[Jeune acheteur] "Le principal défi est aussi le plus important : le relationnel"
Depuis juin 2015, Nicolas Albisser, 26 ans, est acheteur IT pour le ministère de l'Intérieur, après avoir effectué son apprentissage au sein de Reims Métropole. Jeune diplômé, il n'en a pas moins un regard déjà lucide et instructif sur son métier.
Je m'abonne- Quel a été votre parcours universitaire et professionnel ?
Après avoir obtenu un bac ES, j'ai intégré un bachelor généraliste en école de commerce (Sup' TG Reims). J'ai alors commencé à travailler chez Décathlon comme responsable de l'univers montagne, eau et santé découverte. J'ai ainsi découvert le secteur de la grande distribution, mais également tout ce qui a trait à l'approvisionnement et la gestion des stocks. Cela m'a donné envie de reprendre mes études et d'effectuer un Master spécialisation achat-supply chain, à Neoma Business School. J'étais en apprentissage au sein de Reims métropole où j'avais un poste d'acheteur public. J'ai démarré sur des dossiers de quelques centaines de milliers d'euros pour finir sur plusieurs millions.
À l'obtention de mon diplôme en juin 2015, je suis devenu acheteur IT, informatique et communication, au sein du SAELSI (Service de l'achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure) pour le ministère de l'Intérieur. Nous sommes huit acheteurs IT sur ce pôle plus notre chef d'escadron, le Commandant.
- Qu'aimez-vous dans ce métier d'acheteur ?
J'aime beaucoup les chiffres mais aussi le côté relationnel car vous travaillez toujours avec des techniciens et des prescripteurs internes : nous sommes bien là en support des différents services de l'entreprise.
Vous devez réussir à comprendre leurs besoins, les reformuler et les optimiser vis à vis du marché des fournisseurs afin d'obtenir les meilleurs résultats possibles.
- Vous envisagez-vous comme un cost killer ?
C'est une vision qui existe effectivement dans les entreprises, souvent sans bonne raison et qui est caricaturale.
Les achats est un secteur qui se développe depuis déjà plusieurs années mais qui est nouveau dans le monde des entreprises, et notamment dans le secteur public. Vous arrivez avec de nouvelles façons de travailler, aussi vous pouvez être rapidement catégorisés comme un cost killer.
Les achats, c'est trouver la meilleure solution technique, qualitative au meilleur prix. Le service achats permet d'avoir une vision externe à un problème technique mais également il est vrai de faire des économies dans les achats lorsqu'il y a des problèmes budgétaires, cependant nous ne sommes pas là pour tout sacrifier.
Par exemple dans le secteur public, nous sommes là pour assurer une qualité de service à l'usager ou à l'utilisateur, dans mon cas des policiers ou des gendarmes. Nous faisons en sorte de trouver des leviers achats pour faire des économies et non l'inverse.
- Quelles sont vos missions au sein du ministère de l'Intérieur ?
Mes missions sont assez variées, je suis d'abord là en soutien au prescripteur technique en l'aidant à réaliser tout son sourcing et à sa définition du besoin pour coller au mieux à la réalité du marché.
Je vais collaborer avec lui sur son cahier des charges technique et administratif, et mettre en place des rencontres avec plusieurs fournisseurs pour lui montrer différentes possibilités.
- Quels sont les principaux défis qu'il vous faut relever?
Le principal défi est aussi le plus important : le relationnel. Je suis un jeune acheteur de 26 ans, aussi ce n'est pas toujours facile de montrer des solutions différentes à un prescripteur technique plus âgé et plus expérimenté que moi. Vous n'êtes pas toujours accueilli les bras ouverts, le défi est donc de réussir à se faire accepter grâce à la plus-value que vous allez apporter au service.
Dans le secteur public, nous avons également de grosses contraintes concernant les délais, et c'est un point sur lequel vous n'êtes pas vraiment formé en école de commerce.
- La réalité du métier est-elle différente de ce que vous aviez imaginé ?
Oui et non. Il y a des notions assez généralistes que vous retrouvez quel que soit le métier d'acheteur comme la composante humaine, rédiger un tableau de bord, etc. Mais l'école de commerce ne vous prépare pas aux particularités du secteur d'activité où vous allez travailler. Dans les cours, la grande distribution est souvent abordée et étudiée mais il est très peu question de l'industrie, du secteur public, d'IT...
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En école de commerce, cela reste très centralisé d'un point de vue secteur, les cours restent très basiques.
Par exemple, je me retrouve à acheter de la maintenance téléphonique et logicielle pour des centres d'information de la police. Nous sortons de nos études sans avoir forcément étudié les secteurs d'activités où nous serons amenés à acheter. Et cela peut poser un problème lorsque vous démarrez votre premier emploi.
- Êtes-vous tenté par le secteur privé ?
Oui, j'aimerais que ma prochaine expérience soit dans le privé, car je ne connais pour le moment que le secteur public où j'ai découvert le domaine des collectivités territoriales et à présent la fonction publique d'État. Je veux m'ouvrir à d'autres d'horizons et combiner les deux visions, ce qui me permettra de m'améliorer en tant qu'acheteur.
- Comment voyez-vous votre avenir dans dix ans ?
C'est très compliqué à de répondre à cette question. Je ne sais pas si un jeune de ma génération peut prévoir ce qu'il fera dans dix ans car tout bouge tellement vite. J'aimerais d'ici dix ans être acheteur dans le privé ou dans le consulting en tant que manager d'une équipe achats, cela m'attire beaucoup.