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Transports - à l'aube d'une ruée verte

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Transports - à l'aube d'une ruée verte

Les transports de marchandises deviennent plus écologiques, sous l'impulsion de nouvelles règles et de l'essor des démarches RSE. Mais s'orienter efficacement vers des choix plus verts passe par une stratégie allant bien au-delà d'un remplacement de véhicules.

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Tantôt contraints, tantôt guidés par des politiques RSE volontaristes, les achats de moyens de transport se tournent inéluctablement vers des solutions plus écologiques. Cette tendance de fond est certes perturbée par les crises actuelles des containers, de ports bloqués et autres difficultés qui poussent à parer au plus pressés et à délaisser la RSE pour l'instant, mais elle perdure et se renforcera dès le retour à une situation plus sereine.

Les initiatives qui verdissent les chaînes d'approvisionnement essaiment, tant dans la sphère publique que privée. "Les problématiques logistiques sont devenues un enjeu sociétal majeur, pour le chargeur, les citoyens, les collectivités territoriales. Une révolution du transport de marchandises en ville est devant nous, dans les mois et années à venir", estime Olivier Storch, directeur général adjoint du spécialiste de la livraison de colis à l'international Geopost.

Les politiques actuelles des différentes métropoles témoignent de ce virage: à Strasbourg, depuis 2018, le tonnage maximal autorisé en ville est de 7,5 tonnes, sauf cas exceptionnels. La fin des véhicules diesel pour toutes les livraisons y est prévue au plus tard en 2022. La "piétonnisation" de nombreuses rues, comme à Paris, est un autre élément qui oblige les entreprises à revoir leur copie. Du côté de Lyon, l'interdiction de certains poids lourds entrée en vigueur en 2020 doit s'élargir dès cette année à d'autres catégories de camions.

Les gros pollueurs, poussés vers la sortie ?

Philippe Lachaize, cofondateur de Square, cabinet de conseil en stratégie et organisation, confie que l'ensemble des clients de son entreprise "ont actuellement un angle transports important dans leurs projets d'évolution logistique." Une tendance renforcée par un aspect fondamental : "dans ce domaine, il y a un effet doublement gagnant, puisque la baisse des émissions de CO2 implique systématiquement une baisse des coûts."

Encore massivement utilisés aujourd'hui, les bateaux font partie des mauvais élèves dont l'utilisation en l'état est incompatible avec la préservation environnementale. "Leur pollution est un problème de taille. Au-delà des effets très néfastes des émissions de dioxyde de soufre, d'autres ravages proviennent directement de la vitesse de circulation : la consommation de carburant des bateaux représente le cube de la vitesse. Rendre les trajets plus lents dépend de réglementations internationales qui devraient évoluer dans ce sens, mais aucune décision n'est actée pour l'instant." Et si des voiles venaient se hisser sur les bateaux de fret maritime ? "Des études à ce sujet sont menées actuellement. Il s'agit apparemment d'un potentiel très encourageant, permettant d'allier bienfaits écologiques et diminution des coûts", confie Philippe Lachaize.

Le fret ferroviaire de longs trajets doit également s'inscrire dans les développements d'avenir, en remplacement des transports par les airs et les mers. Les trains de marchandises en provenance de Chine vers l'Europe occidentale connaissent d'ailleurs une forte progression. Outre l'intérêt écologique, ce moyen de transport est deux fois plus rapide que le bateau, et deux fois moins cher que l'avion. "Dans 10 ans, sans doute que les camions circulant dans les villes seront tous électriques, estime Philippe Lachaize. En Allemagne, des expérimentations portent actuellement sur des camions hybrides capables de se recharger en se connectant à des caténaires semblables à celles des réseaux de tramways. Ces tests se font sur des portions d'autoroute."

Redéfinir une stratégie globale

Pour les transports routiers de longue distance, nul doute que le GNL (gaz naturel liquéfié) est promis à un bel avenir. Il permet une décarbonation à hauteur de 20%, et réduit drastiquement les autres polluants impliqués dans les nuisances environnementales. Dans le même temps, il offre la possibilité à un transporteur de parcourir 1 300 à 1 400 kilomètres avec un seul plein. Viapost, filiale du groupe La Poste, vient d'inaugurer, en partenariat avec Engie, une cuve d'approvisionnement d'une capacité de 30 m3, à destination des camions utilisant cette ressource.

Christophe Baboin

"Si le GNL représente un coût matériel et de maintenance plus élevé, le prix du gaz est notablement plus faible, rendant cette solution de transport intéressante", indique Christophe Baboin, directeur général de l'entreprise. Il précise toutefois qu'en raison "de l'investissement sur de nouvelles technologies automobiles, l'avantage économique existe mais reste léger. La motivation première est surtout écologique, elle permet d'être en accord avec des développements RSE ambitieux."

Au-delà du choix du moyen de transport, il convient de définir une stratégie globale dans laquelle des pratiques innovantes sont essentielles. À ce titre, la mutualisation des entrepôts et transports apporte plusieurs avantages comme la diminution des coûts logistiques de stockage, l'optimisation des tournées de livraison avec des camions mieux remplis, ainsi qu'une baisse notable de l'impact carbone qui découle de la réduction globale des flux.

Olivier Storch rappelle que "les gros porteurs sont souvent aux deux tiers vides au moment où ils entrent dans le coeur des villes. Nous avons mis en place des centres de mutualisation, à Rungis, au Blanc-Mesnil, où nous travaillons aux côtés de Urby, une société spécialiste de la logistique urbaine, afin d'optimiser les chargements en vue des derniers kilomètres." Cette massification de la circulation des marchandises passe par de nouveaux usages concernant les palettes. "Pour remplir davantage les camions, il existe désormais des palettes innovantes de qualité, permettant un empilement qui avait jusque-là ses limites", indique Solenn Laplanche, consultante chez Square.

Lire la suite de cet article en page 2 : Les outils technologiques, clé d'un changement gagnant / Des développements RSE, entre atouts et pièges - et en page 3 : Focus - Le dernier kilomètre, pierre angulaire des débats


Les outils technologiques, clé d'un changement gagnant

Philippe Lachaize estime qu'un "développement écologique réellement innovant et conforme aux politiques RSE se fait simultanément sur deux axes fondamentaux : les moyens de transport bas carbone et les solutions digitales d'optimisation de la connaissance." Les dernières années ont conduit les entreprises à se tourner massivement vers des optimiseurs de tournées, des dispositifs de vérification à distance, contrôlant, par exemple, la fermeture des portes d'un camion, ce qui offre des garanties contre les vols ou les ruptures de la chaîne de froid.

L'utilisation de jumeaux numériques permet d'aller vers toujours plus d'optimisation : il s'agit de représentations digitales de toutes les marchandises, de toute la supply chain, afin d'identifier les leviers d'amélioration."Par le biais de simulations, il est ainsi possible de cartographier l'ensemble de sa configuration, d'y intégrer des prévisions de ventes en accord avec les résultats des cartographies, puis de mesurer les impacts sur les coûts, sur les émissions de CO2, en fonction des scenari. Il s'agit aussi d'une aide stratégique pour envisager certaines évolutions telles que la mutualisation dans les approvisionnements ", explique Philippe Lachaize.

Des développements RSE, entre atouts et pièges

Les projets de transition vers des moyens de transport verts se multiplient, motivés en grande partie par le déploiement de politiques RSE. Mais faire de celles-ci un véritable atout nécessite la plus grande vigilance. "Se conformer à des règles et mettre en avant des chiffres favorables sur un plan environnemental et sociétal justifient de nombreuses orientations stratégiques. Mais qu'est-ce que la RSE dans le fond ? Peut-on être un bon élève sur ce plan en affichant de bons résultats en termes d'empreinte carbone si, dans le même temps, on multiplie le recours aux pratiques uberisées caractérisées par une précarité forte des statuts ? ", interroge Solenn Laplanche. De la même manière, elle met en garde contre la définition de l'empreinte carbone : "Comment est-elle calculée ? Quels rangs de fournisseurs inclut-elle ? Selon les éléments pris en compte, les résultats sont très différents. Attention au caractère très subjectif de cette notion. " Par ailleurs, une logistique plus écologique ne se résume pas aux modes de transports choisis. Il importe de tenir compte de bonnes pratiques associées, comme le fait de se demander si tous les flux sont vraiment pertinents.

Faire évoluer les transports pour éviter les voyages à vide doit être un autre axe de réflexion. Pour Solenn Laplanche, "certaines initiatives pertinentes concernent des décisions bien plus en amont, comme les opérations visant à pousser le consommateur à privilégier le volet écologique, et donc des délais de livraison plus longs, pouvant même aller de plusieurs jours à plusieurs semaines. Certains acteurs proposent déjà des produits moins chers à condition d'accepter d'être livré plus tardivement. Au-delà du prix réduit, la cause écologique elle-même peut devenir une raison à part entière d'attendre pour le consommateur final."

Lire la suite en page 3 de cet article: Le dernier kilomètre, pierre angulaire des débats


Focus - Le dernier kilomètre, pierre angulaire des débats

Croissance sans limite de l'e-commerce, impact sur la qualité de vie dans les villes, pollution de l'air... Les raisons qui font du "dernier kilomètre" un enjeu crucial du transport ne manquent pas. Au-delà des problématiques écologiques, il s'agit également du maillon le plus coûteux pour les transporteurs et logisticiens. C'est pourquoi bon nombre d'acteurs s'efforcent de proposer des alternatives innovantes sur ce plan. Franprix mise par exemple sur le transport fluvial en approvisionnant 80 de ses 350 magasins parisiens par la Seine. Une économie annuelle chiffrée à plus 90 000 litres de carburant et 234 tonnes de CO2.

Le recours aux véhicules autonomes fait aussi partie des solutions envisagées dans les prochaines années, tout comme l'acheminement par drones, à l'image de certaines sociétés spécialisées telles que Zipline et Matternet qui utilisent déjà ces engins pour opérer des livraisons d'urgence de sang et de médicaments en Afrique. "Nous promouvons notamment le vélo cargo, capable de transporter des palettes jusqu'à 150 kg dans les centres-villes. Nous avons déjà déployé ce type de solutions à Paris, Montpellier, Toulouse, et Grenoble. Dans les 18 prochains mois, les 22 plus grandes métropoles françaises seront couvertes par ces possibilités de livraison en centre-ville", illustre Olivier Storch.

D'ici à 2025, une cinquantaine de métropoles françaises deviendront des ZFE (Zones à faibles émissions), ce qui se traduira par des interdictions de circulation pour des moyens de transport insuffisamment écologiques. Une évolution qui rend nécessaire de se tourner vers ce type de solutions.

 
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