Révélation UX Achat - Les projets digitaux, orientés vers de nouveaux besoins
La pandémie de la Covid-19 a joué un rôle d'accélérateur du changement. Les collaborations distantes, les garanties relatives aux fournisseurs concentrent de nombreuses attentes et forment aussi une étape vers la démocratisation de la RSE, décrite comme le futur grand sujet pour les achats.
Je m'abonnePlus de 82% des décideurs estiment que les solutions logicielles achats sont absolument indispensables. Plus de 62 % indiquent être insuffisamment outillés sur ce plan. Les organisations sont pourtant largement équipées en outils innovants. A quel niveau se situent alors les manquements ? A cette question, la nécessité d'enrichir les technologies en place par de nouvelles briques applicatives arrive largement en tête d'une liste de 10 suggestions (38 % des réponses mentionnées). Ces nouvelles attentes dans un contexte déjà digitalisé en grande partie est au coeur de l'enquête 2021 Révélation UX Achats réalisée par Media dell'Arte pour Décision Achats, en partenariat avec le CNA, avant l'été, sur les retours d'expérience des décideurs d'organisations de tous horizons, quant à leur rapport aux outils numériques dédiés.
Les indicateurs de la digitalisation au vert
La dynamique d'évolution vers l'intégration technologique est positive, en dépit de la crise sanitaire de la Covid-19. "La pandémie n'a fait que conforter les convictions et l'intérêt de se tourner vers une digitalisation poussée. Comme d'autres organisations, nous avons été affectés par la pénurie des semi-conducteurs. Nous avons aussi soufferts de manque de matières tels que le cuivre, l'acier, le plastique. Il est évident que les outils technologiques sont une réponse importante dans l'optimisation des approvisionnements", témoigne Joseph Peterle, directeur des achats chez Alcatel-Lucent Enterprise.
Structurellement, la contrainte d'être confinée par période a quelque peu ralenti l'avancée des projets digitaux. "Mais dans les intentions, les priorités n'ont pas changé et les dirigeants ont maintenu leur cap en la matière", constate Isabelle Carradine, associée spécialiste de la transformation de la fonction achats chez PwC France et Maghreb. Les seules initiatives de mutation digitale qui ont connu un coup d'arrêt concernent l'industrie 4.0. "L'industrie manufacturière a été beaucoup sous tension. On a observé d'importants arrêts d'usine, faute de ressources. L'urgence était donc plutôt focalisée sur la sécurisation des approvisionnements", poursuit-elle.
Les acteurs ayant déjà entamé un processus de digitalisation depuis quelques années semblent convaincus de la nécessité de poursuivre dans ce sens.
"Grâce à une approche de rationalisation, nous avons réduit notre base de fournisseurs de 15 000 à 2 000 références. Le processus Procure-to-Pay a été divisé par 2,5. Quant au délai moyen de création d'un fournisseur, il a été divisé par 3. Les bénéfices sont évidents", illustre Joseph Peterle.
Les démarches de digitalisation se sont notamment poursuivis sur les volets les plus stratégiques.
"Dans ce domaine, nous remarquons une part en croissance de 31 à 36% entre 2019 et 2020. L'écart devrait a priori être plus grand encore entre 2020 et 2021", confirme Frédéric Brousse, directeur commercial Europe du Sud chez DocuSign. Les attentes relevées dans l'enquête de Décision Achats corroborent cette tendance, puisque la gestion des plans d'action et plans de progrès concerne depuis un an 38% des projets digitaux, contre 32% des déploiements lancés il y a plus d'un an. Frédéric Brousse précise par ailleurs que le cabinet PwC prévoit que "chaque grande entreprise investisse environ 2,5 millions d'euros pour sa transformation digitale au cours des deux années à venir. Toutes catégories d'entreprises confondues, la moyenne est à 900 000 euros."
L'émergence de nouvelles priorités
La Covid-19 et ses effets néfastes ont laissé des traces dans les développements. "Depuis les premières semaines de la crise sanitaire, les responsables métiers demandent aux directions achats de pouvoir être agile, de poursuivre l'intégration de fonctionnalités technologiques innovantes, tandis que les directions générales demandent avant tout des réductions de coûts. Ces demandes peuvent paraître contradictoires, mais au final, ce n'est pas antinomique", assure Frédéric Brousse. Les fonctionnalités innovantes de gestion des risques et de smart sourcing seraient la réponse à ce dilemme. Dans ce but, "la possibilité de s'intégrer nativement dans le système achats du client fait partie des principales attentes actuelles", ajoute-t-il.
Le contexte de crise sanitaire a également précipité les pratiques et réflexions en termes de gestion de contrat et de signature électronique, du fait du travail à distance. Les solutions de gestion des modifications documentaires permettant de savoir exactement qui est l'auteur de tel changement et à quel moment (par exemple entre un acheteur, un client et un responsable juridique) gagne actuellement en popularité. Qui n'a jamais vécu le cauchemar du document word qui circule entre plusieurs parties prenantes, avec des annotations de modification qui finissent par rendre le document illisible ?
Docusign fait partie des fournisseurs de solutions intéressantes sur ce plan : plutôt que d'être échangé par e-mail, le document se trouve sur une plateforme à partir de laquelle sont apportés les changements et sur laquelle les workflows sont définis. Le document peut être adressé automatiquement à la bonne personne dans le processus de suivi. Il en ressort des gains de temps et des échanges plus productifs. "La direction achats inclut ainsi son fournisseur dans un dialogue plus clair, plus coopératif", résume Frédéric Brousse.
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Connecter les écosystèmes pour diminuer le risque
Au cours de 20 derniers mois, une multitude de donneurs d'ordre ont constaté à leurs dépens la gravité des répercussions que peut avoir le manque de connaissances des profils fournisseurs et de visibilité sur les chaînes d'approvisionnement. "Nous avons développé un outil pour aider les clients à faire du sourcing en France, quel que soit le domaine d'activité. L'intérêt est aujourd'hui beaucoup plus porté sur ce type d'outils, notamment de la part de clients ayant une dépendance forte vis-à-vis de fournisseurs étrangers", souligne Isabelle Carradine.
"La prochaine étape pour notre développement est l'intégration de partenaires dans notre démarche de digitalisation : le but est d'avoir une vue exhaustive et structurée du processus, du fournisseur à la livraison en passant par les intermédiaires, ce qui suppose de faire adhérer des partenaires à des initiatives technologiques communes", décrit Joseph Peterle. Avoir une vue de bout en bout sur les données est une étape intermédiaire chez Alcatel Lucent Entreprise, avant d'intégrer dans un second temps des fonctionnalités d'intelligence artificielle capables d'apporter des idées nouvelles. "En gestion du risque, l'évaluation des actifs en temps réel, en tenant compte des livraisons possibles, du degré de qualité, du prix peut être optimisée grâce à l'IA. La connaissance du meilleur fournisseur à un temps donné en fonction de tous les paramètres essentiels est l'une des grandes attentes futures", poursuit-il.
La notion de "Demand planning", qui rapproche les différents services, existe depuis de nombreuses années. Mais la synchronisation entre la supply chain, la logistique et les achats devient de plus en plus essentielle comme l'a montré la crise des approvisionnements en semi-conducteurs et en matières premières. Pour Joseph Peterle, "la digitalisation est le levier à disposition pour faire tomber les barrières subsistantes entre ces services".
La RSE, futur grand sujet pour les achats
Les développements de pratiques écoresponsables semblent rencontrer les enseignements tirés de la crise sanitaire. Pour Isabelle Carradine, il n'y a pas de doute, "la RSE sera le sujet majeur des prochaines années au sein des directions achats. Mais on ne sait pas trop pour l'instant qui dans l'entreprise prendra le leadership sur ce sujet stratégique." Elle se dit "peu confiante" quant à l'idée que les directions achats prennent les rênes dans ce domaine. "Le sujet est critique, notamment dans le retail par exemple, où nous avons un gros client du CAC40 en pleine évolution sur ce plan, et où la direction achats est bien plus mature que d'autres entités, qui peuvent pourtant se sentir plus légitimes. Dans l'industrie manufacturière, c'est plutôt les directions opérationnelles qui s'en emparent de la question", ajoute-t-elle.
L'enquête annuelle Révélation UX Achats souligne également l'émergence de ce sujet. Les fonctionnalités de gestion des informations RSE, des indicateurs de développement durable sont citées dans 37% des projets initiés très récemment, contre 32% pour les projets ayant débuté il y a plus d'un an.
Certains fournisseurs ont d'ores et déjà changé leur fusil d'épaule face à la demande grandissante de critères écoresponsables du côté des donneurs d'ordre.
"Nous avons élaboré des emballages avec une deuxième bande adhésive intégrée, permettant de gérer les retours de colis de façon plus écologique. Il est ainsi inutile de récupérer un autre carton, un autre élément adhésif, dans les cas de renvoi de marchandises", illustre Ulrick Parfum, directeur achats et marketing produits chez Raja, l'un des leaders européens spécialisé dans les solutions d'emballage. "86% des produits pour nos fabrications sont achetés en Europe. 95% de nos fournisseurs sont européens. Ce contexte devient aujourd'hui une valeur ajoutée pour nos clients, dans leur dynamique de développements RSE", se réjouit-il.
La technologie à la rescousse de l'écoresponsabilité
Qui dit RSE, dit également vigilance en termes d'origine de produits, de pratiques de fabrication chez les fournisseurs et en matière d'achats de prestations. Dans ce domaine, certaines marketplaces spécialisées offrent des réponses alliant pertinence et garanties. Julien Clouet, fondateur et président de LittleBigConnection, une plateforme destinée aux achats professionnels de prestations informatiques, constate que "le recours à des collaborations extérieures le temps d'une mission est en passe d'entrer dans les moeurs. La vague de digitalisation des tâches dans les organisations, ainsi que la pénurie de certains profils ont contribué à un essor important à partir de 2018. Aujourd'hui, 70% des sociétés du CAC40 sont utilisatrices de LittleBigConnection."
La plateforme a mis au point un système de contrôle automatique de la conformité des profils en ligne (validité des documents Urssaf, des extraits K-bis... "Toute personne disponible pour une prestation est forcément en accord avec les règles en vigueur", assure Julien Clouet. Soucieuse d'être pertinente quant aux compétences fournies, elle propose également des tests techniques dans le but d'affiner les profils : si l'objectif est de trouver d'un développeur Java, les compétences de la personne sont évaluées en Java par de petits exercices en ligne que l'entreprise cliente peut compléter par l'une ou l'autre question additionnelle.
"Le sourcing doit être plus créatif aujourd'hui, et les plateformes mettant à disposition des experts dans différents domaines jouent un rôle important dans ce but. Dans une étude que nous avons menée, 83% des grands groupes interrogés disent ne pas pouvoir atteindre leurs objectifs de croissance, juste parce qu'ils ne trouvaient pas les bonnes compétences dans le temps imparti", explique Julien Clouet.
La gestion des achats de prestations intellectuelles est citée dans 39% des cas par les décideurs comme une fonctionnalité en cours de digitalisation. Il y a un an à peine, ce pourcentage n'atteignait que 25%.
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Focus - Des aspects à peaufiner pour favoriser l'adoption utilisateurs
Le trio de tête des critères opérationnels synonymes de bénéfices très forts aux yeux des utilisateurs d'outils e-achats sont l'accès distant, le volet collaboratif, et la facilité d'usage. Autant dire qu'une adhésion digitale réussie au sein de l'entreprise passe nécessairement par une bonne compréhension et un accompagnement étroit au cours du projet de transformation.
L'acculturation est souvent décrite comme le coeur de cette démarche. Mais de quoi s'agit-il concrètement ? "Nous faisons un important travail de fond sur ce plan, lors du déploiement de nos solutions. Il s'agit par exemple de définir les champs lexicaux des employés. Pour certains d'entre eux, le terme "cloud"est difficile à définir et reste une notion floue. Il faut expliquer par une approche vulgarisée à leurs côtés qu'il s'agit simplement d'un ordinateur qui se trouve dans la même salle que de nombreux autres ordinateurs, loin de l'entreprise", illustre Jean Barret-Castan, fondateur et dirigeant de l'entreprise CoperBee, spécialiste de l'accompagnement de la transformation digitale des organisations.
Les explications portant sur la finalité de l'outil, sur les raisons concrètes qui justifient sa mise en place, doivent également intervenir très tôt. Il importe par ailleurs de "mettre l'accent systématiquement sur la personnalisation possible des interfaces, pour que les employés puissent s'approprier la solution dans un contexte de travail en phase avec leurs habitudes, leurs tâches quotidiennes et leurs priorités fonctionnelles", ajoute-t-il.
Focus - Des investissements insuffisants
La transformation digitale de la fonction achats s'affirme comme une réalité au fil des années. Certains domaines d'activité, comme les ESN, sont sans surprise en avance de phase sur ce plan, l'acculturation étant d'ores et déjà acquise. Les mutations constatées sont encourageantes: "le taux de digitalisation à l'heure actuelle est supérieur que les prévisions élaborées il y a 5 ans. Mais il reste encore beaucoup à faire", estime Isabelle Carradine. "En matière d'achats, les investissements sont moindres en France par rapport à d'autres pays. Au-delà de la culture du digital, on remarque que les projets de transformation concernent davantage des solutions comme Salesforce, ou des outils RH. Il existe surtout un problème de leadership. Dans l'entreprise, la direction commerciale est écoutée, la DRH également. Mais une direction achats a toujours beaucoup plus besoin de vendre ses projets et ses idées en interne pour être véritablement entendue", précise-t-elle.
Focus - Vers une signature électronique 2.0
Un virus peut en cacher d'autres. L'explosion du travail à distance liée a la pandémie du covid-19 a également provoqué une envolée des cybermenaces, tant en nombre qu'en diversité. C'est donc assez naturellement que l'attention s'est portée sur la sécurité qui encadre la finalisation des contrats. "La recherche de garanties quant au fait de s'adresser à un tiers de confiance, comme la localisation des données dans l'Union européenne ou l'obtention par le prestataire du Visa de Sécurité délivré par l'ANSSI", n'a jamais été aussi forte. Les modes de signature électronique les plus protégées sont toujours plus demandés, qu'il s'agisse de signatures avancées ou qualifiées nécessitant jusqu'à une identification vidéo (rencontre virtuelle organisée dans le but d'écarter le risque d'usurpation).