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Achats-supply chain : les clés d'un partenariat réussi

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Achats-supply chain : les clés d'un partenariat réussi

Si les directions achats et la supply chain semblent, certes, soumises à des objectifs contradictoires, l'une comme l'autre prennent désormais conscience de l'enjeu d'une collaboration de proximité pour booster la performance de l'entreprise. Tour d'horizon des bonnes pratiques à adopter.

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S 'il est deux fonctions miroir dont la qualité de l'interaction se révèle essentielle pour tout développement à grande échelle, c'est sans aucun doute les achats et la supply chain ! Car, les grands comptes - toujours plus conscients du poids d'une telle relation stratégique - attendent désormais des deux métiers qu'ils coordonnent plus que jamais leurs actions. « En effet, la crise de 2008 a durablement rappelé aux entreprises que l'optimisation du BFR était aussi importante que l'amélioration des marges et ce, pour anticiper tout retournement subit du marché. D'où la nécessité de faire dorénavant travailler main dans la main supply chain et achats, respectivement en charge de chacune de ces missions », constate Christophe Durcudoy, directeur associé au sein du cabinet de conseil Argon Consulting. Mais force est de constater qu'un tel pari relève bien souvent de la gageure ! Et pour cause : difficile de mettre autour d'une même table des acheteurs à l'affût constant des savings et des acteurs de la supply chain mettant le cap sur la rapidité et l'efficacité des process logistiques.

« Effectivement, il est complexe de concilier de tels objectifs, à première vue contradictoires : d'un côté générer des économies en misant sur le temps long et la négociation, et d'un autre, gagner en agilité et réactivité en termes d'approvisionnements pour bien maîtriser la trésorerie et surtout booster la satisfaction client », estime Fabienne Fel, professeur associé au département management de l'information et des opérations à l'ESCP Europe. Un constat partagé par Christophe Durcudoy : « Longtemps, les acheteurs ont cherché à exclusivement massifier les volumes, en privilégiant l'achat de grosses quantités auprès de fournisseurs compétitifs et distants géographiquement. De quoi irriter la supply chain, précisément soucieuse de fluidifier la gestion des stocks en réduisant de tels volumes pour ne pas immobiliser trop de cash ». Alors, comment faire dans la pratique pour opérer un tel rapprochement ?

Approche TCO

« La relation entre ces deux fonctions doit ni plus ni moins être repensée de A à Z afin de favoriser un pilotage end to end de la supply chain », analyse Pierre Rougier, associé au sein du cabinet Kepler Consulting. Et pour favoriser une telle gestion globale, encore faut-il que les acheteurs intègrent - en amont de l'acte d'achats - les desiderata de la supply chain ! À condition que cette dernière remonte aussi ses besoins aux achats. « C'est dire si les deux fonctions doivent cesser d'oeuvrer de manière isolée, mais plutôt élaborer ensemble des objectifs communs », lance Fabienne Fel. Ce qui suppose une certaine maturité de part et d'autre et donc, pour les acheteurs, de ne pas être de simples cost killers. « Autrement dit, ils doivent satisfaire un prérequis et pas des moindres : avoir une approche TCO (total cost of ownership), des produits, en ne prenant pas uniquement en compte le coût facial, mais aussi les coûts logistiques, de stockage, de maintenance, etc. », estime Christophe Durcudoy. Autant de points clés qui doivent être débattus de manière transparente entre achats et supply chain dans le cadre d'un dialogue constructif et ce, bien avant le lancement de toute consultation. De quoi éviter le pire des scénarios : « que la supply chain décide de traiter en direct avec les fournisseurs sans passer par les achats. Une configuration possible si aucune coordination n'est prévue en amont pour privilégier des sous-traitants satisfaisant à la fois les exigences des achats en termes de coûts et celles de la supply chain en termes de logistique », alerte Valérie Lefièvre, professeur associé et directrice du mastère management des achats et de la supply chain chez Audencia. Et de rappeler qu'une telle collaboration doit s'imposer dès la définition des cahiers des charges, via des ­réunions régulières, « afin que des critères relatifs à la réactivité des fournisseurs, aux conditions d'approvisionnement, à la gestion de stocks, etc. figurent dans les appels d'offres ».

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Sécurisation des fournisseurs

De quoi intégrer des clauses contractuelles prévoyant, par exemple, « une montée en charge rapide des fournisseurs pour gérer les situations d'urgence ou de crise », illustre Valérie Lefièvre. On l'aura compris, tous ces éléments devront, ainsi, être passés au crible lors de la négociation, quitte à y inclure la supply chain afin de garantir l'intégration de telles clauses et, « ainsi, s'assurer de la capacité du fournisseur à livrer dans les temps, moyennant, le cas échéant, le paiement de pénalités de retard », poursuit Fabienne Fel. Si les deux fonctions semblent plus que jamais complémentaires, reste à trouver le bon curseur entre les exigences achats, d'une part, et celles de la supply chain, d'autre part. Et pour cause : si le triptyque coûts-qualité-délais reste le mot d'ordre de nombreux services achats, « dans les faits, c'est la supply chain qui va davantage s'intéresser à la gestion des risques logistiques et à la sécurisation des fournisseurs tout au long de la chaîne d'approvisionnement, qui plus est en cas d'achats à l'international, notamment dans des pays low cost tels que la Chine », indique Christophe Durcudoy.

C'est pourquoi, la question d'une hiérarchisation entre priorités achats et supply chain se pose à intervalles réguliers. Avec une primauté qui doit être accordée - pour certains produits - à la réactivité des sous-traitants propre à garantir une livraison "juste à temps", et pour d'autres produits, à un coût peu élevé via un sourcing lointain. Un arbitrage complexe qui va aussi dépendre des quantités prévisionnelles définies par catégorie d'achats. « C'est pourquoi elles doivent être le plus fiables possible, en étant connectées aux besoins réels des clients », indique Fabienne Fel. Un travail qui incombe d'abord à la supply chain, par essence très proche de la clientèle.

Zara, un cas d'école

Vous l'aurez compris, plus vous, acheteurs, vous ouvrirez aux préoccupations de vos homologues de la logistique, plus vous vous rapprocherez des problématiques coeur de business de l'entreprise. Une telle synergie se révèle même plus impérative, encore, dans les industries aux cycles de production courts, où les achats et la supply chain doivent anticiper de manière plus réactive la fin de vie des produits via une approche de "reverse logistics". « Ce qui induit une stratégie efficace en termes de gestion de l'obsolescence et du recyclage, donc de renouvellement en continu des gammes dans une conjoncture toujours plus compétitive où le lancement régulier de produits innovants est incontournable », développe Pierre Rougier. Plusieurs acteurs sont d'ores et déjà à la pointe en la matière comme Dell, qui n'a pas hésité à placer la supply chain au centre de sa stratégie clients pour doper son activité e-commerce. Dans le textile, impossible de faire l'impasse sur Zara, qui a réinventé la chronologie opérationnelle en sortant des collections en trois semaines, « montrant ainsi la voie de l'excellence en matière de "supply chain" et de création de valeur », rappelle Valérie Lefièvre. Autre illustration avec Orange, pour qui la non-disponibilité d'un terminal en magasin signifie la perte d'un abonné potentiel. Aussi, l'entreprise fut parmi les premières en France, avec Turbomeca, à regrouper supply chain et achats sous une même casquette pour officialiser le rapprochement entre les deux fonctions. Alors, acheteurs, prêts à envisager, vous aussi, une telle voie ?

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Témoignage

Kevin Cogo, general manager sourcing chez GE Steam Power Systems

« Instaurer des points de gouvernance entre achats et supply chain »

Au sein de la division GE Power du groupe General Electric (ex-Alstom Power), la collaboration rapprochée entre achats et supply chain remonte à plusieurs années, déjà. « Dès 2012, année marquant la structuration de notre stratégie achats et l'élaboration de nos panels fournisseurs, revues de commodités, etc., nous avons décidé d'impliquer la direction des opérations dans la réalisation d'un tel chantier, en partageant de manière croissante nos informations avec les équipes du manufacturing en première ligne dans la gestion des approvisionnements pour nos usines », explique Kevin Cogo, general manager sourcing chez GE Steam Power Systems. De quoi permettre un dialogue constructif entre supply chain, d'une part, et achats, de l'autre, particulièrement aguerris à une approche en coûts complets, intégrant la logistique, le transport, l'immobilisation des stocks, etc. « Ainsi, les tensions éventuelles à dissiper lors de nos échanges ne portent pas tant sur nos objectifs respectifs - qui restent de facto assez alignés - que sur leur poids respectif lors des négociations fournisseurs », poursuit l'intéressé.

Car, en cas de collaboration possible avec un partenaire, qui plus est lointain, le débat se focalise sur la prédominance à accorder à tel ou tel KPI. « Faut-il d'abord prendre en compte ceux de la supply chain - à savoir la réduction du time delivery ou des stocks - afin de booster la performance industrielle de nos usines ? Ou alors ceux des achats en termes d'optimisation des coûts via un sourcing dans des pays low cost ? », analyse Kevin Cogo. En cas d'absence de consensus, GE Power a sa solution pour éviter toute confrontation : mettre en oeuvre différents points de gouvernance entre les deux fonctions - et ce, dès l'élaboration des cahiers des charges - pour favoriser une prise de décision partagée.

« Ainsi, même lorsqu'un fournisseur chinois est sélectionné, la décision est prise en accord avec la supply chain et ce, dans une logique gagnant-gagnant où les achats devront apporter, en contrepartie, certaines garanties en termes de sécurité d'approvisionnement, d'optimisation des stocks..., obtenues lors de la négociation avec ledit partenaire », conclut Kevin Cogo.

 
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