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"Notre ambition est de créer une fonction achats indirects Groupe" Paule Tessier, CPO Decathlon United

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'Notre ambition est de créer une fonction achats indirects Groupe' Paule Tessier, CPO Decathlon United

Faire de la direction achats indirects de Décathlon United une fonction créatrice de valeur et d'innovation. Tel est le défi relevé par Paule Teissier dont le succès repose sur le management des équipes et celui de la data.

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Quelle est votre vision du métier?

Je le vois comme un métier qui connaît à la fois un approfondissement de l'expertise et un élargissement de son périmètre. Dit autrement, l'acheteur doit être stratégique sur ses catégories mais également se préoccuper du bon déroulement de l'exécution opérationnelle et en être garant. Il doit être spécialiste de ses marchés en plus de connaître sur le bout des doigts les sujets de compliance, (cyber)-sécurité, de RSE, de management des risques et de digitalisation. L'envergure de l'acheteur est en train d'être démultipliée. Difficile par conséquent de trouver des talents qui répondent à l'ensemble de ces exigences accrues. Cela fait des années qu'on parle des achats en tant que business partner. L'expression, souvent perçue comme galvaudée, est aujourd'hui une réalité. Nous sommes des multispécialistes, indispensables sur les achats indirects, pour contribuer à la performance et la transformation de l'entreprise, la gestion de ses ressources externes.

"Les achats sont business partner, c'est une réalité". Justement, comment percevez-vous l'évolution de votre métier?

Les achats sont en pleine transformation. La connaissance marché est essentielle. Crise de l'énergie, des transports avec les conteneurs... Aujourd'hui, l'adaptabilité est vraiment une compétence clé lorsqu'on voit à quel point le contexte est mouvant et volatil. Nous n'avons pas le droit à l'erreur et le service achats doit muscler son jeu et être extrêmement professionnel dès le départ. Les achats indirects deviennent de plus en plus stratégiques dans l'entreprise et nous nous devons d'être au rendez-vous. Notre succès repose sur notre capacité à sélectionner de bons fournisseurs mais cela exige une connaissance fine des métiers et savoir anticiper ou répondre très rapidement - aux besoins internes.

Qu'est-ce qui définit un bon acheteur selon vous?

La principale compétence est celle de comprendre la complexité de l'environnement dans lequel on évolue - y compris la géopolitique mondiale - et d'en soulever les enjeux et risques notamment du point de vue de la compliance et de l'approvisionnement. Les derniers événements macroéconomiques ont eu leurs incidences sur le monde et sur les entreprises. Mais d'autres signaux plus faibles ont également leur effet papillon dans des zones géographiques dans lesquelles nous évoluons. C'est pour cette raison que j'encourage mes équipes à faire preuve d'une curiosité et d'une ouverture d'esprit les plus larges possibles. Il s'agti de recruter et fidéliser des personnes aux compétences qui permettent d'adresser les nouveaux sujets, des profils qui illustrent la diversité et le rayonnement international de notre entreprise, des profils capables de valoriser ce qui est délivré et de démontrer qu'ils génèrent de la performance financière et extra-financière.

A ce titre, quels soft skills attendez-vous de vos équipes ?

Avoir le sens du collectif mais également être au service de la satisfaction client. Faire preuve d'écoute et savoir challenger et se faire challenger. On est là pour remettre en cause, bousculer l'ordre établi, et être un subtil mélange d'une main de fer dans un gant de velours, en poussant sur la posture : ne plus passer de temps à justifier notre valeur ajoutée mais se positionner et agir. C'est pour cela que nous avons créé des conseils achats par catégorie pour être sur les dossiers à impact. Ces conseils achats se composent généralement du financier de la branche et des principaux sponsors et prescripteurs métier. Faire travailler ensemble les achats avec les parties prenantes revient à nous demander comment les achats apportent de la valeur en fonction des feuilles de route métiers.

Quel est votre sens du management ?

Je me donne les moyens d'embarquer les équipes et d'encourager l'intelligence collective. Cette composante est forte dans la culture de Décathlon. Bien sûr, l'exigence est forte sur les équipes mais mon support est constant. Ma priorité au quotidien est de répondre aux équipes et jouer le rôle de facilitateur, de les débloquer pour ne pas les brider leurs énergies et leurs avancées. Mon agenda est ouvert à tout le monde. La communication est également essentielle pour traiter les urgences. Mon type de management consiste en un juste mélange entre autonomie et accompagnement. Cela relève davantage des modèles de coaching et de facilitation pour permettre aux équipes d'atteindre leurs objectifs tout en fixant un cap clair. Le bien-être et l'amélioration continue sont également très marqués chez Décathlon. Cet engagement, je ne l'avais jamais encore vécu de façon aussi forte.

Revenons à la fonction elle-même. Comment valoriser les achats ? Quelles sont les actions à entreprendre ?

Les achats industriels sont bien connus chez Decathlon. Aujourd'hui, l'objectif est de faire en sorte que nos métiers "achats indirects" vivent et existent en interne. Cela passe par un changement de culture en intégrant les achats indirects comme qu'éléments de mobilité dans les parcours collaborateurs.

Quels changements impulsent les achats ?

Un travail de fond sur les aspects méthodologiques, process et procédures, formations, définition des référentiels et outils "core" est mené. Nous mettons en place une trajectoire et des objectifs un référentiel groupe clairs dont nous sommes les garants, ce qui nous permet de rythmer et accompagner la montée en maturité de la fonction toujours en ligne avec la stratégie de Décathlon.

Comment est organisée votre direction groupe?

Plusieurs pôles ont été créés à mon arrivée : autour des stratégies fournisseurs et category management, de la data et mesure de la performance achats, des méthodes, process, formations et montées en compétences, du RSE, de la digitalisation de notre fonction et enfin de la coordination internationale. Le pôle digitalisation a pour mission comme son nom l'indique de digitaliser la fonction de bout en bout : de l'analyse des fournisseurs en passant par le sourcing jusqu'au paiement. La digitalisation est aussi au service de la professionnalisation des achats indirects. Le pôle fournisseurs se compose de head-of categories qui managent leurs équipes d'acheteurs au niveau united. Les équipes locales (en pays) et régionales (zones géographiques mondiales) vont également se renforcer. Nous ambitionnons ainsi de la faire monter notre fonction en puissance rapidement pour l'amener la fonction à l'état de l'art avant fin 2026.

Comment se répartissent vos achats indirects ? Et quel est le taux de couverture de votre service?

Les transports et la logistique représentent le premier poste d'achats. Les postes suivants sont le marketing et la communication, l'IT et le digital et s'ensuivent après tous les autres achats : RH, travel, évènementiel, création, design, frais d'exploitations de nos sites, etc. Selon une étude McKinsey, avant mon arrivée, les équipes achats indirects couvraient un peu moins de 14 % des achats sur un budget de 3 milliards. Aujourd'hui nous sommes à plus de 35 %. Nous visons les 80 % en 2026. Nous avons généré 143 millions de gains l'année dernière et nous visons les 250 millions minimum à partir de 2026. Quelques spécificités propres à Décathlon sont à souligner. La partie marketing et communication va fortement augmenter. La création et le prototypage de produits sont également dans l'ADN du groupe ce qui signifie l'achat de compétences particulières. Autre spécificité non négligeable des achats de notre groupe ceux liés à notre participation aux prochains Jeux Olympiques 2024. L'ensemble de ces composantes nécessitent des compétences particulières.

Mettre en place une politique achats dans un groupe qui met en avant son organisation libérée, ne s'agit-il pas de faire rentrer des ronds dans des carrés ?

Décathlon possède une très forte culture d'entreprise basée sur la subsidiarité et la responsabilisation des équipes. On pouvait même parler d'entreprise libérée. Cet état d'esprit qui mêle innovation, agilité, pro activité a permis d'être conquérant sur de nouveaux marchés et de passer d'une présence dans une vingtaine de pays à une soixantaine rapidement. Aujourd'hui, notre ambition est de créer une fonction achats indirects Groupe pour mettre des incontournables en place. Nous surfons sur le changement qui est impulsé par la nouvelle direction générale, depuis mars 2022. Dans cette nouvelle stratégie, les achats contribuent à la valeur, à la gestion des risques, à la RSE. La mise en place de KPI et de métriques nous permet de légitimer nos actions. Cette performance nous permettra de générer voire adapter les budgets achats alloués aux projets de l'entreprise. Ainsi la fonction achats n'est pas uniquement présente pour valider déclarer les savings, il s'agit également de les tracer et de comprendre la logique de réallocation des moyens pour ainsi être réellement générateur de valeur en interne.

Quel est le signal envoyé par le COMEX sur la contribution des achats indirects ?

Le top management de Décathlon est support et acteur de nos actions. Le dernier Leader Summit a été l'occasion de communiquer sur la contribution des achats en tant que générateur de valeur. Un pas de géant a été fait. Nous structurons également les équipes en régions. Des responsables achats sont désormais en poste en Espagne, en Italie, aux Pays Bas, au Royaume-Uni, en Inde, en Chine, à Singapour et plus largement en Asie Pacifique. De même en Algérie, en Bulgarie, en Colombie, en République tchèque, en Pologne, à Israël, en Roumanie et en Turquie. La communauté internationale d'acheteurs se structure en fonction des guidelines de la direction achats groupe. Nos efforts portent également sur les synergies internationales. Nous produisons plusieurs événements par an et animons mensuellement les différentes zones pour mieux onboarder les équipes et les faire monter en compétences.

Comment se traduit votre gestion des risques fournisseurs chez Décathlon ?

Pour les achats tout l'enjeu revient à se demander comment s'inscrit Décathlon et ses fournisseurs dans son marché et comment nous pouvons les accompagner. Cela nous pousse à anticiper les risques et leur impact. Il y a 10 ans, quand nous produisions cette cartographie des risques, c'était plus une question de forme que de fond. Aujourd'hui, si cette démarche ne fait pas partie des prérequis de notre stratégie achats, nous n'avons pas compris notre travail d'acheteur.

Inflation, prix de l'énergie et sécurisation de la supply sont les principaux sujets métiers chez vos pairs aujourd'hui, comment y avez-vous fait face ?

Le sujet clé est la data, son unification et son industrialisation en interne. Aujourd'hui, nous sommes extrêmement mobilisés sur le sujet. Notre combat concerne ces 80 % de couverture pour pérenniser la stratégie. Je demeure persuadée que la technique suivra autant que les équipes.

En quoi les achats sont-ils un levier manifeste de la décarbonation des achats ? De l'innovation ?

Acheter durablement est une contrainte positive. Mais encore faut-il que l'ensemble des acheteurs aient le même niveau de maturité sur le sujet. Nous sommes repartis sur les fondamentaux pour sensibiliser l'ensemble des équipes via la fresque du climat et la fresque du numérique notamment. Il importe que chaque acheteur soit sensibilisé individuellement et qu'ils se sentent pris aux tripes par le sujet pour en faire un critère essentiel dans chaque projet.

Enfin, quels sont vos priorités et vos prochains défis ?

Aujourd'hui, une de mes priorités est de recruter pour mettre en place la bonne organisation aux bons endroits et de cultiver l'innovation grâce notamment aux maillages d'équipes internationales et multiculturelles. Un exemple avec les transports internationaux. Les équipes en charge sont basées à Singapour et achètent pour l'ensemble du groupe. Nous souhaitons également fortement diversifier les profils que nous recrutons en France pour refléter que nous sommes bien au service de l'international.

Decathlon United en bref :

- 1747 magasins

- 60 pays (avril 2022)

- 13,8 milliards d'euros de chiffre d'affaires (hors taxes à fin 2021)

- 3 milliards d'achats indirects

 
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