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Le Covid-19 fait trembler le voyage d'affaires

Publié par MATHIEU NEU le | Mis à jour le
Le Covid-19 fait trembler le voyage d'affaires
© Felix Pergande

Après trois mois d'extension de la crise issue du coronavirus Covid-19, l'ensemble des échanges économiques se retrouve grippé, compromettant d'innombrables déplacements professionnels. Entre panique et surenchère médiatique, l'information sanitaire est au coeur des problématiques pour les décideurs.

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Dès le mois de février, alors que l'épidémie de Covid-19 était encore à ses balbutiements sur le territoire français, un vent de panique a brusquement soufflé sur les entreprises de l'Hexagone. Chez BNP Paribas, Société générale ou encore Accor, l'interdiction de se rendre dans les zones à risque est décidée. Du côté de L'Oréal et Nestlé, c'est même l'intégralité des déplacements professionnels à l'international qui se retrouve suspendue, quelle que soit la destination. Les conséquences sont bien sûr fortes sur l'économie, comme en témoigne le plongeon du CAC40 à la Bourse de Paris de plus de 8 % le 9 mars dernier. On évoque une possible récession en Chine pour le premier semestre 2020. Du jamais vu depuis des décennies.

La chute est tout aussi vertigineuse dans les activités relatives au voyage d'affaires. "L'un de nos clients, une grande entreprise française du secteur du luxe a vu ses dépenses travel s'affaisser de 70 % sur le seul mois de février", confie Christophe Drézet, directeur associé au sein du pôle mobilité du groupe EPSA, spécialisé dans le conseil en matière d'achats. "Les compagnies aériennes sont également touchées par des pertes sèches considérables. Certaines d'entre elles annoncent d'ores et déjà d'importantes conséquences économiques qui se feront ressentir au minimum jusqu'à la fin du premier semestre 2020." La compagnie FlyBe a été placée en redressement judiciaire le 5 mars, cessant de ce fait toute activité avec effet immédiat, alors qu'elle avait échappé de justesse au dépôt de bilan en janvier dernier grâce à un soutien fiscal du gouvernement britannique.

Dans un communiqué récent, le spécialiste de la gestion des notes de frais Expensya constate que les voyages d'affaires ont globalement baissé de 35 % vers l'étranger sur les 10 premiers jours de mars. La région Asie-Pacifique est sans surprise la plus affectée avec une diminution de 95 % des déplacements vers la Chine continentale, 80 % vers Hong-Kong, 55 % vers la Corée du Sud et plus de 30 % vers le Japon. L'Europe est la deuxième zone la plus touchée avec un effondrement de 55 % des voyages vers l'Italie, et 25 % vers l'Espagne. Christophe Drézet ajoute que "le secteur du MICE souffre également avec près de 80 % des événements annulés dans les prochaines semaines."

La panique est-elle plus contagieuse que le virus ?

Bon nombre d'experts redoutent des effets à long terme non négligeables sur les agences de voyages d'affaires. "Aucune d'entre elles ne communique actuellement sur le sujet, alors qu'elles le font habituellement dans les contextes difficiles comme lors des grèves récentes. Ce n'est pas du tout rassurant", s'inquiète Christophe Drézet.

Pour Philippe Guibert, directeur médical régional, Consulting Santé au sein d'International SOS, "il importe de savoir que voyager à l'international n'implique pas un risque foncièrement différent." Les autorités sanitaires soulignent par ailleurs que si les personnes âgées ou fragilisées par d'autres pathologies affichent des complications et un taux de mortalité plus élevés, les 10-59 ans sont concernés par des décès dans 0,2 % des cas. Soit le même taux de létalité que pour la grippe saisonnière.

La médiatisation de masse semble jouer en défaveur d'un traitement raisonné de la situation sanitaire en cours. "Les chaînes d'information en continue ont pour habitude de s'emparer d'un sujet, de le traiter à outrance de façon très contestable pendant plusieurs semaines, en négligeant les nuances et les autres réalités de terrain. En conséquence, le principe de précaution prime sur toute forme de décision, occasionnant des pertes considérables", s'indigne Christophe Drezet. Des fléaux plus dramatiques, qui concernent également les voyageurs d'affaires, passent ainsi totalement sous silence, à l'image de la grippe très virulente qui touche les Etats-Unis cet hiver : au cours de ses 16 premières semaines, cette épidémie a conduit à l'hospitalisation d'environ 400 000 personnes et provoqué 14 000 décès. Plus grave, le coronavirus MERS-CoV, qui sévit actuellement au Moyen-Orient, s'avère bien plus dangereux que son homologue surmédiatisé du moment, puisque son taux de mortalité atteint la barre inquiétante des 35 %.

"Dans ce contexte, il est nécessaire d'accéder à des informations précises mises à jour quotidiennement. Ce qui est vrai un jour ne sera plus nécessairement vrai le lendemain", assure Philippe Guibert. "Les questions les plus fréquentes par rapport aux déplacements sont d'ordre sanitaire mais aussi administratif. Les entreprises ont besoin de faire le point fréquemment et le plus précisément possible. Y voir clair permet de mieux se projeter. Nous actualisons nos d'informations jour après jour."

Lire la suite en page 2 : Être au clair sur ses droits et devoirs


Être au clair sur ses droits et devoirs

L'importance des politiques voyages se fait encore bien plus sentir dans un tel cas de crise sanitaire. "A l'heure actuelle, les contraintes de déplacement imposées par les politiques voyages sont beaucoup moins décriées qu'à l'accoutumée. Tous les collaborateurs comprennent bien mieux l'intérêt de ces dispositifs et de leur cadre protecteur. On n'est pas prêt de venter les avantages de l'open-booking dans les prochains temps", estime Christophe Drezet.

"Les entreprises sont soumises à un devoir d'informations vis-à-vis des salariés, de même qu'à une obligation de sécurité dans l'entreprise par des mesures adéquates, en l'occurrence notamment sur les questions d'hygiène, par la mise à disposition de gel adapté par exemple", explique Emmanuel Llop, avocat à la Cour, spécialisée tourisme, aérien et événementiel.

Les divergences de point de vue sur le sujet peuvent aussi conduire à des situations de tension qu'il faut pouvoir gérer en gardant à l'esprit le cadre légal. Conformément aux articles L. 4131-1 à L. 4131-4 du Code du travail, tout salarié du secteur privé ou du secteur public qui estime que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé peut quitter son poste de travail ou refuser de s'y installer. "Ce dispositif, qui est un droit et non une obligation, s'apprécie subjectivement du point de vue du salarié : il n'a pas à prouver qu'il y a bien un danger, mais doit se sentir menacé par un risque de blessure, d'accident ou de maladie, en raison par exemple d'une installation non conforme ou encore de l'absence d'équipements de protection individuelle. C'est donc au salarié d'apprécier au regard de ses compétences, de ses connaissances et de son expérience si la situation présente pour lui un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Il n'y a pas de formalisme spécifique pour exercer ce droit mais mieux vaut informer son employeur, et rester à sa disposition toutefois, car il peut affecter le salarié à un autre poste ou lui proposer d'exercer son métier en télétravail", détaille Emmanuelle Llop.

 
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