Management : pas assez de bienveillance en France ?
Si, dans les discours, le monde du management s'est converti à la bienveillance et à la co-construction avec ses équipes, il semble que la réalité soit bien différente. Plusieurs intervenants du second Hackathon du Management tentent d'expliquer ce qui ne va toujours pas dans le management français.
Je m'abonne6% des salariés français seraient véritablement engagés dans leur travail. C'est peu. C'est surtout le second pire score d'Europe occidentale selon l'institut de sondage Gallup, qui a réalisé cette étude dans le monde entier.
L'un des principaux problèmes viendrait des managers, qui n'arrivent pas à motiver leurs salariés. "Le problème, c'est que les écoles de management forment trop souvent à des pratiques rationnelles, explique Frédéric Rey-Millet, dirigeant du cabinet de conseil en management EthiKonsulting et organisateur du Hackathon du Management. Or, le management est tout sauf une conception immanente, c'est quelque chose de très pratique".
A l'opposé de la sur-intellectualisation du management, un autre risque guette les managers : ne pas en faire assez. "Les managers sont persuadés d'être bons, surtout quand ils sont mauvais, témoigne Cyrille de Lasteyrie, ancien manager devenu comédien. Personnellement, j'étais persuadé d'être un bon manager parce que j'étais sympa. En réalité, je pratiquais une forme de management par l'abandon."
Les entreprises elles-mêmes ne facilitent pas souvent la tâche à leurs managers. Quand le rôle de ceux-ci devrait être en priorité de s'occuper des autres, les organisations créent des niveaux de complexité inutiles. "Une étude du Boston Consulting Group montre que le niveau de complexité endogame à laquelle est confrontée une entreprise est six fois supérieur à la complexité externe", c'est-à-dire celle liée à la réglementation ou la concurrence, explique le dirigeant d'EthiKonsulting.
Parmi les participants au Hackathon du Management, qui réunit des grandes entreprises telles que la Caisse des Dépôts, Enedis ou encore Orange, nombreux sont les managers à se plaindre de la réunionite de leur entreprise - certains ont déjà subi des réunions de plus de six heures - ou d'une culture d'entreprise plus du tout adaptée aux enjeux actuels (comme le présentéisme exacerbé ou un certain rigorisme dans les horaires).
Changer la culture managériale, un travail de longue haleine
Dès lors, comment remédier à cette situation ? Il n'existe malheureusement pas de réponse en une phrase. "Le changement de culture managériale est un travail de longue haleine", assure Frédéric Rey-Millet qui met cependant en garde : "Réinventer le management, c'est de la novlangue. Cela ne veut rien dire ! On ne réinvente pas un concept mais on améliore une pratique ".
Un meilleur management passe par plus d'autonomie pour ses équipes, ce qui les rend généralement plus responsables et plus productifs. A condition, toutefois, que la transition se fasse en concertation avec eux : imposer de l'autonomie à quelqu'un ne le rendra jamais plus productif.
Pour Carl Azouri, fondateur de l'entreprise de services numériques Zenika, pour bien manager ses équipes, il faut réussir à faire naître chez eux une motivation intrinsèque. Cela passe par trois aspects : "donner du sens à leur travail, leur montrer que celui-ci a un impact, et leur manifester de la reconnaissance".
Frédéric Rey-Millet invite cependant à se méfier des modes : "Aujourd'hui, tout est dans l'équipe et le collectif. Mais l'individu a besoin d'exister aussi. C'est lui qui contribue au collectif, pas l'inverse."
Ne pas confondre profils d'experts et profils de managers
Obtenir un meilleur management dans l'entreprise passe aussi par un meilleur recrutement des managers. "Son rôle consiste à faire faire plutôt qu'à faire, affirme l'organisateur du Hackathon. Les meilleurs experts ne devraient pas être managers, mais vice-présidents".
Si les managers ont besoin d'avoir l'expérience du terrain pour connaître les missions de leurs équipes, ils ont surtout besoin de qualités humaines qui leur permettre de comprendre les autres, pour les faire travailler ensemble. Or, ces profils ne sont pas forcément mis en avant. De nombreux managers confirment d'ailleurs que, dans leur entreprise, l'évolution de sa carrière passe forcément par le management si l'on veut accéder à de plus hautes responsabilités. Même quand on n'a aucun goût pour ce type de poste.
C'est d'autant plus vrai en vente : un très bon commercial n'aura pas forcément l'esprit d'équipe, et pourra se révéler exécrable comme manager. Or, ce sont souvent ces profils à qui l'on confie ensuite des équipes.
Pour Frédéric Rey-Millet, dans la vente, un élément vient aggraver la situation : "La fonction commerciale est peu reconnue en France. Un ingénieur commercial très performant est généralement propulsé manager, car il existe peu d'autres moyens de reconnaissance pour lui".
Une meilleure reconnaissance de la vente et, plus généralement, une meilleure reconnaissance des profils "experts" permettrait d'offrir les postes de management à des personnes qui ont réellement le sens du coaching et de la relation humaine.
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