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[Tribune] La data au coeur des enjeux de performance achats et des nouvelles réglementations

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[Tribune] La data au coeur des enjeux de performance achats et des nouvelles réglementations
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Prenant conscience de l'impact de la qualité des informations manipulées sur leur performance, la fonction accorde une importance croissante aux outils et et méthodes permettant de consolider, nettoyer, structurer et enrichir les bases.

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A la recherche d'une plus grande efficacité, les directions achats les plus matures cherchent aujourd'hui à générer un maximum de performance de leurs systèmes d'information. D'abord en déployant des outils sur un périmètre étendu et en encourageant leur utilisation à grande échelle. Mais aussi en renforçant la qualité de leurs données, dont l'importance a parfois été négligée. Prenant conscience de l'impact de la qualité des informations manipulées sur la performance de leurs outils et la pertinence des résultats obtenus, nombre d'entreprises se sont d'ailleurs dotées d'organisations spécialisées sur la question (Schneider Electric, Vinci, etc.) et mis en place une gouvernance dédiée.

Cette prise de conscience touche notamment les informations relatives aux produits et services achetés. Mais aussi, de plus en plus souvent, les informations concernant les fournisseurs, domaine sur lequel la marge de progrès reste la plus grande. Dans de nombreuses entreprises, ces informations restent fréquemment éparpillées, cloisonnées dans des silos organisationnels, voire parfois délaissées, sans réel processus de gestion ni gouvernance. Et lorsque, par ailleurs, les sources sont disparates (langues, hétérogénéité des bases, granularité, classifications différentes, taxonomie, etc.), les équipes achats perdent en visibilité et donc en fiabilité. D'autant que les fonctions achats ont des missions de plus en plus transverses et que leur capacité à agir sera dès lors directement liée à la fiabilité et à la complétude de l'information dont elles pourront disposer sur leur périmètre d'activité.

Les achats prennent la mesure du problème

Signe de l'évolution dans ce domaine, les responsables informatiques et décisionnels ne seraient plus incontournables sur le sujet, selon plusieurs études. La gouvernance des données et des capacités analytiques sous-jacentes tendrait à juste titre à devenir partagée, voire à relever exclusivement des directions métiers. Ainsi, sans attendre que le chantier leur soit imposé, les directions des achats commencent à prendre seules la mesure du problème, comprenant qu'il ne suffit pas de déployer des outils informatiques pour mieux piloter le processus métier, y compris des outils d'analyse censés faciliter les prises de décision.

Pour optimiser leur performance, un pilotage des données s'impose ! Les années de crise et la globalisation de l'économie ont accentué ces dix dernières années la pression sur les achats, dont le rôle s'est renforcé, avec des axes d'action stratégiques recentrés sur la maîtrise des dépenses (couverture achats, conformité, renforcement de l'environnement concurrentiel fournisseurs), la gestion du risque et l'optimisation de l'efficience opérationnelle. Le lancement de stratégies d'amélioration sur ces trois plans a logiquement conduit les achats à s'intéresser davantage aux informations dont ils disposaient pour effectuer des analyses préalables à l'identification de leviers d'actions, et donc à la qualité des données sous-jacentes.

Plusieurs autres facteurs expliquent aussi l'intérêt porté au sujet par les entreprises. Des facteurs externes, comme la multiplication des sources, l'explosion des données non structurées, l'augmentation des échanges interentreprises. Ou encore les évolutions règlementaires telles que Reach (règlement contre les risques liés aux substances chimiques), Sapin 2 (loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) ou le Règlement général sur la protection des données (RGPD) entré en application en mai dernier. Mais aussi des facteurs internes : contribution croissante des systèmes d'information à la prise de décision, hétérogénéité des plateformes, évolution structurelle de l'entreprise (fusion-acquisition, externalisation, etc.), hausse des volumes de données collectées, structurations des référentiels métiers.

L'analytique achats intègre la mise en qualité

La direction des achats est de plus en plus souvent en pointe dans le déploiement de dispositifs dédiés à la capture et à la mise sous référentiel qualité des informations fournisseurs. D'ailleurs, les sociétés proposant un outil ou un service externalisé de structuration des données sur les entreprises, telles BvD (Bureau van Dijk), Easypics ou IAvenir, seraient de plus en plus confrontées à des problématiques achats, pour compléter et fiabiliser les bases fournisseurs de leurs clients. Et sur le marché des solutions digitales pour les achats, la plupart des outils d'analyse des dépenses, de mesure de la performance et de pilotage des risques incluent aujourd'hui des fonctions et des services d'agrégation, de nettoyage et de normalisation des données multi-sources.

Quelle que soit la démarche adoptée, les gains à attendre d'une mise en qualité des données apparaissent aujourd'hui évidents aux équipes achats. Si des données incomplètes ou peu précises entraînent des retards ou des erreurs, et in fine une augmentation des coûts, un système fiable et efficace permet de se mettre dans les meilleures conditions d'exécution du processus, en particulier pour négocier et renégocier. A un instant donné, mais surtout sur le moyen et long terme. De ce fait, malgré sa durée, son périmètre et sa complexité, un projet de mise en qualité des données est généralement soutenu par les équipes achats car identifié comme nécessaire pour réduire la charge de travail d'activités à faible valeur ajoutée et pour améliorer la performance achats : davantage de réactivité et d'agilité, une visibilité en temps réel, un reporting et des échanges facilités, etc.

Lire la suite en page 2 : Un audit et une mise en qualité en trois temps - Enrichissement et surveillance automatisée


Un audit et une mise en qualité en trois temps

Comment ajouter une dimension qualité aux dispositifs traditionnels de collecte et de gestion des données ? La première étape consiste à réaliser un audit, pour recenser et évaluer les données existantes au sein de l'entreprise, ainsi que celles qui ne sont pas forcément gérées en interne mais qui sont requises ou utiles pour les achats et collectées souvent de façon dispersée et sans règle. L'audit mettra également en évidence les principaux problèmes de qualité de ces données : erreurs de format (type de caractère, longueur de champ, etc.), données incomplètes, inexactes, manquantes, en double, etc. Il permettra aussi d'identifier les causes racines à l'origine de ces aléas de qualité : problèmes liés à l'informatisation du système de gestion (erreurs de programmation, de migration, de conversion, etc.), humains (erreurs de saisie, de ventilation, d'extraction, de modification dans une base, etc.), organisationnels (introduction de données externes erronées, saisies multiples, absence de langage commun, etc.) ou liés aux sources de données qui manquent elles-mêmes parfois de fiabilité et de complétude. Pour les données fournisseurs, ce travail d'audit vise essentiellement à répondre à des questions de base relatives à leur origine, l'utilisation qui en est faite, les opérations de transformation ou d'enrichissement effectuées, la codification utilisée, les processus de mise à jour et l'organisation mise en oeuvre.

L'audit réalisé, le traitement proprement dit de mise en qualité peut commencer, en trois temps : dédoublonnage, codification, consolidation. Pour supprimer les doublons, il est possible de combiner l'utilisation d'outils spécialisés, en interne, et de banque de données externes comme Altares (Dun & Bradstreet), BvD Electronic publishing, Ellisphere (ex Coface Services), Docapost, Infogreffe, Pouey International, Tessi, etc. ou de plates-formes agrégeant des informations enrichies et mises à jour, à partir de différentes sources : sites internet, réseaux sociaux, Business networks (Basware, Coupa, Proactis, SAP Ariba, etc.), "data providers", etc. Sans oublier les bases en Open data, comme le répertoire Sirene, disponible gratuitement depuis début 2017, qui recense les données d'identification de toutes les sociétés françaises et de leurs établissements sur le territoire.

L'entreprise peut également recourir à un prestataire spécialisé dans ce type d'opération, sur site ou par envoi régulier des données sous forme brute. Son travail consiste à appliquer un mode de classification en s'appuyant généralement sur des taxonomies spécialisées telles Duns (données fournisseurs) ou des standards de type eCl@ss ou UNSPSC (données produits ou services), avec le niveau de finesse approprié en fonction des besoins des achats, et à détecter d'éventuelles anomalies. Chaque nature de données (fournisseur, produit, etc.) peut ensuite être identifiée par un code unique, et donnera lieu à une mise sous contrôle avec un processus rigoureux et spécifiquement adapté.

Enrichissement et surveillance automatisée

Ces traitements peuvent aussi être l'occasion d'enrichir les données. En plus de remettre de la qualité dans les données administratives sur les fournisseurs, certains prestataires proposent d'ajouter des informations sur leur activité ou leur actionnariat, sur leur niveau de risque, les aider sur les problématiques Sapin 2 et de vigilance, en s'appuyant sur des bases d'entreprises tierces, à travers des partenariats. Il est également possible d'introduire des évaluations, basées sur un système de notation, à travers des questionnaires couvrant des critères comme la qualité, le prix, les délais ou le respect des obligations de vigilance. Ou d'ajouter des commentaires pour enrichir et argumenter les notes attribuées.

Sur ce marché, comme les autres, la dernière innovation est liée à l'arrivée des technologies d'intelligence artificielle (IA) et de blockchain. Que ce soit dans les outils d'ETL (Extract, Transform, Load) utilisés pour l'extraction-transformation contrôle puis le chargement et le transfert des données vers les systèmes cibles, qui évoluent vers l'ETQL en intégrant le "Q" de quality, ou dans les solutions digitales achats, l'IA apporte un niveau d'automatisation supplémentaire. En plus de prendre en charge les tâches élémentaires et récurrentes de mise en qualité, l'intégration d'outils d'intelligence artificielle doit surtout permettre de détecter au plus tôt les dérives, voire de les anticiper. En s'intéressant à ces technologies, les entreprises veulent limiter le mode réactif, consistant à intervenir lorsqu'une erreur est détectée, et passer en mode proactif, pour analyser et traiter les données dès leur injection dans le système d'information. L'IA doit aussi faciliter le contrôle de conformité vis-à-vis des nouvelles réglementations, que les entreprises ne doivent pas ignorer, et l'accompagnement fournisseurs en termes de risques, de responsabilité sociétale, de corruption, etc.

Instaurer une démarche d'amélioration continue

D'ailleurs, au-delà des éditeurs de solutions logicielles achats ou des acteurs historiques du marché du décisionnel, de nombreuses start-up lancent des solutions pour gérer les problématiques dans ces domaines. Certaines proposent par exemple une offre de lutte contre la fraude, avec un service de vérification des coordonnées bancaires des fournisseurs, un sujet sur lequel s'est aussi positionné Acxias, en s'appuyant sur l'autre technologie montante, la blockchain. Sa solution répond à un réel besoin : garantir que certaines informations sensibles reçues par les clients émanent de sources fiables et n'ont pas été altérées à des fins frauduleuses, alors qu'il n'existe pas d'organe central jouant le rôle de tiers de confiance et que les cas de fraude se multiplient, avec des coûts élevés. Avec cette application, les entreprises clientes utilisatrices ont la possibilité de contrôler de manière hautement sécurisée et avec certitude les informations sensibles de leurs fournisseurs par le biais d'une blockchain privée sans même que les informations sous-jacentes n'y soient stockées ou détenues par un organe central. Les échanges seront certifiés et tracés grâce à l'utilisation de Smart contracts.

Pour autant, l'ensemble du processus de gestion de la qualité des données ne peut pas être automatisé. En particulier parce qu'à l'issue du projet de nettoyage et de mise sous contrôle, un dispositif de maintien en conditions opérationnelles s'inscrivant dans la durée doit être déployé et opéré en continu. Il est indispensable de contrôler en permanence le niveau de qualité et de s'assurer qu'il n'y a pas de dérive. La démarche doit donc aussi comprendre un volet organisationnel et une gouvernance, et s'appuyer sur des "indicateurs clés de valeur" permettant de vérifier que chaque objet de données se conforme aux règles métiers préalablement définies et de définir et piloter la réalisation d'actions correctrices en cas de déviance.

En synthèse, il convient de mettre en place des outils et des procédures de contrôle en vue d'instaurer une démarche d'amélioration continue, à la fois au niveau de la DSI et de la direction des achats. Et de bien communiquer auprès de l'ensemble des parties prenantes, en particulier la direction générale de plus en plus sensible aux sujets du digital, notamment pour que les investissements, les efforts et le temps consacrés à la mise en qualité des données soient reconnus comme utiles et générateurs de valeur.

Par

Bertrand Gabriel, directeur de Acxias, Digital Source to Pay Experts, et

Thierry Parisot, analyste marchés & solutions -Acxias

*Acxias est un cabinet de conseil spécialiste de la transformation et de l'optimisation digitale des achats, des approvisionnements et de la comptabilité fournisseurs. Acxias est l'auteur de l'ouvrage de référence "La Digitalisation des Achats - Enjeux, bonnes pratiques et référentiel des solutions", publié fin 2016. Plus d'informations, cliquer ici .

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