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Gérer les transformations dans les directions achats grâce à l'intelligence émotionnelle

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Gérer les transformations dans les directions achats grâce à l'intelligence émotionnelle

"Les émotions étant présentes au coeur du processus de changement, leur prise en compte à partir de l'intelligence émotionnelle devient primordiale", explique Dominique Rondot.

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Nos directions achats vivent depuis quelques temps des transformations notables. Digitalisation, implémentation de suites achats, nouvelles organisations liées à des relocalisations, développement de la RSE..., les chantiers de transformation ne manquent pas. Nous vous proposons, dans cet article, d'identifier les mécanismes qui sont à l'oeuvre dans ce que l'on appelle les résistances au changement et quelques pistes pour les gérer.

A la base de toute transformation, la peur

Arrêtons-nous tout d'abord sur un principe lié à aux processus de transformation. Tout changement au sein de l'entreprise conduit vers quelque chose de nouveau donc par définition vers quelque chose d'inconnu. Or, l'émotion liée à l'inconnu, c'est la peur. Par conséquent tout processus de transformation contient son lot de peurs ou d'inquiétudes chez ceux qui le vivent. Cela est pertinent tant au niveau d'un groupe d'individus que d'une personne isolée à qui on demande, par exemple, de prendre en charge une nouvelle mission ou un nouveau portefeuille achats.

En parallèle des transformations que vivent les directions achats, nous vivons la crise de la COVID-19 et sa "sortie". Cette crise a un effet amplificateur sur le plan de l'inquiétude car une de ses principales caractéristiques est cette dimension de nouveauté, d'inconnu. Tout d'abord, le corps médical nous a répété que l'origine et la façon dont elle s'est développée était un phénomène totalement nouveau et en aucun point comparable à ce que nous avions pu connaître jusqu'à présent.

Ensuite, aucun consensus n'existe concernant la sortie de crise et la reprise qui selon les théoriciens sera en V, ou en L, ou d'une forme totalement différente. Le seul point d'accord est que personne ne sait réellement ce qu'il en est, avec, comme conséquence, l'amplification de l'effet anxiogène.

Les étapes d'un processus de changement sont clairement identifiées

La caractéristique de base de la transformation à savoir, la gestion de l'inquiétude étant posée, regardons maintenant quelles sont les étapes d'une transformation ou d'un changement. Ces étapes sont similaires à celles du processus de deuil qui a été développé par le Dr Elisabeth Kubler Ross. Elles sont au nombre de cinq, il s'agit du déni, de la colère, de la négociation, de la dépression et enfin de l'acceptation.

C'est en passant par ces étapes que les individus peuvent réellement intégrer une transformation, un changement, et accepter pleinement une nouvelle organisation, une nouvelle façon de travailler.

Ce qui ressort immédiatement à la lecture de ce processus, c'est que les émotions sont présentes à quasiment chaque étape, y compris dans la phase de déni. Car nier l'émotion ne veut pas dire que celle-ci n'existe pas, cela signifie simplement que la personne n'est pas en contact avec elle.

Les émotions étant présentes au coeur du processus de changement, leur prise en compte à partir de l'intelligence émotionnelle devient primordiale.

L'intelligence émotionnelle, une définition

Donnons maintenant une définition de l'intelligence émotionnelle. Selon Salovey et Mayer, qui ont été parmi les premiers à mettre en lumière ce concept dans les années 90, il s'agit de "l'habileté à percevoir et à exprimer les émotions, à les intégrer pour faciliter la pensée, à comprendre et à raisonner avec les émotions, ainsi qu'à réguler les émotions chez soi et chez les autres". D'après les travaux de Paul Ekman (Psychologue et Antropologue), il existe six émotions de base (1972). Ce nombre a été réduit à quatre plus récemment par des chercheurs de l'Université de Glasgow qui identifient la colère, la joie, la peur et la tristesse, tous les autres sentiments étant composés pour partie de ces quatre émotions de base.

La définition de Salovey et Mayer met en avant deux dimensions essentielles dans la gestion des émotions : la capacité à gérer les émotions de l'autre et à piloter nos propres émotions.

Éviter les erreurs de base dans tout processus de transformation

Prendre en compte ou accueillir les émotions des autres, d'un groupe dans un processus de transformation est fondamental et il convient d'éviter deux erreurs.

- La première erreur consiste à rationaliser et à expliquer et réexpliquer que le changement est utile pour telle ou telle raison. Et plus nous "argumentons" ou expliquons, plus l'autre se bloque. Selon un principe de communication mis en évidence par Paul Watzlawick de l'école de Palo Alto, "un peu plus de la même chose produit un peu plus du même effet". Plus nous rationalisons, plus l'autre résiste.

- La deuxième erreur consiste à rassurer l'autre en lui disant qu'il n'a pas à s'inquiéter, que le changement va bien se passer. Ce faisant, nous nions l'émotion de l'autre, nous faisons comme si elle n'existait pas ce qui conduit également à un blocage.

Laisser la possibilité à un groupe d'exprimer ses émotions, que ce soit sa peur ou sa colère dans un processus de transformation est une étape clef, qui bien souvent n'est pas prise en compte. Cela a pour conséquence des durées de passage d'un mode d'organisation à un autre par exemple qui traînent en longueur.

Adoptons maintenant un angle de vue plus "micro", centré sur l'individu lui-même.

Lire la suite en page 2 : Être en contact avec nos émotions, une priorité / L'intelligence émotionnelle, ça se travaille !


Être en contact avec nos émotions, une priorité

Gérer les émotions, c'est également être capable de gérer nos propres émotions qui peuvent, lorsque leur intensité est trop forte, nous amener à cesser de penser de façon claire.

Il existe ici une erreur courante qui consiste à essayer de nous couper de nos émotions, de devenir un "animal à sang froid". Cela déclenche ce que nous appelons le Super Effet Boomerang ou effet "cocotte minute". La personne se coupe de ses émotions, mais celles-ci sont toujours présentes et continuent à monter en pression ou en intensité, jusqu'au moment où il devient impossible de ne pas les sentir et impossible de les contenir. Ce "coup d'état des émotions" conduit alors l'individu à adopter des comportements complètement inappropriés à la situation : coup de colère, blocage, agressivité...

Il est donc indispensable de sentir la montée progressive de nos propres émotions et cela est possible en étant attentif à trois indicateurs :

- L'indicateur physiologique : la colère se manifeste chez chacun d'entre nous de façon somatique et différente (douleur particulière à un endroit, bouche sèche, accélération des battements cardiaques...) Être à l'écoute de notre corps nous permet d'identifier la montée de l'émotion et de la traiter à un moment où son intensité est limitée, à un moment où cela est encore possible

- Les pensées obsessionnelles sont ces pensées qui tournent sans cesse dans notre tête quel que soit l'instant. Elles sont à considérer comme un indicateur fort d'une émotion qui est en train de se développer

- La position de juge ou de victime : derrière chaque formulation de critique (dans notre tête ou verbalement) à l'égard d'une personne donc à chaque fois que nous adoptons une position de juge ou derrière chaque position de victime (pauvre de moi), l'émotion est présente et se développe. Prendre conscience de cette position permet donc de prendre conscience du développement de l'émotion.

L'intelligence émotionnelle, ça se travaille !

Selon la formule consacrée, les "émotions sont de bons serviteurs mais de bien mauvais maîtres". N'oublions pas que les émotions sont utiles : un minimum de colère peut nous donner l'énergie pour nous affirmer dans une situation de la même façon qu'une dose d'inquiétude ou de peur peut nous stimuler à trouver des solutions créatives à un problème.

Au-delà de cela, les émotions constituent le ciment des relations interpersonnelles. Une relation sans composante émotionnelle ne s'inscrit pas dans le temps. C'est particulièrement important pour la fonction achats qui est avant tout une fonction de relations aussi bien internes avec les stakeholders qu'externes avec les fournisseurs.

Utiliser et développer son intelligence émotionnelle pour gérer un processus de transformation suppose que cette intelligence émotionnelle se développe. Et c'est le cas ! L'intelligence émotionnelle se mesure et se développe.

Un des outils les plus utilisés au monde est l'EQ-i (Emotional Quotient Inventory) 2.0 qui a été développé par le Dr Reuven Bar-On en 1997 après plus de 15 années de recherches. Il identifie 15 compétences précises regroupées en cinq dimensions qui sont en constante interaction. Il s'agit de la perception de soi qui a un impact sur l'expression individuelle, ce qui va conditionner nos relations avec les autres ou relations humaines mais également notre façon de prendre des décisions et de gérer notre propre stress.

Ce travail de développement sur ces 15 compétences peut aussi bien être réalisé pour un individu que pour une équipe. Le travail sur les déséquilibres entre les compétences permet aux personnes d'être en particulier plus à l'aise avec l'écoute, l'acceptation et l'expression des émotions qui, nous l'avons vu, font partie des conditions pour accompagner efficacement tout processus de transformation.

Par Dominique Rondot, dirigeant du cabinet C3S Consulting spécialisé dans l'intelligence émotionnelle, le leadership et le développement de la performance dans les négociations d'achat. Il est également chargé de cours au sein de l'Université Grenoble Alpes, dans le cadre du master Desma

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