La fonction achats accélère sa digitalisation
Les direction achats misent sur les outils collaboratifs, l'automatisation des tâches, le SRM et les marketplaces. Mais les data analytics, l'intelligence artificielle et la blockchain sont encore peu cités par les répondants à l'étude "Tendances et priorités des départements achats".
Je m'abonneLa digitalisation est en marche dans tous les secteurs de l'entreprise et les directions achats n'échappent pas à la règle. Outils e-achats, processus de facturation, ... tous les domaines de la fonction achat passent au crible de la digitalisation. Ainsi, 62% des directions achats ont déjà mis en place ou sont en train de mettre en place une stratégie de transformation digitale des achats, selon l'édition 2020 de l'étude "Tendances et priorités des départements achats", réalisée par le cabinet AgileBuyer avec le CNA. Ils n'étaient que 46% en 2019, soit une hausse de 16 points !
"La digitalisation de la fonction achats est un outil incontournable pour accompagner la transformation du métier : améliorer l'efficacité de la filière en digitalisation les tâches à non-valeur ajoutée très administratives pour concentrer les acheteurs et assistants achats sur la création de valeur", assure Karine Alquier-Caro, directrice des achats groupe de Legrand.
Un quart des répondants à l'étude ont déjà mis en place une transformation digitale de la direction achat. Les secteurs ayant pris de l'avance sur cette forte tendance sont le tourisme/transport, la communication/médias, la banque/finance/assurances ainsi que l'informatique/télécoms. En revanche, les secteurs de l'agroalimentaire/hôtellerie ou de la pharmacie/santé ont encore peu franchi le cap.
Cette digitalisation s'observe avant tout dans des secteurs comme le tourisme-transport (47%), la communication-médias (40%) ou la banque-finance (39%) qui ont déjà mis en place une stratégie de ce type dans leurs achats. L'agro-alimentaire et la santé-pharmacie semblent en retard et ne sont qu'au début du processus. Ainsi, seules 9% des directions achats de l'agro-alimentaire ont déjà mis en place un tel processus et seules 3% des directions achats dans le secteur de la santé/pharmacie. Cependant, elles font preuve de bonne volonté puisque que 37% des directions achats de l'agro-alimentaire avouent que cette stratégie de digitalisation est en réflexion et sera prochainement mise en place, tout comme 53% des directions achats de la santé/pharmacie.
Outils e-achats : la data, la blockchain et l'IA séduisent encore peu
Alors comment les directions achats mettent-elles en place cette digitalisation ? Cela passe, pour 70% d'entre elles, par la mise en place d'outils collaboratifs (contre 58% en 2019, soit une hausse de 12 points !). L'automatisation des tâches est toujours d'actualité pour 38% des répondants (contre 30% en 2019). Si le SRM ne fait plus partie du classement en 2020, alors qu'il était classé en 2e position en 2019 (avec 41% des réponses), on observe une hausse significative des places de marchés qui apparaissent cette année dans le classement avec 17% des réponses (contre 12% en 2019).
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Fait étonnant : les data analytics, l'intelligence artificielle et la blockchain sont encore peu cités en 2020, tout comme en 2019. Ainsi, les data analytics ne sont cités qu'à 24% (comme en 2019), l'intelligence artificielle est à 6% en 2020 contre 4% en 2019 et la blockchain stagne à 2%.
"On est en droit de se demander si les directions achats se montrent encore trop prudentes vis-vis de l'efficience de ces outils et de leur utilisation ou si ces thématiques sont simplement trop nouvelles et constitueront les prochaines étapes des processus de digitalisation de la fonction ?", s'interroge Olivier Wajnsztok, directeur associé de AgileBuyer et grand chef d'orchestre de cette étude. "Pour certains experts, l'ère des grandes plateformes P2P du type Oracle ou SAP semble révolue face à l'explosion des nouvelles solutions technologiques. S'il y a 10 ans, il existait au maximum quinze fournisseurs d'outils digitaux, il en existerait aujourd'hui presque 800 sur le marché. Des acteurs qui préfèrent se positionner comme experts de niches étroites, par exemple sur le besoin grandissant de la gestion des risques, plutôt que de proposer un spectre large et généraliste. C'est alors aux directions achats de dénicher ces petits acteurs afin de réussir au mieux la révolution digitale de la fonction."
Les outils e-achats sont utilisés majoritairement pour le reporting et la performance (à 67%), le sourcing (à 61%), le contract management et l'approvisionnement à 46%. "Il faut par ailleurs garder à l'esprit que la digitalisation des achats ne peut s'entendre "stand alone". Elle touche nécessairement en amont aux processus clients (notamment en B2C) et en aval au management de l'écosystème des fournisseurs (en mode entreprise étendue)", souligne Olivier Wajnsztok.
Mieux travailler avec les start-ups : peu de process mis en place
Seules 15% des directions achats ont un processus défini par leur entreprise pour travailler avec les start-up et 67% n'en n'ont tout simplement pas. Au regard de l'innovation et de la multiplicité des écosystèmes, ce résultat paraît faible. Car travailler avec des start-up requiert souvent agilité et souplesse dans les process des organisations. Il faut aussi être capable de se montrer réactif et avoir des prises de décision rapides. Car les start-up sont de jeunes entreprises avec des cycles de décision très courts et une forte tension sur leur trésorerie. Soit un business model et une culture d'entreprise à l'opposé des directions achats des grands groupes, très hiérarchisés avec des cycles de décision longs et des process rigides. Mais si les directions achats n'ont pas encore forcément écrit noir sur blanc comment simplifier le travail avec les start-up, elles sont cependant à l'affût de l'innovation et sont nombreuses à avoir créé des postes achats dédiés à l'innovation, comme chez Schneider Electric, avec un directeur stratégie et innovation achats ou chez Jacquet Brossard (groupe Limagrain) avec une directrice achats mais également R & D et innovation. "Les processus mis en place fonctionnent avant tout en phase débutant (à 55%) contre 35% en phase de croisière, commente Olivier Wajnsztok. "Ce qui confirme les résultats précédemment énoncés sur la "jeunesse" de la mise en place de ces programmes."
Etonnement, ce sont les TPE (< à 10 salariés) et les PME (10 à 249 salariés) qui s'appuient sur un processus défini pour travailler avec les start-up (80% des réponses). Ainsi, dans les grandes entreprises (> à 5000 salariés), la hiérarchie et la structure organisationnelle peuvent apparaître comme des freins à cette réactivité et cette souplesse que requiert le travail avec les start-up.
Sans grande surprise, c'est dans le secteur de l'informatique-télécoms qu'on trouve le plus de directions achats (35%) qui s'appuient sur un processus pour simplifier le travail avec les start-up. Car il s'agit d'un secteur constitué de nombreuses ESN nées de cycles d'innovation dont l'ADN est lié à l'émergence et la disparition de start-up. Viennent ensuite l'aéronautique et la défense (32%) et le luxe (à 29%). Là encore, le secteur de l'aéronautique - défense est un secteur nourri par l'innovation pour être toujours plus compétitif.
Les arnaques aux faux fournisseurs : un risque majeur
C'est une nouveauté de l'enquête qui traduit parfaitement les préoccupations majeures des directions achats en 2020 : le sujet des faux fournisseurs. Sur les 12 derniers mois, 59% des directions achats ont mis en place des procédures de faux fournisseurs. On appelle faux fournisseur un individu se faisant passer pour un fournisseur de l'entreprise afin d'obtenir le paiement de factures émises par le véritable fournisseur. Si l'arnaque au président ou l'escroquerie aux Faux Ordres de Virements (FOVI) reste la plus connue et la plus célèbre, d'autres ciblent l'organisation achats et la comptabilité fournisseurs. Ainsi, la fraude au faux fournisseur est la plus répandue puisqu'elle représente plus de 54% des tentatives de fraude.
La presse a cité également les attaques provenant des pays d'Afrique de l'Ouest où les faussaires profitent du manque de communication entre les entités d'un groupe à l'international pour se faire passer pour un fournisseur identifié et demander un virement bancaire. Un deuxième type d'arnaque consiste en l'émission de fausses commandes en se faisant passer pour une entreprise connue et demander l'ouverture d'un compte client pour ensuite pouvoir émettre de faux bons de commandes en son nom.
Lire tous les sujets traités dans le cadre de cette enquête:
Les grandes priorités des services achats en 2020
Les achats se détachent (un peu) de la réduction de coûts
"Made In France" ou pays à bas coût : les achats à l'heure du choix
Les relations donneurs d'ordre-fournisseurs se rééquilibrent
Les achats durables, une vraie préoccupation... mais pas une priorité
Les achats côté RH : une grande satisfaction et quelques désagréments