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[Interview] Sylvie Noël, CPO de Covea -"L'intelligence émotionnelle est la force de l'acheteur"

Publié par Camille George le - mis à jour à
[Interview] Sylvie Noël, CPO de Covea -'L'intelligence émotionnelle est la force de l'acheteur'
© © Marc BERTRAND

A la tête de la direction achats du groupe mutualiste Covéa depuis 2012, Sylvie Noël mène avec détermination la structuration et la professionnalisation de la fonction en misant avant tout sur l'humain et une organisation la plus agile possible afinde soutenir la transformation du groupe.

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Comment sont organisés les achats chez Covea ?

Le groupe Covéa coiffe trois marques : MAAF, MMA, GMF. Ayant besoin de professionnaliser nos achats, en 2011, le projet EMA (ensemble pour mieux acheter) a été lancé dans l'objectif de créer des synergies communes aux trois marques. Le projet fondait ses axes de travail sur trois piliers : la méthodologie du process achat, un pilier outil pour soutenir ce process et un pilier opérationnel pour identifier les synergies potentielles. Ce projet a abouti à la mise en place d'un outil RFI et RFX en mode SaaS choisi par les utilisateurs, déployé sur l'ensemble du groupe, et la création de la DAC, direction achats Covéa, en 2012. Celle-ci était d'abord organisée sur cinq sites.

Puis, tout en conservant l'aspect identitaire des trois marques MAAF, MMA et GMF, et l'agilité de départ, nous avons mutualisé tout le back-office (ressources humaines, comptabilité, contrôle de gestion, etc.). Cela correspondait aussi à une volonté de la direction générale de "covéatiser" le groupe. En moins de quatre ans, nous avons changé trois fois notre organigramme pour coller au mieux aux besoins internes et à la stratégie. Aujourd'hui nous avons deux grands pôles : le pôle métier achats qui regroupe tous les acheteurs, et le pôle support achats pour la gestion des risques fournisseurs, de l'administratif et des outils. La direction achats est restée multisite car c'est dans notre ADN. Elle compte 38 personnes sur la partie métiers achats et quatre en support achats, réparties sur cinq sites. Cette particularité ne nous empêche toutefois pas de mutualiser grâce à la mise en place de fenêtres virtuelles de communication. Nous nous appuyons sur un process achat intégralement digital.

Quels ont été les projets emblématiques de la structuration de la direction achats ?

Tout a démarré avec le projet fondateur EMA. Il s'agit d'un projet structurant à plus d'un titre : d'un point de vue personnel, puisqu'à l'époque j'agissais en tant que consultante externe et par la suite j'ai été amenée à prendre la direction des achats groupe. Mais aussi d'un point de vue entreprise, notamment en matière de structuration et de professionnalisation de la fonction. C'est en effet ce projet qui a initié la logique achat groupe et permis aux trois marques de mener des projets opérationnels communs. Le projet a été mené en total transparence avec des jalons et un calendrier clairs dès le départ. EMA a ainsi bénéficié de l'implication et de la motivation de chacun. Les process et les méthodes achats groupe ont pu être posés pour gagner rapidement en maturité. Depuis, nous n'avons de cesse de progresser du point de vue mutualisation et optimisation.

Un autre important sujet a été la digitalisation des achats. Il faut savoir qu'aujourd'hui, l'intégralité du process achats est digital jusqu'à la contrathèque, les litiges, les plans d'action... Tous les échanges se font via une plateforme unique, plus aucun mail ne circule entre les métiers, les achats et les fournisseurs, tout est accessible à travers la plateforme. C'est un énorme atout en termes de visibilité et d'innovation servicielle. Les fournisseurs ont bien sûr accès à tous les appels d'offres, mais ils peuvent aussi mettre à jour eux-mêmes les éléments et informations commerciales les concernant (rachats, fusions, innovations...). En fait, la seule partie qui manque, c'est du procure to pay (PtoP) entre la facture et le bon de commande.

Quel est le rôle de la direction achats dans l'entreprise ?

L'avantage aux achats est que nous avons une vue à 360° sur l'entreprise, aussi bien sur les filiales françaises qu'à l'international, puisque Covéa a aussi deux filiales au Royaume-Uni, une au Luxembourg, une en Italie, une aux États-Unis ainsi qu'une participation dans une société d'assurance au Canada et une en Espagne. Notre rôle est bien sûr de nous assurer que la politique achat groupe est bien déclinée, tout en l'adaptant parfois selon les particularités. Mais c'est aussi une place privilégiée pour accompagner l'entreprise dans ses évolutions. La politique achat, comme toutes les politiques du groupe d'ailleurs, est revue tous les ans. Nous sommes donc en rénovation perpétuelle pour coller au plus près des besoins des métiers et leur apporter un maximum de visibilité et de fluidité dans leurs demandes d'achats. Notre leitmotiv est d'être une direction proactive et innovante. L'objectif étant de toujours garder une dynamique de support de la transformation et de la croissance du groupe.

Transformation sous-entend conduite du changement, comment gérez-vous cet aspect-là ?

Cela fait aussi partie de notre rôle de coordinateur et de liant. Tout projet achat touche aux hommes et aux femmes, il faut faire en sorte qu'ils aient envie d'adhérer au projet et s'y reconnaissent. Un changement n'est pas synonyme de perte d'identité, surtout pas. L'accompagnement achat va donc se traduire avant tout par des échanges sur le mode de fonctionnement des métiers pour que chacun apprenne à respecter le travail et la valeur ajoutée de l'autre. Il faut arriver à trouver le bon curseur entre les différentes compétences et expertises. Cela sous-entend aussi de faire du marketing achat. Il faut que notre travail et notre valeur ajoutée soient également compris.

Un acheteur ne va pas simplement obtenir 10 % ou 20 % sur un prix, il va s'assurer de la qualité du service ou du produit, garantir les risques liés aux achats, le respect des contraintes légales, cadrer le type d'engagement avec les fournisseurs, etc. Tout cela, il faut l'expliquer. Chacun a sa partition à jouer et doit bien la jouer avec les instruments dont il dispose. Il ne doit pas y avoir un instrument qui domine les autres, sans quoi il n'y aura pas d'harmonie. Et cela se vérifie, tout acte d'achat qui se passe bien aboutit sur une décision collégiale. Si vous faites un dépouillement partagé, qu'il s'agisse de choisir un service, un outil ou d'adopter un changement quel qu'il soit, vous n'aurez pas de souci de confrontations ni de situation de blocage.

Lire la suite en page 2: Diriez-vous que les qualités humaines comptent plus que les compétences techniques dans ce métier ? - Quels seront les prochains défis à relever ?


Diriez-vous que les qualités humaines comptent plus que les compétences techniques dans ce métier ?

Les compétences et l'expertise sont nécessaires, elles constituent la base. Mais sans qualités humaines, on ne va pas très loin. Je crois beaucoup à l'intelligence émotionnelle, tant individuelle que collective. L'humain est au coeur de mes préoccupations. Le projet EMA a été humainement extraordinaire. Nous avons été jusqu'à 100 personnes impliquées sur le projet, parmi lesquels des représentants des directions métiers, des contrôleurs de gestion, des comptables, des juristes, des acheteurs, etc. Certains se connaissaient, mais n'avaient jamais travaillé ensemble. Pourtant nous avons réussi à bâtir ensemble un projet qui a contribué à professionnaliser les achats groupe. Cette âme est restée à la direction achats de Covéa. D'ailleurs, lorsque je suis en phase de recrutement, avant même de regarder les compétences achats, c'est la personnalité et l'ouverture d'esprit du candidat qui m'intéressent. Un collaborateur peut être amené à changer trois fois de métier en quatre ans chez nous, car il a la possibilité de changer de spécialité. Nous avons par exemple des acheteurs qui sont passés sur la partie risque fournisseur. Mon N-1 a été tour à tour responsable achats informatiques pour GMF, puis responsable achats globaux GMF, et aujourd'hui il pilote le pôle métier achats de Covéa.

Comment se profile l'avenir proche, quels seront les prochains défis à relever ?

J'ai une vingtaine de projets en cours au sein de la DAC, dont la mise en catalogue d'un maximum de prestations, car c'est un axe de développement important afin d'apporter plus de fluidité aux métiers. Mais également des projets faisant entrer des innovations technologiques pour les achats, autour du sourcing ou de l'aide à nos clients internes par exemple. L'agenda de la DAC est donc bien rempli. Mais la prochaine étape majeure se fera au niveau groupe avec la mise en place d'un statut commun et d'une seule règle groupe. Cela donnera lieu à un nouveau Comex plus réduit. En septembre, nous aurons la présentation de la stratégie Covéa co-construite avec des personnes du groupe et le nouveau Comex .

Il y a également un très important projet de transformation à venir, le projet ECLA dont l'objectif principal est, en s'appuyant sur Salesforce, de revoir l'ensemble du parcours client et les aspects front office pour pouvoir capitaliser sur le groupe tout en tirant profit de ses particularités. Dans ce contexte, il incombe à la fonction achats d'accompagner la transformation de l'entreprise. Ces changements en interne vont fortement impacter les achats. En 2017, nous avons enregistré 20 000 demandes achats pour 1 300 utilisateurs internes. Avec les importantes modifications d'organigramme à venir en septembre, nos utilisateurs vont changer, certains vont changer de poste. Il faudra alors bien nous faire connaître et nous positionner en business partners au quotidien. Parallèlement, nous allons poursuivre la professionnalisation et la montée en puissance de la direction achats. L'objectif ultime serait qu'on puisse entrer au P & L du groupe Covéa et qu'on puisse faire des inputs. C'est ambitieux, mais pas impossible.

Biographie de Sylvie Noël

Après 7 ans chez Capgemini, Sylvie Noël a intégré la Maif en tant que directrice achats avec pour mission de structurer le service de A à Z. Elle a poursuivi ensuite sa carrière dans l'univers du conseil, et c'est d'abord en qualité de consultante extérieure qu'elle mène un audit de la fonction achats de Covéa et est venue à piloter le projet EMA, ensemble pour mieux acheter, en 2011. En juillet 2012, la direction achats groupe a été créée et Covéa lui en confie les rênes. Depuis, elle n'a eu de cesse de faire grandir la fonction en plaçant l'humain au coeur de ses préoccupations.Sylvie Noël est également présidente de l'ADRA qui compte plus de 110 membres.

Fiche entreprise Covéa

Activité : Assurance

Marques : Maaf, MMA, GMF

Effectifs : 26 000 dont 22 000 en France

Effectifs achats : environ 50

Résultats nets part du groupe 2017 : 818 m€

Volume d'achats 2017 :

Indirects 1 Md€

Directs 1,2 Md€

 
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