"Il existe une économie verte qui répond à la fois au développement et à la préservation des ressources"
Rencontre avec Corinne Lepage, avocate, ancienne ministre de l'Environnement et cofondatrice du Mouvement des entrepreneurs de la nouvelle économie (Mene), qui se bat, depuis des années, pour réconcilier entreprises et environnement.
Je m'abonnePensez-vous que notre modèle économique soit compatible avec le développement durable et l'écologie ? Industrie et environnement peuvent-ils vraiment "cohabiter" ?
Ce sont deux sujets différents. Le modèle économique financiarisé dans lequel nous vivons est incompatible avec le développement durable. En revanche, écologie et développement durable ne signifient pas l'arrêt de toute activité économique, bien au contraire. Les nouvelles technologies sont une partie de la solution au défi majeur qui nous est lancé. Il est une économie verte qui répond à la fois au développement et à la préservation des ressources.
Vous prônez "l'écolomie" pour "économie écologique". En quoi consiste ce modèle ?
Ce mot a été forgé, il y a maintenant plus de 10 ans, dans un livre qui s'appelait Vivre autrement. Il est composé des deux mots qui peuvent être soit une économie écologique, soit une écologie économique, au choix. Il signifie l'obligation de repenser le modèle économique dans son ensemble, ce qui implique non seulement la production, mais également la consommation, la fiscalité et la finance. C'est, en fait, une révolution économique qui ne peut reposer ni sur l'hyper-libéralisme, ni sur le financiarisme, ni sur le court-termisme.
Êtes-vous parvenue à fédérer des entreprises autour de ce concept ?
Oui. Le Mouvement des entrepreneurs de la nouvelle économie (Mene), que je préside avec Myriam Maestroni, est composé d'entreprises de très nombreux secteurs économiques. Ce sont des entreprises à mission avant la lettre et qui, précisément, s'inscrivent dans une logique économique permettant de dégager du profit, mais qui recherche le sens, intègre le long terme et s'inscrit dans une véritable responsabilité sociale et environnementale.
Quels conseils donneriez-vous à des entreprises qui cherchent à concilier business et écologie, notamment par l'intermédiaire de leurs directions achats ?
Je dirais que l'achat est essentiel dans la mesure où il conditionne la vente. Autrement dit, les exigences des acheteurs en ce qui concerne bien sûr les prix, mais surtout en ce qui concerne les questions climatiques, de biodiversité et d'utilisation des ressources, de santé et d'impact social sont essentielles pour contraindre à des changements dans les modes de production.
La société civile évolue, les consommateurs sont de plus en plus attentifs à l'impact de leurs achats, le bio gagne du terrain ... Pensez-vous qu'elle parviendra à faire bouger les entreprises ?
Certes, nous sommes en période de crise économique, et la question des prix et du pouvoir d'achat est centrale. Mais, dans le même temps, nos concitoyens sont très exigeants, et ils ont raison, en termes de santé. Et par la santé, ils en viennent à la qualité de l'air, de l'eau, et des produits alimentaires et autres qu'ils utilisent. Par ailleurs, pour les entreprises, le risque d'image lié à des produits défaillants est considérable. Ces deux mouvements vont converger et transformer le sujet.
Lire la suite en page 2 : Quel dispositif pourrait-on instaurer afin d'encourager les entreprises les plus vertueuses en termes de RSE et de sanctionner celles qui ne font pas d'efforts ?
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