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Les achats à l'épreuve du Covid-19

Publié par Marie-Amélie Fenoll le - mis à jour à
Les achats à l'épreuve du Covid-19
© olly - Fotolia

Face à l'ampleur de la crise du Covid-19, les achats se sont mis en ordre de bataille. Et plus que jamais, la gestion des relations fournisseurs est au coeur de la tempête. Comment les directions achats accompagnent-elles leurs fournisseurs? Et comment anticiper la sortie de crise? Explications.

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La crise sanitaire mondiale du coronavirus touche tous les pans de l'économie et les achats ne sont pas épargnés. "La pandémie, comme d'autres types de grande crises climatiques, économiques ou encore politiques, ne sont clairement pas intégrés comme critère dans l'analyse des risques fournisseurs pour la plupart des entreprises", explique Alain Galloni, associé chez Strategy&, entité de conseil en stratégie au sein du cabinet PwC. Un avis partagé par Pierre Rougier, co-fondateur du cabinet de conseil Kepler : "C'est une situation sans précédent. Car, la gestion des risques est plutôt perçue dans un mode routine et se concentre davantage sur les risques financiers et d'approvisionnement".

Une crise "sans précédent" dans l'analyse des risques

On peut cependant s'interroger sur les leçons tirées des précédentes crise du type Ebola ou Sras, ou bien encore de celle des subprimes en 2008, bien que les enjeux ni l'ampleur de la crise actuelle ne semblent comparables. "La crise financière de 2008 a vu l'effondrement de certaines supply chain par défaillance de fournisseurs mais les leçons n'ont pas été suffisamment tirées, à part pour quelques grands groupes industriels", selon Alain Galloni. Une des raisons avancées : "Des informations clés comme les prévisions, les stocks, des données fournisseurs, leur santé financière dispersées dans différents services et systèmes de l'entreprise. Ce qui empêche de disposer d'une vision claire et rapide des événements", poursuit l'associé de PwC.

Un (trop) fort taux de dépendance à l'Asie

Cette crise sanitaire révèle aussi de manière assez alarmante le taux de dépendance des entreprises vis-à-vis de certains fournisseurs des pays d'Asie notamment dans les secteurs automobile, technologique ou pharmaceutique. Ainsi, dans le secteur pharmaceutique, près de 80% des principes actifs sont fabriqués aux USA et en Chine. Voilà pourquoi, dans un souci de faire baisser son taux de dépendance aux fournisseurs asiatiques, le géant pharmaceutique français Sanofi a annoncé en février dernier, le regroupement d'une division commerciale et de six usines européennes, dont deux en France, dans une entité indépendante pour la production d'ingrédients pharmaceutiques. Cette crise sera aussi l'occasion pour les achats, de réfléchir à des fournisseurs alternatifs afin de faire baisser leur taux de dépendance.

Gestion des stocks, sécurisation de la supply chain, ...

En attendant, pour faire face à l'ampleur de la crise du Covid-19, les achats ont monté des cellules de crise et se sont mis en ordre de bataille en misant sur la gestion des stocks, la sécurisation de la supply chain, ... . Et si la majorité des entreprises ont choisi de poursuivre leur activité, certains industriels ont revu l'utilisation de leurs moyens de production, avec des fermetures de sites, et parfois même leur reconversion dans la fabrication de moyens de protection (gels hydroalcooliques, masques). C'est le cas du groupe de luxe LVMH qui s'est lancé dès le 21 mars dans la production de plusieurs millions de masques en France, après la mobilisation des unités de production de sa branche Parfums & Cosmétiques pour fabriquer et distribuer gratuitement des gels hydroalcooliques en grande quantité. A son tour, le groupe Yves Rocher s'est lancé dans la production de gels hydroalcooliques et prochainement de masques.

Lire la suite en page 2 : Etre au chevet de ses fournisseurs


Mais, en amont de la chaîne, ce sont les approvisionnements et les fournisseurs qui "ont brutalement fait défaut, avec peu d'anticipation. Certains industriels ont par exemple découvert que leurs stocks de composants électroniques avaient atteint des seuils critiques de rupture, n'ayant pas été informé de l'arrêt par leurs fournisseurs. Les impacts ont été par conséquent lourds dans leurs opérations. D'autres industriels nous ont avoué que les stocks excessifs liés à une "mauvaise gestion de la supply chain" les avaient protégés mais pour combien de temps? ", s'interroge Alain Galloni ...

Etre au chevet de ses fournisseurs

Si la crise du coronavirus impacte toute les strates de l'entreprise, les fournisseurs sont les premiers à être touchés de plein fouet, "A la manière des médecins au chevet de leurs patients, les acheteurs doivent veiller à prendre soin de leurs fournisseurs stratégiques les plus fragiles. Et prendre des mesures pour les aider comme par exemple promouvoir le paiement au comptant", souligne Elvire Regnier Lussier, qui a notamment dirigé les achats d'Avril, Bouygues Bâtiment International, Colgate-Palmolive Personal Care et le programme corporate de partenariat fournisseurs pour le groupe Unilever.

Les entreprises sont conscientes de l'importance de la gestion de leurs relations fournisseurs surtout en temps de crise. Car, c'est tout un écosystème qui est en danger."C'est le principe de l'entreprise étendue", selon les termes de Pierre Rougier de Kepler. C'est donc tout naturellement que le médiateur des entreprises s'est saisi à nouveau du sujet des délais de paiement en appelant les entreprises à "davantage se financer auprès de l'Etat pour préserver leurs fournisseurs".

Le danger des délais de paiement

"En situation de crise, il faut communiquer quotidiennement auprès de ses fournisseurs, continuer à les cartographier par zones à risques, renseigner son SRM et échanger en temps réel avec eux sur les stocks disponibles ou encore accepter certaines augmentations de prix pour sécuriser ses approvisionnements", détaille Olivier Audino, expert achats et p-dg de Buy Made easy. Accompagner ses fournisseurs passe aussi par un soutien financier à l'image du groupe Danone, dont le CEO Emmanuel Faber qui vient d'annoncer avoir pris des "mesure radicales pour renforcer la résilience des équipes et de la chaîne de valeur du groupe afin d'assurer la continuité des approvisionnements alimentaires dans le monde entier". Cela passe notamment par un soutien financier de 250 millions d'euros aux 15 000 petites entreprises de l'écosystème mondial (agriculteurs, fournisseurs, prestataires), "financés par les flux de trésorerie de Danone".

Scénario de sortie de crise

Ainsi, lors de la reprise, "la différence se fera entre les directions achats qui auront toujours su entretenir de bonnes relations avec leurs fournisseurs stratégiques. Les fournisseurs qui auront résisté à la crise se souviendront des partenariats établis dans le respect des bonnes pratiques achat, la transparence ...", insiste Elvire Regnier Lussier. Et de faire un parallèle avec la crise des subprimes en 2008, pendant laquelle, les prix se sont effondrés et un grand nombre de fournisseurs ont fait faillite. "Avant 2008, le marché était clairement favorables aux acheteurs, suite à cette crise financière de nombreux fournisseurs ont disparu, les meilleurs fournisseurs ont alors été en position de choisir leurs clients", conclut-elle.

Lire la suite en page 3 : sortie de crise et modèles achats résilients


Anticiper la sortie de crise

La sortie de crise paraît tout aussi délicate que sa gestion actuelle. "Il faudra être très agile dans le pilotage des fournisseurs et la gestion du cash", estime Pierre Rougier, du cabinet Kepler.

Pour l'expert en stratégie de PwC, les priorités dans les prochains jours doivent concerner la mise en place d'un plan de continuité des approvisionnements intégrant un monitoring en continu de la situation (cockpit supply chain de crise), des actions de soutien auprès des fournisseurs critiques, la renégociation des conditions contractuelles, et bien évidemment la recherche de sources alternatives - tenant compte de l'évolution des foyers - en s'appuyant sur des outils de sourcing intelligents basés sur le machine-learning. Enfin, dans les prochaines semaines, il s'agira de s'organiser pour le challenge de la reprise, remobiliser rapidement les ressources, les moyens de production et disposer des bons stocks pour redémarrer l'activité.

Inventer des modèles résilients

"Et une fois la crise passée, il faudra s'attaquer à un sujet peu abordé par le passé : comment construire des modèles supply chain plus résilients ? s'interroge-t-il. Car "Proximité, relocalisation, réindustrialisation, résilience, développement durable vont façonner ces modèles de supply chain Responsable pour ce que l'on appelle déjà "le monde d'après". Une réflexion partagée par Pierre Rougier, co-fondateur, du cabinet Kepler, pour qui il faudra 'inventer des modèles résilients plus forcément basé sur la profitabilité et savoir à quel point on accepte de perdre des points de compétitivité".

Et l'occasion pour la fonction achats, selon Elvire Regnier-Lussier, de démontrer sa valeur ajoutée au sein de l'entreprise : "c'est notre moment à nous les achats, il faut le saisir, et nous positionner comme interlocuteur stratégiques des directions générales afin de sécuriser le sourcing et préparer la sortie de crise".

8 conseils de sortie de crise

par Olivier Audino, pdg de BME (Buy Made Easy)

>> Actions internes

- Préparer le prévisionnel de reprise de production par priorités produits et services

- Identifier les fournisseurs risquant de disparaître à court terme (santé financière, rupture de production) "C'est un travail énorme qui peut se baser sur la loi Pareto du 80/20 ou la matrice de Kraljic".

- Préparer un plan d'aide et d'accompagnement de vos fournisseurs stratégiques à risques


>> Actions externes

- Contacter les fournisseurs impactés pour évaluer l'état des stocks et capacité de production

- Contractualiser (dans la mesure du possible) vos conditions de reprise, avec une date de reprise inconnue. "Faites attention, car aujourd'hui, les fournisseurs ne peuvent pas vous opposer le cas de force majeure qui ne s'applique plus à la crise du cOVID-19".

- Contacter les transporteurs pour réserver des livraisons (Avion, maritime, route), afin d'être "dans une zone de confort car quand la reprise sera là ce sera déjà trop tard".

- Accepter certaines hausses de tarifs MAIS SURTOUT proposez le paiement comptant des commandes

- Demander un bilan financier et un prévisionnel

Source : Webinar Covid-19 : comment maîtriser vos risques fournisseurs?

Lire aussi: Comment construire une stratégie achats résiliente

 
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