Achats de minerais: Pourquoi et comment sortir de la logique des contrats à court terme ?

Garantir la traçabilité des minerais critiques dans un monde fragmenté, sous tension et dépendant de contrats à durée limitée. Mission impossible ? Une question épineuse. Si certaines entreprises plaident pour une régulation renforcée, d'autres redoutent que la rigidité des contrats à court terme n'aggrave encore la situation. Les marchés, déjà sous pression, pourraient bien en subir les conséquences. L'ultra-dépendance aux contrats de court terme ne permet plus de sécuriser ni les flux ni les coûts, et encore moins de répondre aux injonctions croissantes en matière de transparence et de responsabilité.

Acheter au trimestre, subir à long terme : le piège du court-termisme

L'obsession de la flexibilité peut coûter cher. À force de s'enfermer dans des contrats à court terme, les acheteurs se retrouvent paradoxalement captifs d'un système incapable d'anticiper les ruptures ou de maîtriser les prix. " Nous voyons certains programmes d'industrie déclencher les achats dans des zones à haut risque, et... le ciel ne s'est pas effondré. Alors pourquoi certains secteurs s'effondrent-ils sous le poids de la traçabilité, et pas d'autres", interroge Kanishk Negi, directeur des achats durables chez Schneider Electric. Une remarque qui pique. Dans un marché où les chaînes logistiques se disloquent au moindre choc géopolitique, la volatilité des engagements devient un facteur de risque.

Cette volatilité affaiblit également la capacité à intégrer des standards de traçabilité efficaces. Dans les filières aurifères ou du tantale, la traçabilité suppose un suivi millimétré depuis la mine jusqu'à l'utilisateur final. Yves Bawa Likilo, président and co-founder de Kumbuka Afrika, dépeint une chaîne d'approvisionnement scindée en deux : " Nous suivons les minerais de la mine à l'export, mais une fois passés dans les fonderies, tout se mélange. À ce stade, impossible de savoir si l'or raffiné provient du Congo ou d'ailleurs et sans engagements solides dans la durée, la transparence est un voeu pieux."

L'exemple du photovoltaïque : comment certifier la traçabilité sans fracture ?

Mais là où les contrats à court terme empêchent toute structuration durable, certaines industries prennent le contre-pied. Le secteur photovoltaïque amorce une mue. Avec l'initiative Solar Stewardship Initiative (SSI), la traçabilité voit le jour, imposant aux membres des standards contraignants. Julija Menise, directrice des normes et de l'assurance à la Solar Stewardship Initiative (SSI), assume une ambition claire : " Tous nos membres doivent se soumettre à une double certification : performance ESG et transparence de la chaîne d'approvisionnement. Pas d'exception, pas d'approximation. "

Là encore, le facteur temps est clé. Car certifier l'origine du silicium, de la mine de quartzite jusqu'au panneau final, demande du temps, de l'argent, et des engagements solides et un site certifié n'existe pas encore ", reconnaît Julija Menise, " mais nous avons besoin d'un à deux ans pour établir une chaîne sans rupture. " Et pour éviter les effets de bord, le modèle du SSI repose sur un principe simple qui montre que les obligations ne s'arrêtent pas à son fournisseur direct. " Un fabricant de modules doit pouvoir tracer son silicium jusqu'à la roche mère, sous peine de ne pas obtenir de certification." explique encore l'experte de SSI.

Le contrat ne se réduit plus à une ligne comptable. Il s'agit désormais d'un vecteur de responsabilité, un socle de confiance. C'est une logique d'écosystème qui se dessine et l'engagement contractuel est davantage synonyme d'influence, et non plus seulement de sécurisation.