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Risques Géopolitiques, nouvelle ligne de crête pour les achats en 2025 ?

Dépendance aux matières critiques, flambée des coûts, incertitudes réglementaires, vulnérabilité climatique... les acheteurs naviguent désormais en terrain miné. Entre impératifs de souveraineté et exigences de durabilité, les achats n'ont plus le choix, si ce n'est celui de repenser en profondeur leur modèle opérationnel pour continuer à performer.

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Risques Géopolitiques, nouvelle ligne de crête pour les achats en 2025 ?
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Les directions achats doivent composer avec un environnement mondial instable. "2024 aura été marquée par la clôture définitive du cycle de la mondialisation, porté par l'universalisation de l'économie de marché et l'abaissement des frontières. L'élection de D. Trump aux États-Unis, la montée des nationalismes aux élections en Europe et ailleurs, l'intensification des conflits au Moyen-Orient et en Ukraine, l'élargissement des BRICS ... ouvrent une nouvelle ère, dominée par la rivalité entre puissances, le retour du rôle central des États et du protectionnisme", analyse Laurent Giordani à l'occasion de la restitution du 6e baromètre des risques réalisé par le cabinet Kyu. En quelques années le système mondial s'est fragmenté. En résulte une reconfiguration des échanges, avec un commerce mondial désormais porté par le développement des flux entre pays émergents, et fragilisé par la multiplication des tensions géopolitiques, par une économie chinoise en crise dont on a du mal à mesurer la capacité de rebond et par le développement de politiques protectionnistes aux États-Unis et ailleurs qui ne manqueront pas de relancer l'inflation. "Ces défis, combinés à la nécessité d'une transition écologique accélérée, imposent aux entreprises de repenser leurs modèles. Elles doivent continuer à renforcer la résilience de leurs chaînes d'approvisionnement en diversifiant leurs sources critiques et en réduisant la dépendance à des zones clés, tout en se conformant aux exigences croissantes de durabilité", analyse Thibaud Moulin, associé chez Kyu.

Démondialisation, une réalité qui impacte la supply

" Nous arrivons à la fin d'un cycle de mondialisation de trente ans ", explique Laurent Giordani. Les tensions géopolitiques ont redéfini les règles du commerce international, rendant les échanges plus complexes et incertains. En 2025, 41 % des entreprises identifient les risques géopolitiques comme leur principal défi. Les conflits internationaux, les embargos, et les nouvelles barrières commerciales, notamment celles émanant des États-Unis contre la Russie, ont exacerbé la fragilité des chaînes d'approvisionnement. Le secteur aéronautique, par exemple, reste tributaire de matières premières critiques comme le titane, en partie importé de Russie, une dépendance qui inquiète les industriels. Selon le baromètre Kyu, les impacts sont sectoriels variés. La chimie européenne est confrontée à une flambée des coûts énergétiques, elle illustre la difficulté d'adapter les capacités de production dans un contexte instable. L'agroalimentaire est, malgré elle, en première ligne face aux événements climatiques extrêmes, les entreprises subissent une hausse des coûts et des pertes de récolte dans des régions clés. Le luxe, secteur phare de l'économie française, pâtit de la baisse de la demande chinoise, marquant un ralentissement après des années de croissance soutenue. Enfin la logistique doit composer avec des chaînes de valeur allongées et une pénurie de main d'oeuvre.

La résilience au coeur des achats

Malgré ces fluctuations, force est d'admettre que " la pandémie a agi comme un électrochoc. En 2025, 66 % des entreprises ont activé leur plan de continuité d'activité pour répondre aux crises de supply chain, un chiffre en hausse. Selon Thibaud Moulin, cela témoigne d'une meilleure maturité organisationnelle : " Les entreprises ne peuvent plus ignorer les risques. Elles intègrent désormais des outils pour renforcer leur résilience face aux imprévus. "

Les recommandations des auteurs du rapport sont claires. Il est urgent de repenser les modèles actuels pour intégrer plus de flexibilité, de traçabilité et de collaboration. " Les chaînes d'approvisionnement doivent devenir multilocales, diversifiées et mieux anticiper les risques ", insiste Thibaud Moulin. Ce faisant, 51 % des entreprises interrogées prévoient de modifier leurs sources d'approvisionnement pour réduire leur exposition à des zones à risque.

Les secteurs confrontés à des exigences accrues de conformité réglementaire, comme l'automobile, ont également été mis en lumière. Les scandales récents liés aux conditions de travail dans les usines de batteries rappellent l'importance de renforcer la traçabilité et la responsabilité sociale des entreprises. " Les réglementations comme la CSRD et la CS3D imposent aux entreprises de revoir leur stratégie achat ", explique Laurent Giordani, ajoutant que ces contraintes ne sont plus seulement une question de réputation, mais aussi de sanctions économiques.

Toujours et encore la BI pour anticiper, prévenir et performer

Quel autre conseil retenir pour 2025 ? Pour Frédéric Thielen, " il est crucial de remettre l'intelligence économique au coeur des stratégies d'achats. Cela implique une analyse systémique des risques, non formatée, pour détecter les signaux faibles et anticiper les évolutions de marché. Les fournisseurs sont souvent déjà filtrés et présentent des taux de défaillance faibles. Pourtant, cela ne préserve pas les entreprises des crises systémiques, comme celle des semi-conducteurs ou des déficits de main-d'oeuvre ", explique-t-il. D'un point de vue opérationnel, c'est à l'échelon du commodity management que la business intelligence revêt un caractère stratégique. Des outils comme des guides de lecture ou des ateliers collaboratifs peuvent structurer cette démarche et aider les entreprises à traduire les données en actions concrètes. Il s'agit d'aller au-delà de l'évaluation des fournisseurs et de construire des scénarios prospectifs pour éclairer les décisions stratégiques.

À retenir

Risque géopolitique et fin de la mondialisation : L'instabilité mondiale et la montée du protectionnisme obligent les entreprises à repenser leurs chaînes d'approvisionnement.

L'intelligence économique comme levier stratégique : L'analyse systémique des risques et l'anticipation via la business intelligence deviennent des priorités pour les départements achats

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