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Externalisez vos achats de classe C

Publié par Anne-Sophie David le - mis à jour à
Externalisez vos achats de classe C

Les achats non stratégiques, dits de classe C, représentent la partie la plus importante des coûts de transaction des entreprises. À l'heure où la fonction achats devient de plus en plus stratégique, la question de l'externalisation de cette catégorie se pose.

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Quand une direction achats grandit et devient mature, son activité est de plus en plus liée aux métiers et aux stratégies achats. Dans le même temps, ses ressources achats, elles, n'augmentent pas. Certaines ­réfléchissent donc à l'opportunité de confier une partie de leurs activités à un tiers pour gagner en ­efficacité et se concentrer sur des familles d'achats plus stratégiques.

Génériques donc externalisables

Présents dans toutes les entreprises, les achats de classe C sont des achats très génériques (fournitures industrielles, fournitures de bureau...) donc externalisables. Souvent très fragmentés sur un nombre important de familles d'achats (produits et services) et gérés en grande partie par des utilisateurs dispersés dans toute l'entreprise, ces achats peuvent s'avérer difficiles à piloter et donc, à mettre sous contrôle. Ils sont par ailleurs très coûteux en gestion administrative.

Le cabinet de conseil Buy Made Easy (BME) explique ainsi que ces achats de catégorie C représentent généralement la plus faible partie du volume d'achats des entreprises mais génèrent pourtant les coûts les plus importants. Les leviers de gains (opérationnel, tactique et stratégique) sont donc très nombreux, à la fois en termes de conditions d'achats (amélioration des spécifications, développement de la négociation), de productivité (rationalisation des processus et réduction du nombre de fournisseurs) que de pilotage des dépenses (suivi des consommations et application systématique des contrats-cadres).

Autres avantages pointés par Epsa (cabinet spécialisé en externalisation des achats indirects, composé d'une dizaine de BU pour couvrir l'ensemble des segments : FM, télécoms, énergie, voyages, assurances...), qui travaille notamment avec L'Oréal et le Grand Paris : comptable, car cela ne rentre pas dans les mêmes comptes de charges ; concurrentiel, en permettant à l'entreprise de se concentrer sur ses achats stratégiques ; plus de flexibilité tout en permettant de réduire le panel fournisseurs.

Bien analyser le besoin

Fabrice Menelot du cabinet Crop & Co, spécialisé dans la performance achats, rappelle la base de tout projet d'externalisation : "Il faut a minima faire un état des lieux. Bien connaître ce que l'on va externaliser permet ensuite de bien négocier son contrat avec le prestataire."

État des lieux interne réalisé également par le cabinet BME pour pointer les problèmes et faire apparaître les besoins. "Nous regardons si les acheteurs sont matures sur le périmètre qu'ils veulent externaliser car il faut un pilote expérimenté aux commandes. Par ailleurs, il ne faut pas que cette décision soit "drivée" par un seul principe d'économies mais par une recherche de compétitivité pour l'entreprise car cela va lui permettre de gagner du temps et donc de se recentrer sur son core business", conseille le dirigeant du cabinet BME, Olivier Audino, qui pointe également l'impérieuse nécessité de communiquer en interne pour que ce projet d'externalisation ne devienne pas anxiogène.

Pour Fabrice Menelot (Crop & Co), la maturité achats est primordiale avant de penser à externaliser : "Vouloir externaliser une catégorie d'achats qui ne serait pas sous parfait contrôle s'apparente à faire un chèque en blanc au prestataire ! Quand on fait le bilan de ce que cela coûte par rapport à ce que l'on avait avant, on a des surprises."


Nature des achats et dépense moyenne par type d'achats

Si l'externalisation peut être une solution pour gérer et optimiser ses dépenses, l'entreprise doit avoir une vision claire des objectifs qu'elle va devoir atteindre. Ce qui n'est pas toujours simple pour les achats de classe C car beaucoup d'entreprises manquent d'outils analytiques pour avoir une bonne compréhension des profils d'achats.

"Ces petits achats nécessitent une bonne réactivité. Or, les outils utilisés aujourd'hui dans les grandes entreprises ne sont pas adaptés pour les gérer au mieux ", explique Olivier Audino du cabinet BME. L'outil e-achat que BME a développé, Sourcing Force, propose plusieurs prestations comprenant le pilotage stratégique, l'e-sourcing (identification et sélection des fournisseurs), la gestion des contrats et des catalogues, ainsi que l'e-procurement (gestion des approvisionnements). Accessible en ligne et 100 % cloud, la solution est paramétrable sans intervenant technique et fonctionne avec une tarification à l'usage.

Plusieurs scénarios d'externalisation sont envisageables en fonction du projet de l'entreprise : externalisation des achats à faible montant et non récurrent et/ou catégories qui se rapprochent de plus en plus du core business, et/ou achats plus complexes de part la nature du marché fournisseurs ou nature des contrats.

Dans son étude intitulée "Opérations sur les enjeux de l'externalisation de la fonction achats" , Accenture a relevé que "les entreprises interrogées estiment qu'il y a entre 20 à 40 % des dépenses liés aux achats indirects (marketing, IT, prestations de consulting) qui ne sont pas sous contrôle de la direction des achats car directement gérés par les entités business". Thierry Decroix, directeur d'Accenture Opérations, entité spécialisée dans l'externalisation ajoute ainsi que "les directions achats estiment qu'il y a environ 30 % des savings négociés qui ne se matérialisent jamais".

Accenture, qui gère environ 100 milliards de dollars d'achats pour le compte de ses clients, a développé une offre spécifique Sourcing & Procurement, projet end to end qui leur permet de réaliser les activités de sourcing stratégiques et de gestion opérationnelle des achats ainsi que la gestion contractuelle sur l'une de ces deux activités. "Toute la difficulté c'est d'avoir, dans le contrat d'externalisation, un volume de dépenses suffisant pour atteindre les objectifs du business case. Dans le cas contraire, les projets d'externalisation se soldent souvent par un échec", observe Thierry Decroix.

Externalisez, mais gardez le contrôle

À déterminer ensuite avec le prestataire son degré d'implication dans la gestion des segments d'achats. Quid de la gestion des litiges ? Du risque fournisseurs ? Quid des outils e-achats ? "Sur des prestations de sourcing ou de catégories management par exemple, nous ajoutons nos propres outils sur les ERP de nos clients", explique Thierry Decroix. De son côté, Ludovic Beribos, associé et directeur des opérations commerciales et marketing d'Epsa Groupe, déclare : "pour qu'un projet d'externalisation fonctionne, le prestataire doit s'intégrer dans le modèle de l'entreprise tout en utilisant ses propres pratiques achats." Il ajoute, par ailleurs, que la réversibilité des données reste un point crucial, " le client doit pouvoir à tout moment réinternaliser ses achats. "

Pour garder le contrôle, certains misent sur une équipe mixte, composée d'acheteurs maison et de consultants achats. "C'est une tendance qui est en train de s'installer au sein des directions achats de grands groupes car les entreprises ne recrutent plus et prennent des ressources en fonction de leur besoin", confirme Fabrice Menolot (Crop&Co), pour qui l'externalisation des achats non stratégiques est un passage quasi-obligé pour les directions achats, "car elles auront de moins en moins de ressources pour gérer des sujets de plus en plus stratégiques. Elles vont donc devoir s'alléger ".

Lire en page 3 : Le témoignage de Jean-François Boisseau, directeur de projet achats indirects de L'Oréal

Témoignage

Jean-François Boisseau, directeur de projet achats indirects de L'Oréal

"Les trois avantages du cosourcing : souplesse, rapidité et performance"

Fin 2010, suite à la décision de créer la nouvelle direction des achats indirects, et pour suivre le groupe L'Oréal dans son développement à l'international, il était nécessaire de recruter une équipe centrale dédiée. Après avoir étudié de près le marché du consulting achat, la direction a décidé de constituer une équipe mixte composée d'acheteurs L'Oréal et de consultants. Une démarche de cosourcing a vu le jour fin 2011 pour "renforcer la maîtrise des achats généraux, s'assurer de la conformité aux règles de contrôles internes et créer des relations longs termes avec les fournisseurs", explique Jean-François Boisseau, directeur du projet. Un travail mené au départ sur les familles d'achats avec une gouvernance forte, à savoir l'IT et le FM. L'équipe mixte s'est ensuite attelée aux familles RH, travel, Mice et plus récemment aux prestations intellectuelles. "Aujourd'hui, l'intégralité des achats indirects de L'Oréal est cosourcée par 15 acheteurs L'Oréal et principalement 12 acheteurs du cabinet Epsa au niveau corporate, tous rassemblés sur un même plateau", explique le directeur achats. Ce modèle est aussi déployé dans d'autres entités comme les Campus ou les Affaires France...

Au fil du temps, le rôle de chacun s'est précisé et affiné. "L'Oréal est davantage tourné vers la relation avec les prescripteurs en interne. Les partenaires externes, quant à eux, sont plus tournés vers la partie appel d'offres et négociation même si les deux en font et se coordonnent", précise-t-il. Les trois avantages du cosourcing, selon lui, sont la "souplesse, la rapidité et la performance".

Objectif n°1: la recherche du juste prix

Les principales difficultés d'un tel projet ? "Le management du changement et la communication, lance-t-il sans hésiter. Pour cela, nous avons gommé ce qui concourait à mettre trop en avant le cosourcing pour tendre vers les projets des stakeholders, tout en communiquant largement en interne via nos supports corporate, en mettant en avant la valeur ajoutée du projet pour L'Oréal et la contribution des stakeholders." L'autre défi a été de réussir l'intégration des consultants."Ce qui est le plus important aujourd'hui dans un groupe complexe comme le nôtre, ce sont les soft skills", pointe Jean-François Boisseau.

Si la recherche d'économies a été un argument (100 millions d'euros en quatre ans), cela n'a pas été le seul moteur. "Ce que nous recherchions avant tout c'était le juste prix à payer et la création de valeur via la démarche achats et le développement des relations fournisseurs", tient-il à préciser.

Des enquêtes de satisfaction ont par ailleurs été menées auprès des prescripteurs internes. "Le taux de satisfaction interne était au départ de 37 %. Nous en sommes aujourd'hui à 97 %. Pour y parvenir, nous avons mis en place un programme pour accompagner le changement et avons également lancé des newsletters par métier afin de mettre en lumière le travail mené avec et par les stakeholders. Grâce à cette communication interne, nous avons changé cette image négative que pouvait avoir au départ cette équipe achat mixte L'Oréal/consultants externes."

 
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