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Financement des flottes : faut-il louer en 2019 ?

Publié par Jean-Philippe Arrouet le | Mis à jour le
Financement des flottes : faut-il louer en 2019 ?

Au sein des parcs d'entreprises, la location longue durée de véhicules se taille la part du lion. Pourtant, cette formule ne constitue pas l'unique mode de détention et elle peut être challengée lors des renouvellements de contrats.

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Les jeux sont faits. Sur un total de 738 346 véhicules mis à la route dans les entreprises au cours de l'année 2018, 432 153 ont été loués en longue durée. La LLD truste ainsi 58,53 % du marché pro : un franc succès, qui est toutefois éloigné d'un monopole. Nombre de TPE, de PME-PMI et d'ETI font encore de la résistance avec une stratégie d'acquisition de leur flotte automobile. À l'instar du marché des particuliers, qui s'ouvre tout juste à la location, les petits patrons préfèrent souvent puiser dans les fonds propres ou souscrire un crédit-bail pour commander leurs véhicules de fonction.

Une page qui a été tournée depuis longtemps par les grands comptes, convaincus de l'intérêt de louer, moyennant un loyer unique associant financement du véhicule et bouquet de services. " Chez nos clients, prospects et partenaires, les modèles de financement sont restés stables en 2018, reconnaît Théophane Courau, président de Fatec Group, spécialiste du fleet management. Mais ma conviction est qu'ils vont être remis à plat pour s'ajuster dans les années à venir. " En cause, l'adoption de la nouvelle norme comptable IFRS 16 (International Financial Reporting Standards), qui s'applique depuis le premier janvier 2019.

Concrètement, elle impose de retraiter au bilan tous les contrats de location d'un montant supérieur à 5 000 € et au-delà d'un an, ce qui est précisément le cas de la LLD. Auparavant, ces loyers étaient inclus dans les charges de l'entreprise. Désormais ils doivent apparaître en dette dans le bilan consolidé, tout comme les mensualités d'un crédit pour l'acquisition d'un véhicule.

Autrement dit, la LLD perd ici un avantage sur les autres modes de détention. Certes, seuls les groupes cotés et ceux qui souhaitent le devenir sont visés par cette nouvelle obligation, mais celle-ci pourrait bien entraîner d'autres entreprises dans son sillage. L'IFR 16 apporte, en effet, une transparence supplémentaire en facilitant la lecture des comptes, particulièrement celle du niveau d'endettement réel.

Lire la suite en page 2 : L'IFRS bouscule la LLD - Limiter les dégâts - Assumer le risque du diesel

L'IFRS bouscule la LLD

Malgré ce mauvais coup porté à la LLD, le marché ne s'est pas retourné en 2018. " Tous nos grands clients n'ont pas changé de mode de financement avec l'arrivée de l'IFRS 16 ", confirme Gérard de Chalonge, directeur commercial et marketing d'Athlon France. Au syndicat des loueurs, SesamLLD, le dernier bilan balaie les inquiétudes avec une croissance de 1,86 % des immatriculations durant l'année 2018. Si l'effet défavorable de l'IFRS 16 paraît aussi limité, c'est notamment parce qu'il impacte, en réalité, une fraction des loyers.

Le retraitement comptable concerne uniquement la valeur à financer sur le véhicule, déduction faite des remises et, surtout, de sa valeur résiduelle. En définitive, la dette rendue visible par l'IFRS 16 ne représente environ qu'un tiers d'une facture globale de LLD. Pas de quoi, aux yeux de la plupart des entreprises, renoncer aux services qu'offre la location au profit d'autre modes de financement. " En crédit-bail ou en achat, l'entreprise doit acquérir ses véhicules, les entretenir, les revendre, alors qu'en LLD nous la déchargeons et nous prenons le risque sur les valeurs résiduelles, souligne Gérard de Chalonge. En outre, la gestion en crédit-bail nécessite une personne pour 150 à 200 voitures, contre une pour cinq cent voitures lorsque nous optimisons ce taux avec le client. "

Malgré la force de tels arguments, l'IFRS 16 pourrait impacter l'attrait pour la LLD dans les mois à venir pour un autre motif. La nouvelle norme comptable oblige, en effet, les loueurs à retraiter leurs informations financières pour les restituer à leurs clients de manière détaillée, au fur et à mesure des livraisons et des restitutions de véhicules.

Un effort de transparence qui autorise un meilleur suivi des cartes grises en temps réel. Indirectement, il a aussi pour conséquence d'attirer l'attention des gestionnaires de flottes sur un poste de dépense jusqu'alors discret : le loyer financier des véhicules. " Avant, le coût financier était un paramètre anecdotique dans le TCO. On travaillait sur d'autres postes d'optimisation. Et sur des flottes inférieures à quelques centaines de véhicules, les loueurs ne communiquaient pas toujours sur le financement de l'actif ", rappelle Théophane Courau.

Pour un gestionnaire, la remontée de ces data représente une double aubaine : observer sur quelle partie de la prestation son loueur réalise l'essentiel de sa marge (le financement ou les services), mais aussi mesurer la compétitivité des taux qu'il lui applique. Et, dans certains cas, constater que le financement bancaire auquel l'entreprise a accès par ses propres moyens pourrait s'avérer plus compétitif. " On peut remettre tout cela à plat avec son loueur et faire évoluer son modèle en services comme en financement ", préconise alors Théophane Courau.

Lire la suite en page 3 : Limiter les dégâts - Assumer le risque du diesel

Limiter les dégâts

Parmi les clients susceptibles de faire des infidélités aux loueurs figurent les utilisateurs de véhicules utilitaires. Le motif du divorce étant le montant des frais de restitution, qui peuvent atteindre des sommets dans certains secteurs tels que le bâtiment ou les travaux publics. Sur les chantiers, les mauvais coups sur les carrosseries sont inévitables. Or, ils se paient au prix fort au moment de rendre les clés des fourgons au loueur.

Dans ce cas de figure, l'IFRS pourrait être une raison supplémentaire pour que certains gestionnaires envisagent d'acquérir leurs véhicules plutôt que de les louer. Spécialisé dans le bâtiment et le génie climatique, le Groupe Hervé n'a pas attendu l'IFRS 16 pour sauter le pas. Son parc compte 2 000 véhicules, dont 80 % de VUL entièrement financés en acquisition. Trois arguments plaident en faveur de cette option.

Tout d'abord, la taille respectable de la flotte offre des marges de négociation avec les constructeurs. Deuxièmement, pour conserver une maîtrise des coûts de maintenance, sans en supporter la gestion, le Groupe Hervé a confié l'entretien de ses VUL à Fatec.

Dernier point sur lequel se fonde cette alternative à la LLD : des durées de détention plus longues. " Nous faisons en sorte que nos véhicules utilitaires durent le plus longtemps possible selon les usages, résume Nicolas Matos, responsable du service Logistique.

L'amortisse­ment d'un fourgon est étalé sur cinq ans, nous retrouvons ensuite une rentabilité entre la cinquième et la septième année de détention. Au bout de sept à huit ans d'utilisation, le véhicule a parcouru généralement plus de 200 000 kilomètres et nous constatons que son coût d'entretien devient supérieur à l'avantage que procure son amortissement. Alors son renouvellement devient une évidence. " Concrètement, pour un fourgon lourd, le budget annuel représente environ 8 500 € sur les cinq premières années (incluant l'amortissement bien sûr, mais ­également le carburant, l'entretien et l'assurance). Au-delà de la cinquième année, ce budget se retrouve divisé par deux.

Cette équation économique, qui donne des résultats satisfaisants pour l'entreprise, ne signifie pas que la LLD est hors course. De fait, le Groupe Hervé continue à louer les voitures de fonction de ses managers. " La location de nos VP est rentable à partir de 30000 km par an ", explique Nicolas Matos.

Lire la suite en page 4 : Assumer le risque du diesel

Assumer le risque du diesel

" Dans un grand parc, la bonne pratique consiste à définir les modes de financement selon les types de véhicules ", analyse Theophane Courau. Sur des VP peu exposés, la location conserve souvent une longueur d'avance. Comme l'explique Gérard de Chalonge : " La LLD est économique pour des conducteurs parcourant plus de 15 000 kilomètres par an. En revanche, le crédit-bail ou l'achat intéresseront un artisan qui effectue moins de kilomètres et qui n'a pas besoin de services. Pour des très petits rouleurs, en deçà de 5 000 kilomètres annuels, nous ­préconisons même parfois de rester en achat ou en indemnités kilométriques. " Cependant, sur les VP, un autre motif de remise en cause de la LLD émerge : celui du coût des véhicules diesel.

Les derniers chiffres de SesamLLD révèlent que la part de marché de ce type de motorisation a chuté de 78,77 % à 67,81 % en l'espace d'un an. Un risque contre lequel les loueurs ont commencé à se couvrir en dégradant les valeurs résiduelles fin de les aligner sur celles des modèles essence. Résultat : à l'heure de renouveler les véhicules, les loyers ont été revus à la hausse. Une raison de plus pour remettre à plat son contrat et ­comparer avec d'autres modes de détention.

Certes, acquérir des véhicules diesel directement auprès des constructeurs n'est pas sans risques : lors de la revente, l'entreprise, qui ne possède pas le savoir-faire des loueurs, peut y perdre quelques plumes. Mais il existe une alternative avec le buy-back que proposent de nombreux constructeurs automobiles. Ce mécanisme, couplé à un financement en crédit-bail, garantit le rachat du véhicule, à tout moment, pour une valeur plancher fixe, qui est calculée selon une grille de fluidité. " La valeur du buy-back sera moins bonne que celle du loueur, mais elle apporte une sécurité ", pointe Théophane Courau.

Autrement dit, l'entreprise se ménage plusieurs portes de sortie : conserver ses ­véhicules plus longtemps qu'en LLD, les revendre si d'aventure le marché redevient favorable ou les faire racheter par le constructeur, si les valeurs résiduelles du diesel ­poursuivent leur glissade. Autant d'arguments à placer dans la balance pour challenger son loueur et, ­quelquefois, l'inciter à faire mieux pour poursuivre la route ensemble.


 
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