indirects a été créée en février 2014. Elle était auparavant décentralisée chez chaque marque. "Nos marques sont uniques et complémentaires à la fois, elles jouissent d'une certaine indépendance et préservent leurs ADN distinctifs, jusque dans leurs achats indirects. Nous recherchons cependant des synergies, à la condition qu'elles soient créatrices de valeur pour tous", explique Loïc Lourenço, responsable achats indirects du groupe. Par exemple, les achats de média off line sont majoritairement consolidés via l'agence ZenithOptimedia. D'autres synergies existent au cas par cas, parfois entre les trois marques, d'autres fois entre deux seulement. "Désormais, les marques prennent contact avec les achats indirects pour rechercher de nouvelles opportunités et partager les bonnes pratiques", rapporte Loïc Lourenço.

Au-delà de cette synergie, la direction achats a accompagné les marques dans la formalisation de leurs achats. Par exemple, des cadres sont proposés pour les briefs. "Ces outils sécurisent l'engagement en clarifiant les attentes et en faisant respecter les conditions commerciales en vigueur", avance Loïc Lourenço. Ces briefs sont dématérialisés au sein d'un outil de procure-to-pay qui vient d'être déployé. Dans cet outil, les directions marketing et communication doivent désormais effectuer des demandes d'achats rattachées à des budgets ; une fois le processus de validation réalisé, les partenaires reçoivent des bons de commande électroniques. La facture est ensuite dématérialisée et rapprochée de la commande. "Cela facilitera le pilotage de nos dépenses et la gestion documentaire liée à nos achats", indique Loïc Lourenço. D'autant plus que les bons de commande entrent dans des détails précis : "Pour l'envoi de communications papier, par exemple, sont précisés sur le bon de commande la date, la cible mais aussi le grammage du papier, etc. Cela permet d'éviter les déconvenues en formalisant le niveau de qualité attendu mais aussi de mesurer objectivement les performances, celles du prestataire et les nôtres."

Les achats indirects viennent également en soutien des directions communication et marketing en termes de sourcing fournisseurs et lors de la démarche d'appel d'offres lors de nouveaux projets ou d'une dépense importante. "Il nous faut alors faire preuve d'une grande réactivité pour répondre aux enjeux des directions marketing et communication, soutenir leurs initiatives innovantes, garder une longueur d'avance", souligne Loïc Lourenço. Pour être force de proposition, les achats restent à l'écoute du marché grâce aux salons professionnels, aux réseaux d'acheteurs et en travaillant avec des cabinets de conseil comme Harpagon. "Le digital nous aide également dans la compréhension du marché, des acteurs existants et des innovations qu'ils proposent." Les achats ont aussi un regard sur les contrats en collaborant avec la direction juridique pour fiabiliser la relation commerciale.

Lire page 5 la tribune d'Olivier Wajnsztok - Comment négocier le contrat d'une égérie?

Comment négocier le contrat d'une égérie ?

Le "celebrity marketing" ou "endossement" est l'utilisation d'une célébrité pour représenter une marque. Les contrats d'égéries associés à ce levier font généralement couler beaucoup d'encre dans la presse, car propices à la curiosité de chacun, notamment sur la rémunération des égéries. Mais, au-delà des sommes que représentent ces contrats, beaucoup d'interlocuteurs agissent dans l'ombre, dont les acheteurs.

Quand le marketing se charge de trouver l'égérie adéquate à sa marque puis d'évaluer son impact business, les achats ont pour mission d'assurer la négociation des termes commerciaux du contrat qui lie la célébrité à la marque et de mettre en relation les différents intervenants entre eux. Mais qui sont ces intervenants ? Comment l'acheteur prépare-t il sa négociation et quels leviers peut-il actionner ? Quels éléments doit il anticiper ?

  • Quels acteurs interviennent dans la négociation d'un contrat d'égérie ?

Une fois que la marque a identifié la célébrité susceptible de l'intéresser pour un contrat d'égérie, l'acheteur entre en jeu pour initier un premier contact avec celle-ci. Évidemment, la célébrité n'est pas seule face à l'acheteur : elle s'entoure bien souvent de professionnels chargés de l'accompagner et de la conseiller. Ainsi, un agent et un avocat gravitent généralement autour de celle-ci et lui apportent leur propre expertise : l'agent la conseille dans sa stratégie de communication et se charge de lui dénicher des contrats tandis que l'avocat se charge de protéger ses droits à l'image. Par conséquent, l'acheteur se charge de la négociation des termes commerciaux avec l'agent de la célébrité et le service juridique de la marque intervient sur la négociation de l'ensemble des éléments juridiques relatifs au droit à l'image avec l'avocat de celle-ci.

  • Comment se passe la négociation ? Quels sont les leviers achats ?

Avant de partir en négociation, deux éléments sont primordiaux pour l'acheteur : un brief précis sur la marque et le scope d'intervention de l'égérie. Ce dernier doit comprendre, a minima, la durée du contrat souhaitée, le territoire (France, Europe, monde, par exemple) et les supports (TV, presse, digital, etc.) sur lesquels l'égérie représentera la marque ainsi que le nombre de journées de tournage vidéo, de shooting photo nécessaires pour le plan de communication prévu. Une fois tous ces éléments consolidés en interne, l'acheteur peut préparer ses leviers de négociation : même s'ils ne semblent pas évidents à trouver de prime abord, ils existent pourtant bien et voici les principaux.

Le premier levier sur lequel peut capitaliser l'acheteur est sa connaissance précise de la marque afin de convaincre l'agent de l'intérêt d'associer sa célébrité et l'image de celle-ci à la marque. En effet, il faut bien être conscient qu'il s'agit d'un partenariat gagnant-gagnant : la marque bénéficie de l'aura de la célébrité tandis que la célébrité capitalise sur l'image de la marque et tire avantage des consommateurs de celle-ci pour accroître et asseoir sa popularité. En effet, quel acteur ou mannequin ne rêverait pas d'être associé à des marques de parfums mondialement reconnues pour confirmer son attractivité ? Ne pensez-vous pas qu'une célébrité serait prête à faire un effort sur sa rémunération si vous réussissez à la convaincre de la puissance de votre marque, mais aussi de la visibilité et des bénéfices en termes d'image que celle-ci sera en mesure de lui offrir ?

Lire la suite page 6 - Jouer sue la durée du contrat

Le deuxième levier est plus pragmatique car il s'agit de jouer sur la durée du contrat : plus le contrat sera long, plus l'égérie sera prête à faire un effort sur sa rémunération annuelle car cela lui assure une entrée d'argent pérenne. Concrètement, si vous savez que votre plan de marque nécessite une égérie pour une durée de deux ans, négociez directement sur cette base et non pas sur un contrat d'un an renouvelable. Si vous n'êtes pas en mesure de vous engager sur de longues durées, vous pouvez toujours négocier sa rémunération à la baisse en vous engageant sur une prolongation de contrat assurée à condition que les résultats de la campagne soient satisfaisants. Dans ce cas, pensez à bien définir et chiffrer les critères sur lesquels dépendra la prolongation de contrat.

Le troisième levier consiste à proposer des contreparties très chères à l'égérie en échange d'un effort sur sa rémunération. À titre d'exemple, la célébrité impose très souvent que sa "glam team" (maquilleur, coiffeur, styliste, etc.) soit présente sur les lieux de tournage et de shooting : il est donc judicieux d'anticiper ce point et de le présenter comme une faveur que vous êtes prêt à lui accorder en échange d'un effort sur sa rémunération.

Le quatrième levier ne peut pas être activé de manière systématique car propre aux animateurs TV. En effet, il se peut que l'agent soit enclin à concéder un effort sur la rémunération de la célébrité en échange d'un plan média dimensionné en faveur de la chaîne. Ainsi, lors de la négociation avec un animateur TV, vous avez tout intérêt à travailler avec les équipes en charge du média au sein de votre entreprise pour discuter d'éventuels ajustements.

Le cinquième et dernier levier repose sur la rémunération de l'ensemble des personnes qui gravitent autour de l'égérie, à savoir son agent et son avocat. Vous pouvez bien évidemment demander de la transparence de la part de l'avocat et de l'agent sur la part que représente leur rémunération sur la somme globale et négocier celle-ci : n'oubliez pas qu'il vaut mieux pour la célébrité et son équipe un contrat moins rémunérateur que pas de contrat du tout.

  • Quelques conseils et données intéressantes

Tout d'abord, pensez à anticiper une prolongation éventuelle du contrat dans les discussions commerciales car cela permet de se prémunir de toute inflation a posteriori. En effet, si le contrat est signé pour une durée d'un an et que les résultats des campagnes auxquelles est associée l'égérie sont au-delà des attentes, alors la marque souhaitera probablement reconduire le contrat. Si cela n'a pas été anticipé, vous vous exposez au risque que l'égérie, consciente qu'elle est devenue essentielle à la marque, vous demande une rémunération bien plus importante.

Ensuite, les besoins de la marque sont souvent amenés à évoluer en fonction du business et des opportunités qui se présentent. Ainsi, il est fortement recommandé d'anticiper et donc de négocier les besoins ponctuels dont les marques pourraient avoir besoin au cours du partenariat et de les inclure au contrat afin d'éviter des négociations récurrentes tout au long du partenariat. Pour ces éléments, la négociation doit se faire sur la base d'un coût forfaitaire et il est recommandé de négocier a minima les éléments suivants : une journée de relation publique, une journée de tournage, une journée de shooting, un travel day, un post sur les réseaux sociaux, etc. Par ailleurs, pensez à bien définir la durée d'une journée de RP/tournage/shooting ainsi que ce qui est entendu par un post sur les réseaux sociaux.

Pour finir, sachez que la rémunération de l'agent représente en général entre 15 et 25 % de la rémunération totale de l'égérie : cela vous permet d'imaginer le potentiel de négociation que représente ce levier.

Olivier Wajnsztok est directeur associé du cabinet ­AgileBuyer, ­spécialisé dans les équipiers achats (acheteurs professionnels qui traitent de projets achats chez les clients), le conseil et le coaching d'acheteurs.


 
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