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Cabinets de conseils achats : les clés pour bien s'entourer

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Cabinets de conseils achats : les clés pour bien s'entourer

S'il n'est pas rare de recourir à des prestations de conseil achat, combien aboutissent réellement à des changements fructueux ? Pour rendre plus optimal l'achat de conseil achat, un cadrage en amont, une bonne collaboration et une transition efficace sont nécessaires.

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Transformation digitale de la direction achats, conseil en stratégie achats, ouverture à une nouvelle famille d'achats, gestion de l'impact achats des fusions-acquisitions, coaching opérationnel, amélioration des processus... Les raisons de recourir à du conseil achats sont nombreuses.

Mais les conseils délivrés lors de ces prestations sont-ils bien mis en oeuvre ? L'achat de conseil achat n'est en effet pas à l'abri de nombreux écueils : erreur dans le choix du cabinet, mauvaise intégration du ou des consultants ou encore non transfert des connaissances.

Une expression des besoins précise

Bien acheter du conseil achat c'est avant tout bien cadrer la mission que l'on souhaite externaliser. "La phase de préparation est majeure. En effet, même si on fait appel au meilleur cabinet de monde, si la mission n'est pas bien spécifiée, les profils ne seront pas les bons, les livrables seront mal définis, la communication sera mauvaise et la transition compliquée", met en garde Jean-Marc Espagne, directeur délégué des achats chez Sanef, société gestionnaire d'autoroutes.

Une bonne mission achat part d'une bonne expression du besoin détaillant précisément le contexte de celui-ci, les attendus, le périmètre d'intervention mais aussi le contexte global (le projet peut par exemple s'inscrire dans un projet plus large de la direction achat ou de l'entreprise) de la direction achats et de l'entreprise.

"Il est important pour nous de comprendre le contexte et la problématique du client, témoigne Raphaël Belliere-Lottier, directeur général adjoint de Meotec en charge des achats. C'est en effet à partir de là que nous pourrons déterminer les expertises dont on aura besoin pour réaliser la prestation".

S'aider d'un business case

Christian Eid, expert en performance achat au sein du cabinet ISP&P, cabinet de conseil indépendant en achat et SI incite même à prendre le temps de rédiger un business case. "Il est très important de lancer une profonde réflexion sur les besoins et les contraintes tout en restant ouvert : même si on croit savoir de quelle expertise on a besoin et par conséquent la solution qu'il faut mettre en place, il y a probablement d'autres scénarios auxquels on n'a pas pensé".

Son conseil : se faire challenger en amont de la démarche par les prestataires potentiels. "En plus de les tester, cela permet d'intégrer tous les éléments contextuels dans sa réflexion, de s'ouvrir aux différentes solutions du marché, de sortir des sentiers battus", avance-t-il.

Se faire accompagner dans la définition des besoins est d'autant plus important que, lors de l'achat de conseil achat, l'acheteur est lui-même prescripteur. "Il faut à tout prix éviter de tomber dans un travers où le directeur achat exprimerait seul ses besoins et consulterait uniquement les cabinets qu'il connaît", avertit Jean-Marc Espagne.

Il recommande de travailler en binôme en se faisant aider par le directeur général, le Daf, le DSI ou encore un responsable achat ou un acheteur industriel, selon les sujets.

Une fois les besoins bien définis, il s'agit de regarder sur le marché quel partenaire pourrait être le plus adéquat. "Il existe de gros cabinets généralistes, des cabinets spécialisés en achat, et même des cabinets spécialisés dans une famille d'achat donnée comme par exemple, les achats de systèmes d'information", énumère Christian Eid.

Il y a également des cabinets mieux capés pour accompagner la définition d'une stratégie achat et d'autres plus spécialisés dans la transformation. "Les directions achats doivent connaître le marché du conseil, faire des analyses de marché afin de choisir de manière rationnelle le cabinet qui va les accompagner", pointe Alain Alleaume, fondateur du cabinet de conseil achats Altaris.

Pour faciliter ce travail de recherche du bon prestataire, Sara Seghaier a co-créé la plateforme le Portail du Conseil, dont elle est aujourd'hui directrice générale. "Il existe de nombreux cabinets de conseil et l'écosystème est de plus très volatil : il y a en effet des associés qui montent des spin-off, des directeurs qui partent avec toute leur équipe... Il est difficile de savoir quel cabinet va être le plus pertinent pour répondre à ses besoins", conclut-elle.

Quid des conseillers achats indépendants ?

Aux côtés des cabinets se développe une nouvelle forme de conseil : les consultants indépendants. Une offre à ne pas délaisser. En effet, comme le souligne Pierre Langlois, fondateur de la plateforme Twineeds, qui rassemble les freelances dans le secteur du conseil achat, "cela permet de trouver des compétences rares en complément des cabinets de conseil".

Comme celle très pointue d'Arthur de la Bretesche, consultant indépendant qui travaille avec One Man Support, qui a la particularité d'être un ingénieur agronome doté d'un master achats. Autre bénéfice : on peut davantage choisir le consultant avec lequel on travaillera. "Dans les cabinets, il n'est pas rare qu'on ait uniquement accès aux CV des consultants proposés. Un consultant freelance passera un mini-recrutement, ce qui est plus facile pour se faire une opinion", expose Stéphane Pinatton, partner chez One Man Support.

Enfin, les consultants indépendants sont souvent moins chers mais aussi plus flexibles. Attention cependant à la dépendance économique mais aussi à la gestion d'un trop grand nombre de petits fournisseurs. Passer par des plateformes ou des sociétés de portage salarial peut de ce point de vue être intéressant.

Attention au référencement sur le long terme

D'autant plus qu'au-delà du cabinet, c'est avant tout et surtout un consultant ou une équipe de consultants qu'on choisit. C'est pourquoi, Frédéric Thielen, président d'AristaQ, cabinet de conseil en opérations, déconseille de référencer des cabinets de conseil achats sur le très long terme. "Même si on sélectionne des cabinets pour leur réputation, au bout du bout ce sont les consultants qu'on choisit, pour leur qualité. Or, le taux de rotation des consultants dans certains cabinets est de 25% par an : si on signe un contrat de cinq ans avec une société, il est fort probable que l'équipe de consultants ait totalement changé à l'issue du contrat". Ainsi, chez Covéa, les cabinets de conseil ne sont pas référencés. "Le monde du conseil a énormément évolué ; il nous semble plus pertinent de faire du sourcing plus pointu et plus régulier pour répondre au mieux aux besoins", explique Sylvie Noël, CPO du groupe.

Rencontrer les équipes

Pour ne pas se tromper sur le choix des consultants, Sara Seghaier pense qu'il est indispensable de rencontrer l'équipe en charge du projet : "C'est une aventure humaine : il ne faut pas se contenter de lire le CV mais des échanges doivent avoir lieu entre les prescripteurs et l'équipe de consultants". Christian Eid recommande même, avant de sélectionner le cabinet de conseil, de faire passer aux consultants des entretiens afin de vérifier la séniorité, l'expertise ainsi que la valeur ajoutée générée durant les précédentes missions. "Le recours à du conseil externe se justifie surtout par l'expérience qu'il peut apporter grâce aux missions qu'il a pu mener ailleurs. Il y a trop de consultants qui se contentent de mettre en forme les connaissances qu'on leur a données", rapporte Nathalie Senard, VP Global Indirect Procurement de Veolia.

Ainsi Frédéric Thielen pousse à poser des questions précises sur la façon dont les personnes ont déjà abordé tel ou tel sujet, et si elles ont déjà tout simplement eu des fonctions opérationnelles dans les achats, et de quelle nature. "Le niveau de séniorité devient de plus en plus important, associé à une expertise dans une problématique similaire au travers d'une prestation déjà réalisée", constate Raphaël Belliere-Lottier. La vérification en amont des références du prestataire est d'autant plus essentielle qu'il est difficile, dans une prestation de conseil, de démontrer de manière objective que le service délivré n'était pas à la hauteur des attentes. "L'achat de conseil a comme spécificité d'être une prestation intellectuelle pure et dure : il n'y a donc pas de résultats à atteindre. Il peut y avoir des livrables mais ce sont souvent des rapports, des présentations power point ; la qualité du résultat n'est donc pas toujours quantifiable et donc contractuellement mesurable", expose Franklin Brousse, avocat spécialisé dans les achats de prestations intellectuelles.

L'importance des soft skills

Au-delà de ces expertises techniques, essentielles pour avoir pleinement confiance en son prestataire, François Tourrette, fondateur et directeur des opérations de BRAPI (Benchmark des Responsables Achats de Prestations Intellectuelles) encourage à prêter attention aux "soft skills" des consultants. "Il doit notamment être un bon communicant car il doit parler à beaucoup de services en interne", précise-t-il. Bertrand Maguet, président de la commission achat de conseil de Syntec cite d'autres soft skills attendues par les clients : créativité, autonomie, intelligence sociale et relationnelle... Ce qui plaide en la faveur d'une entretien oral avec les consultants avant de se décider. D'autant plus que l'entente entre le client et le prestataire doit être bonne pour mener à bien la mission.

Une fois le prestataire sélectionné, la question du contrat est éminemment primordiale. S'il est difficile d'y faire figurer des résultats à atteindre, des précautions peuvent être prises. Par exemple, la durée et le respect des plannings peuvent être bien cadrés. Ainsi que la mission et sa finalité. "La réussite passe par un cadrage bilatéral. Le risque, sinon, est que le client soit déçu, puisqu'il n'obtient pas ce qu'il attend, et que le cabinet doive travailler plus que ce qu'il pensait", conseille Sylvie Noël. Par ailleurs, Franklin Brousse recommande de prévoir une clause sur la confidentialité des informations rendues accessibles au prestataire : en effet, le prestataire doit pouvoir réutiliser le fruit de son expérience mais pas les informations transmises qui doivent rester confidentielles. Sara Seghaier invite aussi à prévoir un paragraphe dans le contrat sur le départ d'un consultant clé. Enfin, pour Christian Eid, il est intéressant de faire figurer des éléments autour du change management : "Dans le contrat on peut parler de sensibilisation, de partage de la connaissance et de l'information".

Bien préparer l'arrivée des consultants

Les besoins sont bien définis, le prestataire est choisi, le contrat est signé... La mission peut commencer ! Première bonne pratique : préparer l'arrivée du ou des consultants. Il faut notamment s'assurer qu'il dispose de toute l'information nécessaire à la réalisation de sa mission. "Le conseil doit avoir accès aux données, le risque étant, sinon, qu'il livre des analyses biaisées", prévient Jean-Marc Espagne. Et cet accès à l'information doit être facilité afin qu'il ne perde pas de temps à la rechercher. Il peut être également bénéfique de prévoir un programme d'onboarding : "Il s'agit d'organiser une grande réunion au cours de laquelle sont présentées l'ensemble des personnes qui vont prendre part au projet. Cela permet aussi de prévenir les craintes des équipes qui peuvent avoir peur que le conseil externe soit chronophage ou remette en cause toute leur manière de faire", décrit Sara Seghaier. Avant même cette réunion, il est important d'avoir préparé le terrain. "Ce n'est pas au consultant de faire le travail d'évangélisation", avertit Serge Dautrif, CEO de Synapscore, société spécialisée dans l'intelligence collective conseillant d'impliquer toutes les personnes concernées le plus en amont possible. "Il s'agit de réellement les impliquer en leur demandant leur avis, en les faisant participer à l'analyse, au tri des opportunités mais aussi à la phase de passage à l'action", poursuit-il.

Même point de vue du côté de Frédéric Thielen qui souligne que le choix de se faire accompagner doit être agréé par l'équipe et non imposé : "Il s'agit en amont de faire accepter aux équipes qu'il existe naturellement des domaines soit pour lesquels elles ne sont soit pas spécifiquement expertes, soit pour lesquels elles ont besoin d'accompagnement faute de temps et de ressources". Sylvie Noël met cependant en garde : il est important de dégager du temps pour bien accueillir et collaborer avec les consultants. "Il ne faut pas sous-estimer les sollicitations du cabinet. Il est préférable de demander en amont au cabinet quelle charge il aura besoin en interne et sur quels profils". Car ce n'est pas parce qu'un projet est réalisé par un prestataire que la direction achat ne doit plus du tout s'en préoccuper. "Il ne faut surtout pas perdre le lien avec les consultants : l'équipe qui porte le projet en interne doit faire un point au moins une fois par semaine afin de savoir quelles actions ont été menées, quels sont les points d'alerte... Cela permet de lever les verrous au fur et à mesure, d'être réactif et de ne pas déborder sur les plannings prévus", indique Sara Seghaier qui conseille d'avoir à la fois un sponsor et un porteur du projet côté client.

Une relation de confiance

Chez Veolia, la collaboration se fait grâce à des groupes projet constitués dès le départ de la mission dans lesquels interviennent le cabinet et des acheteurs internes. "Le cabinet apporte une expertise achats ainsi qu'en gestion de projet. Mais nous restons décisionnaires et suivons le projet de A à Z", indique Nathalie Senard. Cette collaboration régulière permet surtout davantage d'efficacité, le consultant sachant exactement où il va : "Il ne faut surtout pas que la personne navigue à vue. Ces moments d'orientation, de décision sont importants pour que la mission se révèle payante", maintient Jean-Marc Espagne, exhortant à ce que les comités de pilotage soient des lieux où les choses sont dites avec transparence afin de créer une relation de confiance. Un point éminemment important dans toute relation client-fournisseur. "C'est dans une relation de confiance que le consultant s'épanouit, se sent reconnu... et donne le meilleur de lui-même", insiste Bertrand Maguet.

Transfert de connaissances

Ce travail main dans la main entre les équipes internes et de conseil permet de construire un projet réellement adapté aux besoins de la direction achats et de l'entreprise. Et de mettre toutes les chances de son côté pour que la mission du prestataire se poursuive dans le temps. "Si les gens ont bien été impliqués tout au long de le mission du conseil, la transition est facilitée lorsque ce dernier s'en va. D'autant plus si une technologie a permis de capturer les différentes étapes", observe Serge Dautrif. Cependant, malgré une implication active des équipes achats et le fait que le livrable est normalement documenté, il peut être intéressant de prévoir une phase de transfert des connaissances pour s'assurer que tout est pleinement intégré. "En fonction des missions de conseil achat, un temps doit être prévu à la fin du projet pour s'assurer de l'appropriation des équipes : s'il s'agit de l'implémentation d'un SI achat, les équipes doivent avoir été formées ; s'il s'agit d'une nouvelle organisation achat, les équipes doivent l'avoir intégrée ; s'il s'agit d'optimisation des coûts, il faut s'assurer que les tarifs négociés sont bien appliqués...", note Sara Seghaier.

"Sans ce transfert, tout ce qui aura été fait sera en partie perdu", ajoute Christian Eid, soulignant qu'il est important de choisir un consultant ayant aussi des qualités pédagogiques capable de transmettre, de partager ses connaissances, de capitaliser et de rendre autonomes les équipes du client. Bertrand Maguet invite à faire également des bilans de fin de mission à froid, trois ou quatre mois après la fin du projet : "L'objectif est de revenir de manière honnête sur ce qui s'est bien passé et sur les points qui auraient pu être mieux menés". Une manière de préparer les prochaines missions à mener ensemble.

A retenir :

  • ce n'est pas parce qu'on est acheteur et prescripteur qu'il faut oublier toutes les bonnes pratiques ;
  • la phase d'expression des besoins est primordiale pour bien sélectionner le prestataire mais aussi pour la collaboration ;
  • faire appel à un prestataire ne veut surtout pas dire perdre tout lien avec la mission externalisée ;
  • le transfert de connaissances ne doit pas être négligé.
 
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