L'acheteur, ce facilitateur-innovateur qui s'ignore... encore ?
Le message clé de la deuxième édition de DAPI (Direction Achats Pour l'Innovation) enfonce le clou: le processus achats n'est pas toujours start-up friendly ! La matinale qui officialise la 2eme promotion du DAPI fut l'occasion pour trois start-up et scale-up de partager leur vision sur l'évolution des rapports avec les achats. Instructif.

"Travailler avec un grand groupe, c'est tout un apprentissage pour une start-up", confie Vincent Huguet, cofondateur de la plateforme Malt. Et ce dernier de poursuivre: " Et la direction des achats est essentielle pour mener à bien ce parcours". Au-delà du trio coût, qualité, délais, les start-up doivent montrer patte blanche sur de nombreux sujet, en termes de conformité notamment. Elles doivent aussi comprendre quelle est leur position en tant qu'achats: nice to have, must have, criticité de la solution ou du produit, relation de dépendance... Les critères RSE sont également une autre composante à intégrer pour être autorisé à faire un POC (Proof of Concept). Pourtant, les acheteurs sont souvent les premiers à faire confiance aux start-up, mais ce rôle n'est pas exempt d'obstacles. "Le challenge réside dans le fait que nous devons souvent prouver notre valeur à chaque étape de la prestation, et l'acheteur devient alors un acteur clé de l'accélération de notre développement", explique-t-il. Un acheteur facilitateur, en somme.
Les directions achats, le guichet incontournable pour les start-up
Arnaud Katz, CEO de Kactus, poursuit sur l'importance de cette fonction dans la gestion de projets et reprend le cas d'usage de l'achats de prestations événementielles, un achat où fournisseurs et produits sont atomisés sur des micro-besoins à travers différentes catégories : " Les acheteurs sont notre point de contact principal, qu'ils soient en amont, pendant ou après le projet. " Il s'agit d'une centralisation qui permet non seulement de mieux comprendre les besoins, mais aussi de tester et d'implémenter des solutions plus rapidement et plus efficacement. La centralisation et l'expression du besoin sont ici un facteur d'optimisation de la prestation côté start-up et de coûts côté entreprises.
La relation avec les directions achats : un parcours semé d'embûches, mais un vecteur d'accélération
Pour Vincent Huguet, "la collaboration avec les directions achats représente une opportunité de structurer et d'adapter l'offre de la start-up en fonction des exigences des grandes entreprises". Une acclimatation par les achats qui permet ensuite de dérouler plus facilement avec les grands groupes, bien évidemment. Dans cette optique, l'acheteur peut challenger la jeune pousse sur le pricing de son offre. Mais entendez ici qu'il ne s'agit pas seulement de négocier classiquement, il est aussi question de faire évoluer une offre qui peut parfois être décorrélée du marché et des challengers. L'acheteur apporte clairement de la valeur dans sa capacité à challenger et apporter du benchmark. Et si la start-up entend ce son de cloche, un partenariat win-win peut se mettre en place à condition, toutefois, que le POC apporte le ROI attendu. Côté start-up, ce début de collaboration peut bien évidemment permettre de "mapper les grands comptes" et de fidéliser de nouvelles BU, filiales ou départements via cette carte de visite sur mesure construite en premier lieu en collaboration avec les achats.
"La principale leçon de ces collaborations ? Le fait qu'il existe deux types d'acheteurs : ceux qui souhaitent innover et sont innovants et ceux qui se bornent aux méthodes et process établis. Dans le premier cas les acheteurs innovants sont de véritables accélérateurs de notre développement ", précise Vincent Huguet. Le point de contact unique apporté par la direction achats facilite les échanges, même si la relation peut parfois sembler être un " stop and go ". Une évidence parce que l'innovation est également synonyme de risque. L'onboarding de la start-up dans le grand groupe peut prendre du temps, mais cette étape est indispensable pour répondre aux exigences contractuelles et garantir la conformité. Au final, cette relation devient un vecteur de croissance, permettant aux start-up d'élargir leur modèle et de se structurer davantage. Le choix de l'organisation de l'innovation aux achats est ainsi essentiel (temps dédiés, cellule ad hoc, partie intégrante des services qui gèrent l'excellence achats, incentives sur l'innovation sur les modèles des achats responsables, intégration de critères innovants dans les contrats...).
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Réinventer les processus pour libérer l'innovation
"La conformité aux normes et la certification ISO sont des prérequis indispensables pour pouvoir travailler avec les grands comptes. Ce que nous avons appris en travaillant avec les directions achats, c'est l'importance de la certification et de la mise en place de processus clairs", affirme Antoine Ono-Dit-Biot, regional VP Southern Europe chez Shippeo. Un investissement initial qui permet d'accélérer les collaborations à long terme. Vincent Huguet précise dans cette optique: " Une fois que la direction achats nous fait progresser, cette expérience bénéficie à toutes les relations futures. "
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