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Comment développer l'attractivité de la fonction achats ?

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Comment développer l'attractivité de la fonction achats ?

Dans le contexte d'un marché de l'emploi tendu, les directions achats et les directions des ressources humaines se mobilisent pour attirer les talents. Zoom sur les principaux leviers utilisés, en interne comme à l'externe.

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« Le marché de l'emploi reste extrêmement tendu, et cedepuis bientôt deux ans, rapporte Diane Boustani, manager exécutif senior chez Michael Page. Ce phénomène est généralisé à l'ensemble des métiers, certaines fonctions achats souffrent cependant plus que d'autres, comme les achats IT/télécoms, transport et RSE. » Laurence Laroche, directrice achats du groupe La Poste confirme : « Recruter un acheteur était déjà difficile, c'est encore plus vrai aujourd'hui. Les candidats restent peu de temps sur le marché du travail, il faut donc être réactif et attirant. » Diane Boustani explique qu'il y a cinq ans, lorsqu'on publiait une offre d'emploi de responsable achats d'une grande entreprise en Ile-de-France, on recevait 30 à 40 CV dès le lendemain et qu'aujourd'hui on n'en reçoit plus que 10... D'où l'importance de la chasse de tête, de l'approche directe des candidats. « Afin de recruter les bons candidats pour nos clients, il nous faut aujourd'hui contacter deux à trois fois plus de personnes qu'auparavant », témoigne-t-elle.

Renforcer sa marque employeur

Dans ce contexte, pour séduire les acheteurs, les entreprises soignent particulièrement leur marque employeur. « Un acheteur candidate à une offre d'emploi d'une entreprise dont les valeurs sont alignées avec les siennes, souligne Laurent Belloni, directeur achats de Schmidt Groupe, premier fabricant de cuisines français. C'est pourquoi nous faisons reconnaître nos bonnes pratiques achats et faisons la promotion de nos achats responsables. Nous démontrons nos valeurs par des preuves concrètes. » C'est ainsi que Schmidt Groupe, qui réalise chaque année 500 millions d'euros d'achats, a reçu le label Relations fournisseurs et achats responsables en 2018 et en 2021. Une reconnaissance attribuée pour trois ans. En 2019 et 2021, l'entreprise a aussi été certifiée « Top employer ».

« Les candidats ont envie de travailler dans une entreprise responsable, ajoute Laurence Laroche. C'est cela qui fait la différence. Ils ont envie de venir à La Poste car nous sommes sincères, nous ne faisons pas de greenwashing. » Dans le domaine des achats, la marque employeur du groupe s'est notamment renforcée avec le lancement d'un outil numérique de suivi de la conformité des fournisseurs, l'obtention du label Relations fournisseurs et achats responsables en 2023, et l'élection de Laurence Laroche comme Décideur achat de l'année, lors des Trophées Décision Achats 2023. « Ce titre a eu beaucoup d'impact en interne et en externe, reconnaît-elle. Cela contribue à l'attractivité de notre direction achats. »

Un parcours interne pour devenir acheteur

Pour recruter, les directeurs achats misent en grande partie sur l'interne. Chez Schmidt Groupe, près de la moitié des acheteurs viennent d'autres directions de l'entreprise. A La Poste, le changement de métier est encouragé. « Face à la pénurie d'acheteurs, nous avons mis en place un parcours interne pour devenir acheteur, témoigne Laurence Laroche. Nous recrutons ces collaborateurs sur leurs soft skills. » En lien avec les ressources humaines, la direction achats fait un appel à candidatures et présente le métier d'acheteur lors de forums internes sur les métiers qui recrutent. Les collaborateurs intéressés passent des tests qui s'avèrent concluants pour la moitié d'entre eux. Ceux-ci sont alors reçus en entretien. Et au final, ce sont huit à dix personnes qui intègrent un parcours mêlant tutorat et formation, pendant dix mois. Après deux premières éditions de ce parcours interne innovant, la direction achats s'apprête à en organiser une troisième en 2024. Les besoins sont en effet importants à La Poste qui regroupe une communauté de 350 acheteurs.

L'attractivité de la fonction achats passe bien sûr par l'intérêt des missions proposées. « Les remplacements poste pour poste, au sein d'une organisation achats déjà installée en mode run sont moins attractifs, explique Diane Boustani. Les candidats sont aujourd'hui plus que jamais demandeurs de fonctions build avec des projets et des budgets alloués. » C'est ce que Schmidt Groupe propose à ses acheteurs : « Nous leur demandons d'amener un regard nouveau, de la transformation, pas uniquement de reprendre un poste, poursuit Laurent Belloni. Leurs projets sont multiples, ils revoient nos modes de fonctionnement avec des idées nouvelles qu'ils mettent en oeuvre. » Le directeur achats ajoute : « Nos acheteurs passent du rôle de négociateur à celui d'acheteur responsable, ce qui demande de la polyvalence en interne, avec des sujets RSE comme la décarbonation, le réemploi ou l'éco-conception. » Laurence Laroche souligne également l'enrichissement des fonctions de l'acheteur : « Nous ne sommes plus les cost killers des années 1980. Nous nous préoccupons de RSE, de gestion des risques, de TCO (total cost of ownership), soit de coûts complets. Nous faisons aussi de la gestion de projet. Le métier se transforme, s'enrichit et devient donc plus attractif. » Cette dimension stratégique, la fonction achats l'a aussi largement démontrée lors de la crise sanitaire du covid-19 et des pénuries qui l'ont suivie.

Des rémunérations à la hauteur

A ces missions enrichies correspondent des rémunérations plus attractives. « Les rémunérations des acheteurs, à la sortie d'un master achats, se situent entre 40 000 et 45 000 euros de fixe auquel il faut généralement ajouter une part variable de 10% », indique Diane Boustani. On retrouve cette fourchette de 40-45 K euros bruts dans l'étude de rémunérations 2023 de Hays France, pour les acheteurs « famille ou commodité » et « projets » ayant de zéro à trois ans d'expérience. Pour les directeurs achats avec plus de huit ans d'expérience dans le poste, la même étude constate une fourchette de 90 à 150 K euros. En bas de l'échelle se situe « l'acheteur indirect (frais généraux ou services) » dont la rémunération oscille tout de même entre 38 et 42 K euros pour moins de trois ans d'expérience. « Il faut bien distinguer les différentes typologies achats, précise Diane Boustani. Par exemple, pour les achats IT, on constate un delta de pratiquement10 K euros de plus que les autres fonctions achats, à diplôme et nombre d'années d'expérience équivalents. » En ce qui concerne Schmidt Groupe, la politique est la suivante : « Le salaire est fixé en cohérence avec le marché et ce qui se pratique dans l'entreprise, rapporte Laurent Belloni. Tous nos acheteurs ont une part variable liée à la maîtrise des dépenses et à la RSE. » Dans son équipe, un jeune acheteur sortant tout juste de son école de commerce gagne ainsi un fixe de 45 K euros tandis qu'un autre, avec 25 ans d'expérience, bénéficie d'un revenu de 100 K euros. A La Poste, Laurence Laroche se soucie également d'être en phase avec le marché : « En interne, nous avons obtenu des remises à niveau de rémunération. Dans les recrutements externes, les rémunérations sont au niveau de ce qui se fait dans les achats publics. »

Mais il ne suffit pas de recruter, il faut ensuite fidéliser ! D'où l'importance des possibilités d'évolution dans l'entreprise. « Chez Schmidt Groupe, la mobilité des acheteurs est possible au sein de la direction achats mais aussi vers d'autres directions, rapporte Laurent Belloni. Nous travaillons sur la mobilité interne pour retenir les talents. » La Poste cherche aussi à développer le sentiment d'appartenance à une communauté d'acheteurs. Sa direction achats organise une convention annuelle et envoie régulièrement des communications. Laurence Laroche pratique même des « cafés collaborateurs » où elle rencontre à chaque fois une quinzaine d'acheteurs. « Nous travaillons sur le collectif, explique-t-elle. Quand un acheteur a un problème, il peut compter sur ses collègues. » Les conditions de travail sont également très importantes pour fidéliser les acheteurs. « Le télétravail est un acquis pour de nombreux candidats, rappelle Diane Boustani de Michael Page. Certains d'entre eux n'envisagent en aucun cas un poste sans cet avantage qui apporte un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. » Une modalité de travail qui peut donc être décisive au moment du recrutement.

De l'attractivité de la fonction achats en interne

« Il est essentiel de créer une identité forte, d'attirer l'attention sur le métier d'acheteur et de donner envie de rejoindre les équipes en s'appuyant sur une marque achats reconnue en interne et en externe, explique Brice Malm. Un bon moyen de mesurer l'attractivité de la fonction consiste à mesurer le nombre et la qualité des candidatures internes. » Dans son livre Fonction achats et management des ressources externes, paru en mars 2023 aux éditions EMS, il suggère les mesures suivantes : « Identifiez le nombre de collaborateurs issus de l'interne. Dans le cadre des derniers recrutements, combien de candidatures internes avez-vous reçues ? » (p. 99). Brice Malm ajoute par ailleurs qu'il est plus difficile de mesurer l'attractivité de la fonction achats en se basant uniquement sur le nombre de candidatures externes à une offre d'emploi : « La mesure peut notamment être faussée par le métier et la marque employeur de l'entreprise », précise-t-il.

Brice Malm, directeur practice achats et supply chain chez Grant Alexander

 
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