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Relations donneurs d'ordre/PME, l'union fait le (bon) business

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Relations donneurs d'ordre/PME, l'union fait le (bon) business

Si la volonté de faire converger les intérêts des grands comptes et des PME existe, les barrières à franchir sont nombreuses avant d'arriver à construire une collaboration fructueuse. Enquête.

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D'un côté, les grands comptes qui ont la volonté de travailler avec les PME mais des difficultés à les sourcer, à contractualiser avec elles et à bâtir une relation pérenne, engoncées dans leurs process, leurs CGA et leur crainte du risque. De l'autre, des PME et start-up qui veulent travailler avec les grands comptes mais sans toujours parvenir à approcher les donneurs d'ordre pour faire valoir leurs compétences ni à gérer leurs contraintes. Alors, comment faire pour se rencontrer ? Pour enjamber le fossé et parvenir à travailler ensemble dans une optique gagnant-gagnant ?

Au commencement : la rencontre, et plus si affinités

Avant de poser les bases d'une relation durable et profitable tant pour le grand groupe que la PME, il faut se rencontrer et... rassurer !

Les réseaux et le networking sont les moyens les plus efficaces de faire des affaires avec les grands groupes pour 79 % des entreprises, selon ­l'­Observatoire de la relation grandes entreprises + PME innovantes 2016 du club d'affaires de l'IE-Club. Cela tombe bien, car les opportunités ne manquent pas : speed business meetings, afterworks, salons et autres conférences sont organisés régulièrement par les CCI, les pôles de compétitivité, des clubs d'affaires, des associations d'entrepreneurs ou encore par les grands comptes eux-mêmes. "Ensuite, il ne faut pas hésiter à frapper aux portes", indique Marie-Christine Rieul, vice-présidente de l'IE-Club et fondatrice d'IDEAdvanced. "Mais trouver la bonne porte est le plus compliqué, tant il est parfois difficile d'identifier le bon décisionnaire dans les organigrammes touffus des grandes entreprises", reconnaît Philippe Bouquet, secrétaire général du Comité Richelieu et dirigeant de l'ETI Atos Racks.

Le Web, une porte d'entrée incontournable

Pour pallier cet inconvénient, certains grands comptes mettent à disposition un site web consacré à leurs fournisseurs : une mine précieuse d'informations et une voie d'accès simplifiée aux acheteurs. Par exemple, Société Générale propose à tout fournisseur de s'autoréférencer sur sa plateforme Sourcing Hub.

En parallèle, certains sites jouent les entremetteurs. C'est le cas de la plateforme Innovation ouverte de Pacte PME où une quarantaine de grands groupes publient leurs appels à compétences. Toute PME peut s'y inscrire gratuitement et proposer ses compétences, en mode spontané ou en réponse à un besoin exprimé. "Nous sommes en train de construire une plateforme de coexportation où les grands comptes pourront compléter leur offre à l'export en y associant des PME, annonce François Perret, directeur général de Pacte PME. Prochainement, nous accompagnerons des PME individuellement en leur organisant des rendez-vous avec des grands comptes." Une fois n'est pas coutume, cette prestation sera payante. Autre plateforme de sourcing intéressante : Solainn, lancée en 2016 par le pôle de compétitivité Systematic Paris-Region. Via ce moteur de recherche, les acheteurs peuvent trouver innovations, produits et services. Quant aux PME, elles n'ont qu'à créer un compte et remplir une fiche.

Se rendre visible

Mais, le Web ne fait pas tout, c'est pourquoi certaines PME pratiquent la chasse en meute. L'avantage ? "Gagner en visibilité grâce à la mutualisation des moyens, répond Jean-Noël de Galzain, président de la scale-up Wallix, du pôle de compétitivité Systematic Paris-Region et du cluster Hexatrust. Nous pouvons être en haut de l'affiche quand il y a un événement dans notre secteur d'activité et même créer l'événement !" Ainsi, le cluster, qui fédère une trentaine d'entreprises, a organisé à Tunis, en mai dernier, une journée destinée à valoriser l'expertise de ses membres auprès de grands comptes locaux.

"Les concours constituent aussi une bonne solution pour entrer dans le radar des grands groupes", estime Marie-Christine Rieul (IE-Club). Et de citer l'exemple de la TPE Short Édition. Son prix, lors des Trophées de la relation grandes entreprises et PME innovantes avec Butagaz, lui a valu d'attirer l'attention de Total qui n'a pas hésité à mettre son nouveau fournisseur en relation avec d'autres grands comptes. "La collaboration avec un grand groupe ouvre d'autres portes et crédibilise, confirme Josselin Noire, dirigeant de La Conciergerie Solidaire. Être accompagné par des investisseurs aussi."

Lire la suite page 2 - Des notes pour rassurer?

Des notes pour rassurer ?

Si, pour les petites entreprises, émerger de la masse n'est pas aisé, inspirer confiance ne l'est pas plus. Les risques opérationnels et de défaillance peuvent freiner les ardeurs des grands groupes qui tentent parfois de les contrecarrer en instaurant des critères de sélection drastiques. "Ces règles tendent à s'assouplir mais le changement de mentalité est long et lent", déplore Marie-Christine Rieul (IE-Club). "Il existe toujours un risque à collaborer avec un nouveau fournisseur, reconnaît Jean-Louis Coudrillier, vice president group procurement d'Air Liquide. Nous avons élaboré une matrice de risques pour aider les acheteurs à évaluer le niveau de risque fournisseurs."

Chaque acheteur dispose par ailleurs d'un questionnaire pour évaluer ses futurs partenaires et EcoVadis, agence indépendante de notation extra-­financière, audite leurs fournisseurs stratégiques. À cet égard, les PME peuvent, dans le cadre d'une démarche volontaire, faire évaluer leurs pratiques par cet organisme, pouvant ainsi montrer patte blanche.

D'autres entreprises se positionnent comme des tiers de confiance. À l'image d'Early Metrics, agence de notation de start-up et de PME innovantes. À ce jour, la start-up a référencé plus d'un millier d'entreprises. Chacune d'entre elles est notée selon 50 critères extra-financiers. Les petites entreprises peuvent demander à être évaluées gratuitement. Seules les grandes entreprises payent pour accéder à la base de données. IE-Club est aussi sur le créneau. D'ici l'été, il va lancer l'appli Innovadvisor, le "TripAdvisor des start-up". Les entreprises référencées seront notées par leurs clients sur leur capacité à travailler avec les autres. Le service sera gratuit pour les entreprises innovantes et payant pour celles qui consultent les appréciations.

Mais le tiers qui rassure peut tout simplement être un client. "Les références, c'est bien, encore faut-il pouvoir s'en servir ! s'exclame Jean-Noël de Galzain (Wallix). De manière tout à fait incompréhensible, certains grands comptes refusent d'être cités."

Des marges de progression...

La recommandation est l'un des leviers activés par la PME innovante Ardans, "le bouche-à-oreille naturel étant efficace mais lent", selon son dirigeant, Alain Berger. C'est pourquoi il n'hésite pas, quand c'est possible, à mettre en relation ses clients avec ses prospects.

La mise en relation, c'est notamment l'un des principaux axes sur lesquels les grands comptes peuvent s'améliorer, selon le baromètre Pacte PME 2016. Air Liquide mise sur une base de données interne où sont référencés ses fournisseurs innovants : un outil de recommandation des acheteurs pour tous les acheteurs français du groupe. Air Liquide est d'ailleurs en train de mondialiser cette base de données. Et il n'hésite pas non plus à parrainer certaines petites entreprises afin qu'elles ne restent pas dans une situation de dépendance économique.

"Malgré toutes les marques de confiance que l'on peut apporter, on peut parfois regretter le manque d'ouverture de certains grands groupes pour intégrer des PME dans leur panel de fournisseurs, déplore Josselin Noire (La Conciergerie Solidaire). Ils ne prennent pas forcément le temps d'imaginer ou d'examiner des solutions créatives, comme les groupements d'entreprises qui pourtant sont une réponse pertinente." D'autant que l'allotissement, souvent présenté comme un bon moyen de favoriser l'accès des PME aux marchés, n'est entré dans les moeurs que des entreprises publiques (87 % selon le Baromètre des achats responsables 2017, contre 17 % dans le secteur privé).

Société Générale fait ainsi figure d'exception en pratiquant régulièrement l'allotissement dans ses appels d'offres et en encourageant le groupement d'entreprises. Pour l'entretien des enseignes de son réseau, la banque a incité des petites entreprises locales à se positionner via un groupement temporaire d'activité. Elles ont ainsi remporté l'appel d'offres mais également d'autres marchés. "C'est une solution compliquée sur le plan contractuel, mais c'est un passage obligé si l'on souhaite faire travailler des PME locales alors que nos marchés sont nationaux, témoigne Françoise Guillaume, directrice des achats du groupe Société Générale, qui a pour ambition d'augmenter de 20 % ses volumes d'achats auprès des PME d'ici 2019, les portant à 38 % du volume total. C'est un engagement fort mais surtout très challengeant pour nos acheteurs, qui doivent faire ­évoluer leurs pratiques."

Lire la suite page 3 - De plus en plus d'acheteurs responsables


... mais de plus en plus d'acheteurs responsables

Un changement qui est en marche dans de nombreuses grandes sociétés. Depuis février 2010, plus de 1 800 entreprises de toute taille et de tout secteur sont signataires de la charte Relations fournisseur responsables. "Adhérer à cette charte officialise sa volonté de s'inscrire dans une relation partenariale "gagnant-gagnant" avec ses fournisseurs", définit François Girard, délégué national du Conseil national des achats. Cette charte est composée de dix engagements comme le respect de la LME ou encore le choix de ses fournisseurs en appréciant le coût total de l'achat.

Next step ? La labellisation. À ce jour, 39 grands groupes ont fait ce choix. "Ce label est un gage de sérieux de nos pratiques, précise Françoise Guillaume (Société Générale). C'est aussi un outil de communication et de reconnaissance pour nos acheteurs. Enfin, c'est un instrument de mesure qui nous encourage dans notre démarche de progrès." Le label, qui sera adapté aux PME à la rentrée 2017, se base sur la charte précédemment citée.

Dorénavant, il intègre aussi les référentiels internationaux de la norme ISO 20400 "Achats responsables". "À n'en pas douter, l'apport de la norme va booster le label auprès des entreprises", s'enthousiasme Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises. Néanmoins, Jean-Louis Coudrillier, d'Air Liquide, privilégie, pour sa part, la norme : "Pour un groupe mondial, il est plus cohérent d'adopter un référentiel clair et lisible à l'international comme la norme ISO plutôt qu'un label uniquement reconnu en France."

Zoom sur La dépendance économique, un vrai casse-tête ?

Certains clients de petites entreprises peuvent être tentés de ne pas les référencer ou de les déréférencer dans le but de ­limiter le risque de dépendance économique qui pourrait leur être reproché. D'autant que ce n'est pas le seul risque encouru : le désengagement d'un grand compte peut créer le déséquilibre soudain de son fournisseur. "Cela peut constituer une rupture des relations commerciales établies, voire entraîner un recours en requalification en contrat de travail de la part des salariés du fournisseur, rappelle l'avocat Franklin Brousse. C'est un danger qui est loin d'être théorique. Travailler avec des petites structures nécessite d'accepter un niveau de risques plus élevé, mais calculé."

De nombreuses mesures peuvent être prises pour minimiser ces risques, comme celles présentées dans le rapport "Gestion des situations de dépendance des fournisseurs" (à consulter sur www.cdaf.fr) : évaluer au travers d'une matrice d'analyse, définir un plan d'accompagnement sponsorisé par un membre influent du client, créer un fonds de soutien destiné à contribuer au financement du développement des fournisseurs en situation de dépendance...

Puis viennent contractualisation et problématiques juridiques

L'étape de la contractualisation est cruciale car elle définira les futures règles du jeu de la collaboration entre le grand compte et la PME.

Selon l'article L.441-6 du code de commerce, les CGV constituent le socle unique de la négociation commerciale. "Imposer ses conditions d'achat ou de vente sans négociation est illégal", rappelle François Girard, délégué national du Conseil national des achats. Une pratique qui malheureusement persiste. Par exemple, il est encore courant d'être obligé de cliquer sur le bouton "J'accepte les CGA" pour répondre à un appel d'offres en ligne. Or, c'est illicite.

Lire la suite page 4 - Vers la simplification des contrats

Vers la simplification des contrats

Mais la donne change. "Les grands groupes acceptent de plus en plus de négocier sur la base du contrat présenté par leurs fournisseurs, constate Franklin Brousse, avocat spécialisé dans les achats indirects et innovants. La recherche d'un équilibre économique et juridique est aujourd'hui un objectif pour nombre d'acheteurs."

Les contrats standard ont également le vent en poupe dans les grands groupes. La Société Générale a ainsi rédigé 60 contrats-types en fonction des différentes catégories d'achat, dont certains, spécifiquement adaptés aux PME, ne dépassent pas la dizaine de pages. "La standardisation de la structure des contrats constitue une vraie avancée : elle n'exclut pas la négociation mais fait gagner du temps, témoigne Philippe Bouquet, secrétaire général du Comité Richelieu et directeur exécutif de l'ETI Atos Racks. Aujourd'hui, les clauses sont souvent équilibrées. Quoi qu'il en soit, les entreprises ne doivent jamais accepter un contrat défavorable et des clauses léonines. Faire valoir ses droits est légitime. Il ne faut pas avoir peur de négocier, le grand compte ne vous en respectera que plus."

Mais, dans la négociation, le rapport de force est le plus souvent du côté du client, a fortiori si c'est une grande entreprise. "La pression sur les prix est très importante, témoigne Alain Berger, dirigeant de la PME innovante Ardans. Certains acheteurs ont encore tendance à acheter des prestations intellectuelles innovantes comme si c'étaient des tonnes de granulats ! Face à la toxicité de certains grands comptes, j'ai jugé profitable de les délaisser."

Avant de signer, il convient donc d'être vigilant sur les conditions tarifaires et de règlement, sans oublier la durée et la sortie du contrat et les enjeux de propriété intellectuelle (PI). "En cas de création ex nihilo, la PI revient à celui qui crée, sauf clause de cession de droits, rappelle l'avocat Franklin Brousse. Une nouvelle pratique se développe : au lieu de solliciter les droits de PI sur ce qui est réalisé, les grandes entreprises demandent une exclusivité d'utilisation pour un temps donné. Les PME développent ainsi leur actif immatériel et peuvent chercher de nouveaux clients à l'issue de l'exclusivité."

Un contrat d'exclusivité permet de s'inscrire dans une relation sereine pendant un, deux ou trois ans, voire plus si l'exclusivité est reconduite. En revanche, pour les innovations qui touchent leur coeur de métier, les grands groupes conservent généralement les droits de PI, avec une éventuelle clause de partage.

Les spécificités du codéveloppement

En cas de création à deux ou plus, la donne juridique est plus complexe. "L'enjeu est alors le business model associé", prévient l'avocat Franklin Brousse. Qui finance quoi ? Quels sont les organes de pilotage ? Qui commercialisera ? Qui supportera l'effort marketing et de communication ? Toutes les questions doivent être évoquées, négociées et bien cadrées.

"Les entreprises doivent apprendre à travailler ensemble, ce qui ne va pas de soi, estime Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises. Au départ, les projets se présentent sous les meilleurs auspices. C'est à la fin, quand les recherches aboutissent, quand les enjeux se précisent, que la situation peut s'envenimer."

Lire la suite page 5 - La médiation des entreprise, un précieux allié


La médiation des entreprises un précieux allié

Sachez que la médiation des entreprises peut intervenir au départ du projet pour définir des règles du jeu équilibrées. D'ailleurs, elle travaille actuellement à l'élaboration de règles de collaboration entre laboratoires publics et entreprises, qui seront communiquées au second semestre.

Pacte PME a d'ores et déjà édité un "Guide de bonnes pratiques en innovation ouverte", disponible sur www.pactepme.org. "La co-innovation constitue un formidable atout concurrentiel tant pour les PME que les grands groupes, mais les PME doivent arriver à dépasser leurs peurs, souligne François Perret, directeur général de Pacte PME. Dans ce guide, nous avons compilé une série de bonnes pratiques à même d'assurer un cadre propice au dialogue, à la confiance réciproque et à un partenariat gagnant-gagnant." Par exemple, il faut anticiper les besoins en financement de la PME via les dispositions du contrat. Cela peut prendre la forme d'une clause spécifique de type upfront/advance payments, grâce à laquelle la PME peut commencer les travaux sans avancer de trésorerie.

Côté brevet, toutes les options sont envisageables : laisser l'intégralité de la PI à la PME ou opter pour la copropriété à parts égales ou non, en fonction de l'apport de chaque partie. Le grand compte peut alors prendre en charge les frais de brevet ou avancer la part de la PME, le remboursement pouvant provenir des premières ventes effectuées par cette dernière.

Des litiges réglés à l'amiable

Malgré toutes les précautions prises et la bonne volonté, des litiges peuvent survenir. C'est pourquoi des "correspondants PME" fleurissent dans les grandes entreprises. "Notre médiateur interne n'intervient que sur deux à trois cas par an, affirme Jean-Louis Coudrillier, vice president group procurement d'Air Liquide. Il est vrai que nous privilégions la proximité et le dialogue avec nos fournisseurs, ce qui limite les litiges." Avant la case procès, les entreprises peuvent faire appel à la médiation des entreprises, procédure confidentielle, rapide et gratuite. "Dans les trois quarts des cas qui nous sont soumis, les parties trouvent une solution, tout en renouant des liens de confiance", conclut Pierre Pelouzet (médiation des entreprises).

Focus

Des expérimentations pour coconstruire une nouvelle relation grands comptes/PME

Faire émerger des solutions créatrices d'emplois, tel est le but de la jeune association Lab Pareto. "Il suffirait que les grands groupes dédient au TPE et PME un minimum de 20 % de leurs achats par famille d'achats pour créer des emplois, résume Clémentine Paratre, fondatrice du Lab Pareto, déléguée nationale Relations grands comptes/PME au CJD et dirigeante de Processus. La force du Lab Pareto, c'est l'intelligence collective." Dirigeants de PME et directeurs achats y oeuvrent pour imaginer un parcours collaboratif qui sera, ensuite, expérimenté sur le terrain.

Exemple : le "Vis ma vie". Les directeurs des achats SNCF et BPCE se sont prêtés au jeu avec deux dirigeants de PME. "L'immersion d'une journée dans l'univers de l'autre fait mieux comprendre ses problématiques et ses enjeux, apprécie Clémentine Paratre. C'est le sas d'entrée obligatoire de notre parcours expérimental. Aujourd'hui, le principal obstacle à la collaboration entre petites et grandes entreprises est la mauvaise représentation que chacun s'en fait. Les postures doivent évoluer pour construire une relation saine et constructive. Nous espérons y contribuer." À noter que le Lab Pareto ouvre les candidatures de son parcours aux directeurs achats. Rens. : www.labpareto.com


Lire la suite page 6 - Délais de paiement et faillite

La différence de taille, un problème de poids !

Un fossé organisationnel sépare les PME des grandes entreprises. De fait, des obstacles se dressent sur leur route commune sans que cela soit, parfois, volontaire. Les retards de paiement en sont une parfaite illustration.

Une faillite sur quatre est la conséquence directe des retards de paiement, selon Altares. Le non-respect des délais de paiement reste le premier motif de saisine du médiateur des entreprises, soit un quart des litiges. "S'il reste des mauvais payeurs, parfois sans s'en rendre compte, les grands groupes mettent en place des procédures qui influent défavorablement sur les délais de paiement", confie Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises. "Les incidents de paiement sont rares ; ce qui est plus courant, ce sont les problèmes de contractualisation, témoigne Alain Berger, dirigeant de la PME innovante Ardans. La facturation est décalée par les retards liés à la notification des contrats."

"Être responsable, c'est prendre conscience de l'impact de ses actes, un virage pris par bon nombre de grands comptes", constate Pierre Pelouzet (médiation des entreprises). En effet, ils se dotent de plus en plus d'outils pour réduire leurs délais de paiement.

Des solutions identifiées et mises en pratique

Sur la base de l'expérience des signataires de la charte Relations fournisseur responsables, des dizaines de bonnes pratiques ont été recensées (téléchargeables sur www.economie.gouv.fr/mediateur-des-­entreprises et www.cdaf.fr). Société Générale, qui a reçu le prix Grand Groupe des délais de paiement 2016, met en pratique bon nombre de ces recommandations. Ainsi, la direction financière et la direction des achats oeuvrent de concert pour simplifier les processus et les circuits d'approbation : dématérialisation des factures et généralisation de la signature électronique, circuits d'approbation allégés (de zéro à deux validations selon les enjeux), charte facture remise aux fournisseurs et outil gratuit de saisie des factures, Tradeshift, qui fournit également une visibilité sur l'avancement du traitement des factures...

"Le chantier est énorme, concède Françoise Guillaume, directrice des achats du groupe Société Générale. Il faut à la fois conduire le changement en interne et auprès des fournisseurs." Mais le jeu en vaut la chandelle : aujourd'hui, le grand compte règle 62 % de ses factures sous 30 jours, parfois même dans la semaine, et a pour objectif de passer cette proportion à 75 % d'ici fin 2017.

"Pour payer à temps, il faut mesurer régulièrement son délai de paiement par le biais d'un tableau de bord, préconise François Girard, délégué national du Conseil national des achats. Mais pour ce faire, il faut des données fiables. Or, les PME ne sont pas toutes exemplaires." En cause ? L'écart entre la date de la facture et la date à laquelle elle est réceptionnée. "Un écart qui peut aller jusqu'à une dizaine de jours !", signale François Girard. Les PME tentent ainsi de combler leur retard de facturation ou d'anticiper le retard de paiement. "Quelle qu'en soit la raison, les entreprises ne sont pas payées plus vite, souligne Françoise Guillaume (Société Générale). Au contraire, car leurs factures sortent alors en exception." François Girard (Conseil national des achats) va plus loin : "Cette pratique fausse les statistiques des grandes entreprises et, par là même, anéantit leurs efforts en la matière. Nous gagnerions à concevoir des standards d'émissions de factures, par exemple au niveau des filières." Le Conseil de la simplification pour les entreprises et le médiateur des entreprises mènent justement des travaux conjoints en vue de simplifier et d'homogénéiser les factures. Les résultats seront connus au second semestre.

Lire la suite page 7 - Des tempos difficilement conciliables

Des tempos difficilement conciliables

Un autre obstacle à surmonter au quotidien ? Le temps. "Les PME et les grandes entreprises ne sont pas sur le même rythme, reconnaît Philippe Bouquet, secrétaire général du Comité Richelieu, et directeur exécutif d'Atos Racks, ETI industrielle. Le circuit décisionnel est lourd dans les grands groupes : conclure une affaire peut prendre de longs mois. Mais, quand la décision est prise, la livraison doit intervenir très rapidement. Ce qui occasionne des problèmes sur le cycle opérationnel. Il ne faut pas hésiter à anticiper et à évoquer avec son interlocuteur ces contraintes de production. La communication est essentielle pour travailler en bonne intelligence. Il m'est arrivé de lancer des commandes sans contrat signé. Mais être souple n'exclut pas de prendre des précautions, en se faisant notifier par e-mail, par exemple, que la commande sera confirmée ultérieurement."

Le changement d'interlocuteur au cours de la relation est une autre difficulté fréquemment évoquée par les petites entreprises. "Les process de vente sont longs et jalonnés de nombreuses réunions avec, parfois, au bout du compte, un contrat qui ne sera pas signé du fait d'un événement extérieur, comme le départ de notre interlocuteur", témoigne Josselin Noire, dirigeant de La Conciergerie Solidaire. "L'instabilité managériale et stratégique des grands comptes impacte directement les projets menés et il faut souvent reconstruire beaucoup dans la relation", déplore Alain Berger (Ardans).

La différence de taille engendre inévitablement des incompréhensions et des difficultés. Aux PME de s'adapter en affûtant leur agilité et leur patience car, de par leur nature même, les grandes entreprises n'auront jamais la souplesse des petites.

À lire : Améliorer les relations contractuelles entre clients et fournisseurs

Apporter des recommandations en réponse aux principales critiques qui sont faites aux CGA, tel est l'objectif d'un groupe de travail composé d'acheteurs, de juristes, de représentants de la médiation des entreprises et du Conseil national des achats. Ses travaux ont été publiés mi-mai et ont été soumis à des syndicats professionnels, afin qu'ils diffusent les bonnes pratiques dans leur filière. Rens. : www.cdaf.fr.

 
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