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Packaging : les achats sont-ils prêts face au compte à rebours réglementaire ?

Publié par Denica Tacheva le

La durabilité devient une nouvelle urgence des achats de packaging. Recyclabilité des matériaux, recours au contenu recyclé, traçabilité carbone... Comment bâtir une stratégie achats conforme à ces nouvelles réglementations ? Décryptage à partir des enseignements de la 3e édition du rapport 2025 d'Amcor sur les emballages responsables.

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Recyclabilité obligatoire en 2030 : il reste 5 ans pour revoir toute la chaîne fournisseurs

A partir de 2030, tout emballage mis sur le marché européen devra être recyclable par conception selon la troisième édition du rapport Amcor. La réglementation PPWR (Packaging and Packaging Waste Regulation) ne laissera plus de place à l'interprétation et s'appliquera à 100 % sur les produits.

Pour les entreprises, cela implique une refonte massive des achats packaging et les directions achats sont en première ligne. Il s'agit désormais de revoir les cahiers des charges sous l'angle "recyclable by design" : audit de la recyclabilité réelle des formats utilisés, standardisation des consignes, ou encore prioriser les fournisseurs capables de fournir des matériaux mono-matière ou des solutions comme déjà prêtes à être recyclées. Le texte prévoit également un étiquetage harmonisé obligatoire d'ici 2028, qui devra refléter précisément la composition et les filières de tri disponibles.

Ne rien faire, c'est s'exposer à un double risque : non-conformité réglementaire et hausse des écocontributions dans les barèmes EPR. Pour les acheteurs, le temps n'est plus à la veille. Chaque appel d'offres lancé en 2025 doit intégrer la recyclabilité comme critère discriminant.

Contenu recyclé : les chaînes d'approvisionnement doivent suivre

L'étude dévoile une autre exigence PPWR (Packaging and Packaging Waste Regulation). l'intégration de plastique recyclé post-consommation (PCR) dans tous les emballages plastiques d'ici 2030 serait inévitable. Ce que cela signifie concrètement ? Une mesure qui oblige les entreprises à sécuriser dès maintenant des volumes de matière recyclée certifiée, sous peine de dépendre d'un marché tendu. Certaines entreprises n'ont pas attendu le couperet réglementaire : Mondelez, par exemple, déploie déjà 80 % de plastique recyclé certifié sur les tablettes Cadbury au Royaume-Uni, en partenariat avec Amcor.

Pour les directions achats, l'enjeu est double : garantir l'accès à la matière tout en certifiant sa traçabilité. Des solutions comme AmFiniti, adossées aux certifications ISCC Plus (International Sustainability and Carbon Certification), deviennent des standards techniques. L'intégration de ces exigences dans les contrats fournisseurs dès aujourd'hui se traduit par une protection de la supply chain et une limitation des surcoûts futurs liés à la rareté du PCR.

Le packaging papier, allié discret mais redoutable pour sécuriser conformité et performance

Souvent vu comme une alternative "douce", le packaging papier est en train de se transformer en pilier stratégique des portefeuilles achats. Pourquoi ? Parce qu'il coche trois cases fondamentales : compréhensible, recyclable, valorisant. Il est déjà conforme aux critères PPWR, facilement recyclable, et il permet de réduire l'exposition au plastique, dont l'usage est de plus en plus encadré.

Autre avantage : les chaînes d'approvisionnement papier sont matures, stables, et déjà industrialisées, ce qui permet aux entreprises de switcher rapidement sans dépendre de technologies émergentes. Dans le portefeuille matières, le papier est donc un acteur majeur de la bascule réglementaire, notamment sur les gammes secondaires ou les références non techniques. Une piste solide pour les acheteurs cherchant à diversifier sans complexifier. Enfin, le rapport d'Amcor révèle un point essentiel : 8 % des Européens sont prêts à payer plus pour ce type d'emballage. Le chiffre monte à 28 % en Italie, montrant que cette perception premium peut être activée dans certains marchés clés. Un pourcentage qui, sans être spectaculaire, traduit une tendance réelle. Ce n'est donc pas uniquement un choix technique, mais un levier de valeur réglementaire.

Réutilisation, PCR, recyclabilité : la grille de lecture qui va redessiner les appels d'offres

À horizon 2025-2030, les achats packaging ne seront plus évalués en coût unitaire brut, mais selon une nouvelle grille : niveau de recyclabilité, part de contenu recyclé, et capacité à entrer dans des circuits de réemploi ou de collecte. La bonne démarche n'est plus de chercher la conformité a posteriori, mais de bâtir un mix matière anticipé (AmPrima, AmFiniti) cohérent avec les échéances PPWR.

En parallèle, les initiatives telles que Cerflex visent à établir un cadre complet de circularité pour les emballages flexibles en Europe. Les infrastructures se préparent. Les marques aussi. Les directions achats doivent maintenant intégrer ces exigences dès la rédaction des specs fournisseurs. En effet, la réutilisation et la recyclabilité ne sont plus vues comme des variables d'ajustement, il s'agit des conditions de marché. Mais cette logique n'est pas qu'environnementale : elle permet d'optimiser les barèmes EPR, de réduire les coûts cachés de traitement en fin de vie, et d'obtenir des bonus réglementaires dans certains pays. Le packaging conforme, c'est d'abord un levier d'efficacité économique. À condition, bien sûr, d'être pensé dès la ligne de spec.

L'empreinte carbone des emballages : sans preuve certifiée, aucune valeur contractuelle

Le rapport Amcor est sans appel : l'allégation "basse empreinte carbone" reste peu comprise. Sans données issues d'analyses de cycle de vie (LCA) vérifiables, l'argument ne tient pas juridiquement face à la Green Claims Directive. Cette derniere, en cours de finalisation, prévoit de sanctionner tout usage de terminologie floue non justifiée par des indicateurs vérifiables.

Pour les directions achats, cela implique une chose : exiger des LCA tierces certifiées dans les appels d'offres. Le service ASSET proposé par Amcor, fondé sur la méthodologie Carbon Trust, permet par exemple de comparer objectivement deux solutions d'emballage en termes d'impact carbone, sur des bases auditables. À l'heure où chaque mot imprimé sur un pack peut valoir un recours en justice, disposer de preuves solides est donc considéré non négociable. C'est la seule manière de verrouiller ses engagements RSE et éviter des poursuites pour greenwashing.

Transformer la contrainte réglementaire en levier de négociation achat

Le packaging entre dans une phase de bascule. Fini les ajustements à la marge, les solutions transitoires ou les promesses non tenues. Le mix packaging doit encaisser la pression réglementaire - et la tenir sur la durée. La feuille de route est claire, le rapport l'établit sans ambiguïté : dès 2025, les acheteurs devront intégrer quatre axes d'action incontournables :

- Adopter des emballages recycle-ready,

- Intégrer du contenu recyclé,

- Explorer des alternatives papier,

- S'appuyer sur des claims carbone certifiés.

Ce carré réglementaire ne relève plus du "nice to have". Il structure déjà les conditions d'accès au marché de demain. Les bénéfices sont concrets : réduction des écocontributions, conformité assurée, valorisation des indicateurs RSE. Mais derrière l'opportunité, un avertissement. Ignorer cette dynamique, c'est risquer des sanctions financières, mais surtout une perte de souplesse stratégique. Car les fournisseurs capables d'aligner conformité, performance industrielle et traçabilité ne sont pas légion. Les identifier est une chose. Les sécuriser à temps en est une autre.

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