Travel management - A quand une NDC de l'hôtellerie ?
Dans le sillage de la redistribution des cartes qui modifie le secteur aérien, la filière hôtelière pourrait voire naître un standard remaniant la distribution des offres. Mais si la diminution des intermédiaires semble pertinente, tous les acteurs n'en font visiblement pas une priorité.
Je m'abonneAu cours des derniers mois, des dirigeants de plusieurs grandes chaînes hôtelières internationales se sont déplacés à Genève, au siège de IATA (Association internationale du transport aérien), pour collecter des informations sur la manière et le contexte dans lequel la norme NDC (New Distribution Capability) était née. "Il s'agissait d'évaluer dans quelle mesure ces acteurs du secteur hôtelier pourraient développer un système similaire sur leur périmètre d'activité", indique un spécialiste du conseil dans le domaine du voyage d'affaires.
Dans l'aérien, ce standard est aujourd'hui entré dans sa phase concrète. Il a été adopté par de nombreuses compagnies aériennes, ce qui conduit à une homogénéisation dans la distribution des offres et une forte capacité de personnalisation de ces dernières. "De façon analogue, le défi est de créer pour la première fois une norme de standardisation dédiée au transfert de données dans l'hôtellerie. A l'heure actuelle, chaque fournisseur est libre de mettre à disposition ses données comme il le souhaite sur un format qui lui est propre. La conséquence de cette évolution serait que l'intégration multisource directement de la part de l'hôtelier soit beaucoup plus simple", souligne Tristan Dessain-Gelinet, co-fondateur de l'agence de voyage d'affaires Travel Planet.
Pour l'instant, dans ce secteur, il existe de nombreux intermédiaires, des intégrateurs, qui représentent des points d'accès quasi-exclusifs à certains contenus. Pour Christophe Drezet, associé et directeur de la Business Unit Voyages et déplacements au sein du cabinet EPSA, "le secteur hôtelier reste loin de la réalité concrète que l'on trouve désormais dans l'aérien en matière de standardisation. On constate toutefois certaines évolutions, comme le développement de marketplaces de l'hôtellerie. Une marketplace n'est ni plus ni moins qu'un agrégateur de contenus et de différentes sources de contenus. CDS Groupe se dit aujourd'hui en capacité d'agréger du contenu provenant de différents groupes hôteliers, d'agrégateurs ou de son propre contenu à tarifs négociés."
Des intérêts divergents
La tendance à la standardisation constituerait également une solution à certains problèmes techniques. "Avec l'empilement des intermédiaires, lors de requêtes, il y a tellement de systèmes qui s'appellent les uns les autres que les temps d'attente deviennent trop longs ou génèrent des échecs d'opération. Dans le cas d'une connexion directe avec l'hôtelier, le retour est immédiat", estime Tristan Dessain-Gelinet.
L'intérêt réside aussi dans des suggestions d'offres bien plus personnalisées et adaptées aux besoins du client final, tenant compte du contexte et de critères relatifs à la politique voyages en place. "Il s'agit de pousser la bonne information au bon moment, ce qui représente également un changement intéressant pour les travel managers", précise Cédric Barbesier, directeur des produits data au sein de CWT Solutions Group, la partie conseil chez CWT. Mais les hôteliers ne semblent pas tous enthousiastes à l'idée d'adopter ce virage. "La mise en place d'une solution de distribution conjointe n'est pas une priorité pour les plus grands groupes. Au-delà de l'avantage de profiter d'une économie florissante avec des hôtels remplis, le fait de disposer de différents canaux de distribution permet parfois d'en privilégier certains par rapport à d'autres, et donc de vendre des chambres qui sont parfois plus chères. En conséquence, les taux de remplissage et de revenus moyens par chambre sont actuellement tout à fait satisfaisants", explique Christophe Drezet.
Certaines structures de taille intermédiaire sont davantage intéressées, à l'image de la chaîne hôtelière anglaise Premier Inn qui a demandé à l'agence Travel Planet d'être intégrée directement à leur solution. En seulement cinq semaines, l'opération était réalisée.Mais dans la filière hôtelière, quel organisme peut porter le développement d'une norme équivalente à la NDC du secteur aérien ? Pour Tristan Dessain-Gelinet, "les quelques grandes chaînes hôtelières devraient se regrouper autour de la création d'une entité commune pour accompagner cette évolution. Ces acteurs ont tous le même intérêt à s'engager dans ce domaine. Ils dénoncent d'ailleurs tous la main mise actuelle des intégrateurs et de quelques gros opérateurs mondiaux sur la filière."
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Une tendance à la désintermédiation ?
Les hôteliers n'ont-ils pas tous intérêt à mettre en place des stratégies de distribution qui contribuent à réduire les intermédiaires, pour leur permettre de se rapprocher de leurs clients et dans le but de leur proposer des offres sur mesure ? Il s'agit d'un des objectifs de la norme NDC. En intégrant davantage l'historique des demandes, il est possible de mettre en place des offres bien plus pertinentes. "Face à la force de frappe d'un acteur comme Booking dont la commission de chaque opération est élevée, bon nombre d'hôtels cherchent la parade et veulent développer des canaux de ventes directes, en particulier via leur site internet. C'est notamment intéressant à l'égard d'une clientèle d'affaires où l'agence de voyages a elle aussi développé un certain nombre d'outils visant à remonter directement les offres des grandes chaînes et à s'affranchir de certains intermédiaires", souligne Christophe Drezet. Bon nombre d'acteurs d'une chaîne de distribution se retrouvent aujourd'hui challengés car on trouve trop d'intermédiaires capables de prélever des commissions très élevées sur le prix d'une chambre, "ce qui n'a pas de sens dans un modèle sain viable à long terme, poursuit-il. Certaines start-up étudient actuellement ce sujet de la distribution hôtelière, car bon nombre d'entrepreneurs prennent conscience que si un acteur est capable de prendre des commissions allant de 15 à 25 %, c'est qu'il existe des possibilités de bouleverser ce marché, en étant moins gourmand et en proposant davantage de services additionnels."
En arrêtant d'empiler intermédiaires et intégrateurs, dont certains représentent simplement une valeur ajoutée technique, le secteur gagnera en simplicité. Le gain est également une transparence et un meilleur accès à la tarification, ainsi qu'un prix réduit pour le client final en raison du coût de l'intégrateur qui disparaît pour l'hôtelier. Le volet intégration hôtelière représente également un problème par rapport au RGPD dans le contexte actuel. "L'intégrateur concerné peut être amené à travailler avec un autre intégrateur pour obtenir d'autres contenus. La traçabilité peut alors être mise en difficulté. La gestion de l'accès aux données personnelles est de ce fait bien plus complexe que lorsqu'on est en contact direct", ajoute Tristan Dessain-Gelinet.