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[Juridique] Visite de site : les précautions à prendre

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[Juridique] Visite de site : les précautions à prendre
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La visite de site est une pratique de plus en plus fréquente des acheteurs publics. Pour qu'elle ne constitue pas une fragilité de la procédure de mise en concurrence, il convient de respecter certaines précautions. Le point en questions-réponses.

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La visite de site est une pratique de plus en plus fréquente des acheteurs publics souhaitant s'assurer que les candidats disposent d'un maximum d'informations avant d'élaborer leurs offres. On retrouve cette pratique aussi bien en services (notamment nettoyage ou bio-nettoyage, ou en transport urbain) qu'en travaux (construction ou réhabilitation d'immeubles). Cette pratique a deux avantages pour l'acheteur, les candidats sont "impliqués" dans la procédure et ne se contentent pas d'une réponse standardisée écrite, souvent formulée peu avant la date de remise des offres et les candidats formulent une offre plus précise et plus proche des contraintes réelles et spécificités observées lors de la visite.

Néanmoins, et pour que cette pratique ne constitue pas une fragilité de la procédure de mise en concurrence, il convient de respecter certaines précautions.

L'organisation d'une visite peut-elle combler les lacunes du CCTP ?

NON. La visite de site ne doit pas servir de palliatif à l'exigence d'une bonne définition des besoins dans le cadre d'un appel d'offre. Si l'acheteur se contente de renvoyer cette compréhension des besoins à la seule visite de site, alors le risque juridique est réel au regard des règles de la commande publique. Le juge considère ainsi que l'absence suffisamment précise de définition des besoins renforce l'arbitraire et fausse la concurrence entre opérateurs. Aussi la visite de site doit permettre aux opérateurs d'optimiser leur offre au service d'une meilleure concurrence.

Dans quels documents indiquer qu'une visite aura lieu ?

Le règlement de la consultation doit donner cette information aux candidats. Si la mention dans l'AAPC n'est pas obligatoire, elle est conseillée dans la mesure où cette information permet aux candidats d'avoir un accès plus rapide à l'information et ainsi de s'organiser en fonction des modalités prévues dans le règlement de la consultation. La publication des avis de marché étant dématérialisée, si les outils informatiques ne permettent pas de sélectionner une case "visite de chantier", l'information peut être ajoutée dans la rubrique "autres renseignements" de la plateforme utilisée.

A quelle date doit avoir lieu la visite de site dans le déroulement d'une procédure ?

L'acheteur doit prendre en considération deux échéances particulières :

- la date de publication de l'avis de marché ;

- la date limite de remise des offres.

En effet, une visite obligatoire fixée trop proche de ces deux dates pourraient constituer un vice susceptible de léser un candidat, soit que ce dernier n'ait pas eu assez de temps pour s'organiser et assister à la visite obligatoire rendant son offre irrégulière, soit que ce dernier n'ait pas eu assez de temps pour adapter son offre ou poser des questions à la suite de la visite de site.

Le juge a pu considérer dans certains cas qu'un délai de trois jours entre la visite du site et la date limite de remise des offres est suffisant, en considérant que les informations de la visite figuraient par ailleurs dans le dossier de consultation des entreprises.

A la demande d'un candidat, peut-on décaler la date prévue pour la visite de site ?

NON. Lorsque l'acheteur fixe une date unique de visite dans le règlement de la consultation, il ne peut pas, à la demande d'autres entreprises candidates, fixer une deuxième date ou encore décaler la date de visite de site sans prendre le risque de rompre l'égalité de traitement des candidats. En toute logique, les offres des entreprises qui ne se sont pas présentées à la date prévue par le règlement de la consultation sont alors rejetées pour irrégularité.

Peut-on prévoir des visites de site groupées ?

OUI. L'acheteur peut prévoir des visites groupées avec une ou plusieurs dates fixées au sein du règlement de la consultation en lieu et place de visites individuelles. Le risque de ces visites groupées réside dans le fait que les candidats peuvent connaître l'état de la concurrence et éventuellement faciliter les pratiques d'entente dans le cadre de marchés publics. On rappellera sur ce point que les grandes consultations de partenariats public-privé lancées durant la période 2004-2014 ont souvent donné lieu par les services acheteurs de l'état à des visites-conférences groupées sans difficultés signalées.

Lire la suite en page 2 : Peut-on prévoir des visites de site individuelles ?

Peut-on prévoir des visites de site individuelles ?

OUI. Les visites individuelles de site permettent de tomber dans l'écueil des visites groupées au cours desquelles les candidats se rencontrent. Dans le cas des visites individuelles, l'acheteur s'assure qu'aucun échange ne peut avoir lieu entre candidats.

Cependant, il existe un risque non négligeable que l'information diffusée aux candidats durant chaque visite ne soit pas strictement identique. Au cours d'une visite, l'acheteur peut donner davantage de précisions à un candidat qui questionne l'acheteur. La précaution à prendre est :

- de fixer un temps de visite identique à tous les candidats ;

- de fixer, à l'avance, un programme de visite ;

- de noter les questions des candidats ainsi que les réponses spécifiques de l'acheteur ;

- de rédiger un récapitulatif des réponses apportées et de les diffuser sur la plateforme achat de l'acheteur.

Dans ce cas, faut-il privilégier des visites individuelles ou groupées ?

D'un côté, la visite groupée a l'avantage d'être plus facile à organiser pour l'acheteur et moins chronophage, même si elle expose l'acheteur à un risque d'entente.

De l'autre côté, la visite individuelle permet une étanchéité de la procédure, sous réserve d'une forte préparation en amont et en aval de la procédure. Les services de l'acheteur sont davantage sollicités. Leur organisation implique une bonne interface de la fonction achat, entre d'un côté les équipes techniques sur le terrain et de l'autre le service juridique en charge de la sécurité de la procédure de passation.

Il appartient à l'acheteur d'arbitrer le meilleur choix au cas par cas, dès lors que la jurisprudence autorise les deux modalités de visite. A partir du moment où le secteur concurrentiel sollicité est restreint, l'organisation d'une visite individuelle est préférable. En revanche, si les candidats attendus sont potentiellement nombreux, on préconisera davantage une visite groupée.

Peut-on prévoir des visites facultatives ?

OUI. Mais l'acheteur doit être particulièrement vigilant. Cette visite ne doit pas conduire à la divulgation d'informations "privilégiées" sur les caractéristiques techniques ou les attentes de l'acheteur, qui ne seraient pas formellement écrites au sein du cahier des charges. De telles pratiques créeraient nécessairement une situation plus favorable pour ce candidat par rapport aux autres.

Si des informations sont divulguées lors de la visite, l'établissement et la transmission de procès-verbaux de chaque visite exposant les questions et réponses données aux candidats permettraient de satisfaire le principe.

L'absence d'un candidat à une visite obligatoire rend-elle automatiquement son offre irrégulière ?

NON. Il est vrai qu'en principe, l'absence d'un candidat à une visite obligatoire est une méconnaissance du règlement de la consultation entraînant l'irrégularité de l'offre. Il en va autrement lorsque le candidat fait état de sa connaissance approfondie du site et de ses contraintes ; l'irrégularité est régularisée. Rappelons en effet que la visite de site n'a pas pour objet de combler les lacunes de la définition du besoin faite par l'acheteur en amont de la procédure. En effet, le caractère obligatoire de la visite est lié au fait que l'offre des candidats ne peut pas s'effectuer sans cette visite.

Pour faire état de sa connaissance approfondie du site, le candidat peut fournir des éléments qui démontrent que celui-ci a déjà visité le site dans le cadre d'une autre consultation, ou alors que le candidat est le précédent attributaire du marché. Le candidat peut produire une attestation ou un récépissé de visite, délivré lors de la dernière visite. Attention toutefois à veiller à ce que, depuis la dernière visite, le site n'ait pas subi de modifications. Dans cette situation, l'offre du candidat qui ne s'est pas présenté sur le site modifié pourra être considérée comme irrégulière par l'acheteur.

D'une manière plus générale et par sécurité juridique pour l'opération d'achat, on sera très vigilant sur la potentielle exclusion d'un candidat ne s'étant pas présenté à une visite de site avant de remettre son offre. En effet, la liberté d'accès à la commande publique doit permettre à tous les candidats, et notamment ceux qui sont géographiquement les plus éloignés de l'acheteur, de présenter une offre. Si l'opérateur en cause se trouve très éloigné du site, on lui accordera le bénéfice de la liberté d'accès à la commande publique et on évitera de le disqualifier sur ce seul motif. La visite de site reste avant tout un moyen pour les opérateurs de préciser et d'améliorer au maximum leur offre.

Elle ne doit être pas être gérée comme une contrainte tant pour l'acheteur que pour l'opérateur.

Par Raphaël Apelbaum & Alain de Belenet, cabinet LexCase

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