[Juridique] Juristes, acheteurs et chargés d'opérations, associés pour anticiper les risques dans l'exécution des marchés de travaux
Durant l'exécution de son marché, l'acheteur travaux a son lot quotidien de tergiversations avec ses partenaires. Il "rêve" de trouver les solutions et la posture adéquate pour une réalisation optimale de ses attentes. Les outils juridiques et contractuels permettent pourtant de sauver les meubles.
Je m'abonneEn tant qu'acheteur public, la réglementation peut paraître contre-productive : soit qu'elle semble vous contraindre à des délais procéduraux incompatibles avec vos plannings opérationnels, soit que vous lui reprochiez des prescriptions administratives et/ou financières inutiles et disproportionnées. Pourtant le code de la commande publique met à votre disposition des instruments qui, une fois maîtrisés et utilisés à bon escient, peuvent vous permettre de structurer au mieux vos besoins et d'en suivre la concrétisation avec pragmatisme.
Ces outils peuvent être regroupés en deux catégories : d'une part en phase de consultation, ceux qui vous accordent une marge de manoeuvre pour optimiser vos cahiers des charges ; d'autre part lors de l'exécution proprement dite du marché, ceux qui vous permettent des modulations sans avoir à procéder à une nouvelle mise en concurrence.
Malentendus entre les parties aux marchés de travaux
Lors de marchés de travaux, les dérives et malentendus sont nombreux. L'objectif est de les sécuriser ou de réduire au maximum leurs impacts.
Les premiers malentendus concernent les interfaces entre parties prenantes lors de la définition du besoin. Une mauvaise définition du besoin est source de surcoûts et de potentiel biais de procédure. Par exemple, un programme qui évolue après signature du marché perturbe la stratégie contractuelle adoptée et occasionne également de nombreux surcoûts. Pour pallier une définition approximative du besoin, l'acheteur public peut compter sur les propositions des entreprises et leur savoir-faire. Il peut, par exemple, faire appel aux variantes ou à la procédure négociée afin de capter leurs compétences. Tendre vers une expression fonctionnelle du besoin permet aussi de se focaliser sur les attentes, tout restant libre du "comment", avec une pluralité de méthodes et de solutions potentielles proposées par les entreprises.
Les seconds concernent l'exécution. Les prestations supplémentaires et réclamations sont aussi la preuve de hiatus entre le titulaire et le donneur d'ordre. Afin de limiter ces tensions, les outils contractuels sont à positionner durant la construction du dossier, notamment les pénalités, réceptions, contrôles, les options, jalons de paiement ainsi que les systèmes incitatifs comme les primes.
3 outils existants pour se sécuriser
Les moyens qui vous ouverts avant l'attribution de vos marchés
1) Les "variantes" si le code vous soumet à "la plus exacte précision" de vos attentes, il vous permet aussi de faire appel à l'expertise des fournisseurs et donc, à tirer parti de solutions variées et novatrices que vous n'auriez pas forcément imaginées au départ. Ainsi, à partir de la solution de base exprimée, vous pouvez "ouvrir à variante" en proposant voire en imposant aux candidats - selon votre choix - de vous apporter des procédés alternatifs.
Entendez dans le terme "variante" la perspective de nouveaux moyens d'agir, notamment techniques.
La condition est de circonscrire précisément dans vos cahiers des charges les domaines sur lesquels vous attendez des propositions alternatives, afin que les candidats ne dénaturent pas votre besoin en vous "imposant" des solutions qui remettraient en cause les conditions initiales de la mise en concurrence.
2) Les "PSE" (Prestations Supplémentaires Éventuelles) : Pour ceux d'entre vous ayant pratiqué les versions du code antérieures à 2016, il s'agit des anciennes "options", à savoir : des prestations complémentaires (et non plus alternatives comme pour le cas des variantes) que vous demandez aux fournisseurs de chiffrer, sur des aspects qui encore une fois doivent rester marginaux quant à votre besoin global, et que vous vous retiendrez - ou non - en fonction des prix proposés pour l'attribution du marché.
Vous conservez la faculté soit d'exiger une réponse obligatoire ("PSE obligatoires"), soit de laisser aux candidats la possibilité d'y répondre ou non ("PSE facultatives").
3) Les options : un dispositif vous permettant de faire évoluer le contrat en cours d'exécution
La réglementation actuelle a redéfini le terme "d'option" : il s'agit dorénavant de la faculté que vous vous octroyez de faire évoluer votre besoin initial, en fonction d'évènements que vous n'auriez pas pu prévoir au départ.
Il en existe trois types :
- Le fractionnement du marché en tranches optionnelles. Lors du lancement de votre consultation, vous pourriez ne pas être certain d'avoir à commander certains ensembles de prestations (par exemple si vous attendez des subventions pour pouvoir les financer). Vous pouvez alors vous réserver la possibilité de déclencher (on parle " d'affermir ") ces ensembles en cours de marché.
- La reconduction du marché initial : S'agissant spécifiquement des accords-cadres, dont la durée ne peut en principe excéder quatre ans, vous pouvez choisir une première année commandée fermement à titre de " probation " : si le titulaire vous a donné satisfaction, vous pourrez alors reconduire le marché à chaque date anniversaire de la conclusion du marché initial.
- Les marchés pour prestations similaires : si certaines prestations devaient être répétées à l'identique (et non pas des prestations nouvelles ou complémentaires), pour des raisons factuelles et objectivement imprévisibles, vous avez la possibilité de négocier directement avec le fournisseur déjà attitré.
Encore une fois, ces hypothèses doivent avoir été précisées lors de la consultation et dans les documents contractuels initiaux.
Les outils présentés sont vertueux et relativement faciles à appréhender. N'hésitez pas à les faire vôtres pour sécuriser les risques et parfaire votre stratégie achat.
Par Mélanie Spagnuolo PEUF, Achats Consulting - entreprise spécialisée dans l'assistance à maîtrise d'ouvrage sur la passation de marchés de travaux et aussi dans l'identification et la sécurisation des risques associés à ce domaine. Plus de 10 ans d'expériences dans les achats publics et privés.
et
Mathieu Blossier- Titulaire d'un Master 2 en droit public des activités économiques, Mathieu Blossier a travaillé pour différents acheteurs publics et a été consultant au sein de la SCET (Société Centrale d'Équipement du Territoire) au service des EPL. Il est actuellement conseil expert en droit de la commande publique, formateur et rédacteur au service des opérateurs publics et privés.