Data: quelle stratégie voyage au delà des outils?
La data est la clef de tout, mais rares sont encore les travel managers qui savent comment exploiter les datas, - au delà des négociations fournisseurs -, pour établir une vrai politique voyage en adéquation avec la stratégie de l'entreprise.
Je m'abonneLa data est dans toutes les bouches aujourd'hui, au point qu'on l'imagine bien intégré dans les entreprises et largement exploitée. Mais quelle est la réalité ? Comment les données sont-elles aujourd'hui, gérées par les travel managers - de quelles données parle t-on et, au-delà de l'opérationnel, comment peut-on les exploiter pour construire une politique voyage qui soit raccord avec les enjeux stratégiques de l'entreprise? Pour répondre à ces questions, nous avons réuni quatre experts sur une table ronde organisée lors de la Journée Travel de Décision Achats, qui s'est déroulée le 31 mai dernier, à Paris. Extraits des échanges.
"La donnée et la clef de tout", a souligné Lukrecya Payen, Global Senior Travel Buyer de Schneider Electric. " Elle est au coeur de toutes les problématiques. C'est grâce aux données que j'articule ma stratégie de négociation avec mes fournisseurs. Les données sont aussi un soutien aux opérationnels pour mettre en place de nouvelles actions ou mener des actions correctives.
Les datas me permettent de savoir comment optimiser mon programme travel, mais j'avoue avoir des difficultés à mener ma démarche à son terme. Je vous donne un exemple. Je suis en train de finaliser un appel d'offres avec une grande compagnie aérienne. Elle m'accorderait un discount supplémentaire en échange de 10 points de part de marché supplémentaires au départ de la Chine, l'Inde, les Emirats Arabes Unis et Singapour. Ce qui me manque, c'est connaître l'impact d'une décision de cet ordre sur mes négociations avec les fournisseurs de ces pays, auxquels je retirerais, mécaniquement, des parts de marché. J'ai demandé des business cases à mes consultants il y a déjà de nombreuses semaines, mais je n'ai pas eu de retour de leur part. Je ne peux donc pas être autonome et piloter mes contrats et mes négociations de façon dynamique et en temps quasi réel.
Par ailleurs, nous n'avons pas toutes les données, car certains voyageurs passent leurs réservations en direct (par téléphone ou via le site web de l'hôtel ou de la compagnie aérienne), et s'ils ne s'identifient pas comme étant des collaborateurs Schneider Electric, ces données sont très difficiles à récupérer, voire impossible en cas de paiement en espèces. Nous sommes en train d'implémenter une solution de gestion mondiale de notes de frais avec Concur, qui nous permettra (peut-être), plus de visibilité sur ces "data cachées."
Comment les datas de l'open booking peuvent-elles êtres captées et permettre d'améliorer la politique voyage ?
Julien Million-Rousseau - directeur avant-ventes de Concur - "Une plateforme comme Concur permet de déployer un projet travel dans de multiples pays en connectant plusieurs GDS, agences de voyage, des cartes affaires ou logées, etc... Mais effectivement, tous ces voyages, réservés directement auprès des fournisseurs en utilisant des moyens de paiement personnels, induisent des impacts critiques en terme de contrôle des dépenses en fonction de la politique de déplacement, de gestion du risque collaborateur (je ne sais pas où sont mes collaborateurs, et je ne peux dans ce cas pas répondre aux contraintes législatives en vigueur), et également sur la négociation avec les fournisseurs et l'amélioration de la politique voyage. Une récente étude conjointe Concur/GBTA montre qu'en France, on estime à 60% la proportion de collaborateurs ayant effectués des réservations "hors système" sur les 12 derniers mois.
Mais il y a effectivement des moyens de capter ces réservations. Concur propose un outil, TripLink, permettant d'avoir une visibilité sur cet "open booking", et utiliser ces données de voyage dans la négociation avec les fournisseurs et dans sa gestion de programme voyage. Cela passe par des partenariats avec les prestataires voyages, un effort conséquent que nous menons depuis deux ans avec par exemple Accor, Intercontinental, Capitaine Train, etc... Une simple synchronisation de comptes permet une intégration directe des réservations dans Concur. Dans le cas de l'utilisation d'un fournisseur n'étant pas encore connecté à Concur, l'utilisateur peut nous transférer les confirmations de réservation reçues par email."
En ce qui concerne l'utilisation de la data : notre plateforme est également capable, en complément d'un module complet de B.I., de générer automatiquement un rapport complet de l'utilisation de la plateforme par les employés, affichant en face de chaque indicateur des conseils de paramétrage de la politique voyage sur l'outil afin de l'améliorer. Ce rapport auto généré par l'outil permet par exemple d'avoir une vue immédiate du taux d'adoption de la plateforme et suggère des modifications de paramétrage pour l'améliorer.
Mais quelle data recherche t-on et pour en faire quoi?
La data, les travel managers l'ont ou peuvent l'avoir grâce aux outils existants, mais toute la difficulté est de savoir comment l'exploiter. La question est d'autant plus compliquée que tout le monde ne recherche pas la même chose dans les données.
Erwann Le Berre, responsable Mid Market chez Air Plus. "Tout le monde a effectivement des outils pour obtenir des données. La vraie question n'est pas quel outil utiliser, mais comment utiliser la data. Parce qu'il n'existe pas une politique de voyage, chacun doit construire celle qui lui convient. Quelles sont les données dont j'ai besoin pour faire quoi ? Beaucoup de travel managers ne savent pas vraiment ce qu'ils vont en faire. En outre, les données nécessaires changent en fonction des services qui construisent la politique voyage. Une politique voyage peut être menée par un service RH en collaboration avec les acheteurs et ils n'ont pas les mêmes intérêts. La solution de reporting AirPlus Information Manager permet de remonter des informations fines, en fonction des centres d'intérêts déterminés en amont et, surtout, des priorités de l'entreprise.
La première question à se poser est "qu'est ce que j'attends de ma politique voyage et qu'est-ce que j'attends de la data ?". La data ne sert pas à faire un constat, mais à anticiper."
Le mot magique a été prononcé: "anticipation". Pourquoi n'y a-t-il pas plus d'anticipation ? Et comment construire, grâce aux datas, une politique voyage adaptée aux voyageurs ?
Brigitte Jakubowski, directeur JK Associates Consulting. "Au-delà de la quête d'économie, il faut effectivement se demander "qu'est ce qu'on recherche". Et je pense qu'il est intéressant de se pencher sur les délais de commande - des informations que l'on peut avoir avec les différents outils de reporting et les agences de voyage et se poser les vraies questions au sujet de la non anticipation.
Pourquoi les voyageurs réservent-ils en dernière minute ? Je crois qu'il y a deux explications. La première peut être liée à une mauvaise organisation et aux mauvais processus d'une entreprise d'un point de vue métier ou culturel. La deuxième, à mon sens, peut être liée aux règles de confort autorisées dans le cadre de la politique voyage. La gestion du temps, le stress et l'objectif permanent de voyager au "moins cher" sont devenus tels qu'aujourd'hui, le voyage est une vraie contrainte ; à tel point d'ailleurs que certains salariés font stipuler dans leur contrat qu'ils ne voyageront qu'en classe business, par exemple... pour les autres, "comme un acte manqué", des réservation de dernière minute permettront l'accès à de meilleures classes de confort, au choix des horaires et/ou des compagnies aériennes ...ce qui est identifiable dans les data.
Si l'on essaye deux minutes de sortir des sources rassurantes que sont les règles, les prix et les data, il faudrait que l'entreprise puisse se pencher sérieusement sur l'impact économique et sociétal d'une politique de voyages versus la performance globale de l'entreprise. Pour pouvoir arbitrer, il faut certes que le travel manager ait une bonne lisibilité des datas mais il faut aussi qu'il puisse analyser les facteurs comportementaux et les motifs de déplacements qui vont indéniablement impacter ses budgets . Trop peu d'entreprises étudient les déplacements au regard des enjeux stratégiques, économiques et commerciaux. Ne faudrait-il pas demander s'il est possible de paramétrer les règles de confort en fonction de la typologie des déplacements (intra entreprises versus acquisition et/ou amélioration de la marge nette )
Si j'ai connaissance des grands projets planifiés, telle que la construction d'une usine, de négociations en cours, de la planifications de voyages sur plusieurs mois etc.., je devrais pouvoir statuer en fonction de ces projets et décider à partir de quand je peux accorder une autre façon de voyager.
La politique voyage de l'entreprise fait partie de sa politique générale. Et je crois que la méthodologie connue de questionnement "QQOQCCP", permet de fixer a minima les bonnes questions (Qui ? Quoi ? Où ? Quand? Comment ? Combien ? Pourquoi ?), et de passer en revue, dans un premier temps et de façon basique, les fondamentaux de la politique de voyages. Cela prend toute sa place pour se poser les bonnes questions et établir la bonne stratégie.
LA seule vraie question : quel doit être mon arbitrage et sur quoi est-ce que je me base pour établir ma politique voyage en fonction de la raison d'état."