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L'utilitaire s'électrifie mais à quel prix ?

Publié par Jean-Philippe Arrouet le - mis à jour à
L'utilitaire s'électrifie mais à quel prix ?

Mieux équipées, non polluantes, les dernières générations d'utilitaires légers électrifiés font presque jeu égal avec les véhicules personnels. Pourtant, cette offre peine à trouver sa place lors des renouvellements de flottes.

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S'il devait y avoir un champion de la résilience dans l'industrie automobile, le titre 2021 pourrait aller au véhicule utilitaire léger (VUL). Ce segment de marché connaît en effet une belle santé : 31,6% d'augmentation des commandes entre janvier et août par rapport à la même période en 2020, d'après le Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA). La demande pour ces moins de 3,5 tonnes est soutenue par la reprise économique post-confinement, mais également par un renouvellement de l'offre de constructeurs. Dans un marché hexagonal dominée par Renault, Peugeot et Citroën (qui profitent d'une croissance comprise entre 17 et plus de 30%), les outsiders les plus sérieux enregistrent, eux aussi, des succès, notamment Mercedes (+ 20,24%), Ford (+ 13,22%) et Volkswagen (+ 6,69%).

Du côté des constructeurs français, au printemps, Renault a commercialisé ses nouveaux Kangoo Van et Express Van. Quant au Trafic, lui aussi revisité, les prises de commandes viennent de débuter en concessions. Celui-ci reste fidèle au diesel uniquement, alors que le Kangoo propose une alternative en essence. Mais pour rentrer dans les centres-villes à partir de 2025, ces moteurs thermiques seront trop émissifs en CO2. Les flottes en quête de motorisations électriques devront, pour quelques mois encore, se rabattre sur l'ancienne version du Kangoo ZE, toujours au catalogue (tout comme le Master ZE). La marque au losange mise surtout sur l'hydrogène avec la création d'Hyvia, annoncée en juin dernier. Cette co-entreprise avec l'américain Plug Power entend proposer des Master dotés de pile à combustible, associés à des stations de recharge. Une offre clé en main qui simplifiera l'accès des flottes à l'hydrogène. Renault a tiré les leçons d'une première tentative, initiée avec Symbio en 2019, suivie d'une centaine d'immatriculations seulement.

La course À l'électrification

L'électrification apparaît d'ailleurs comme une priorité pour tous les constructeurs dont Stellantis, où Citroën et Peugeot ont développé une gamme complète de petits, moyens, et grands fourgons 100% électriques avec des autonomies parmi les meilleures. Au catalogue de la marque aux chevrons, le ë-Jumper de Citroën (8 m³) peut embarquer jusqu'à 70 kW de batterie pour une autonomie de 340 km WLTP. Pour la catégorie H1L1*, une des dimensions les plus courantes, la charge utile est de 1 215 kg, ce qui la situe au même niveau qu'en thermique. Avantage ici aux versions avec les plus gros volumes (jusqu'à L4H3) car le permis B suffit à conduire ces véhicules de 4 tonnes (sans tenir compte du poids des batteries).

Son benjamin, le ë-Jumpy de Citroën (jusqu'à 6,1 m³) affiche des performances proches : 1 275 kg de charge utile et 330 km d'autonomie pour la version 75 kWh. Celui-ci se double d'ailleurs d'une version à hydrogène qui dépasse les 400km d'autonomie (permettant de refaire le plein de gaz en moins de 3 minutes). Quant au ë-Berlingo, toujours du constructeur Citroën (3,3 m³), sa batterie se limite à 50 kWh pour 800 kg de charge utile et 275km d'autonomie. Mais les utilitaires électriques, aussi aboutis soient-ils, réservent encore quelques surprises aux gestionnaires de flottes.

"L'homologation WLTP se fait avec le véhicule à mi-charge pour les modèles électriques", pointe Yoann Taitz, directeur des opérations chez Autovista, spécialiste de la cotation automobile. Autrement dit, l'autonomie du véhicule, une fois rempli, chute parfois de moitié. Une réalité qui vient grignoter le rayon d'action de la plupart des modèles, notamment les grands fourgons.

Des prix encore élevés

Les utilitaires électriques souffrent également de la comparaison tarifaire avec leurs homologues diesel. Malgré un repositionnement significatif (14 620 euros de moins), intervenu en 2019, le e-Crafter de Volkswagen s'affiche à 55 780 euros HT pour 115km d'autonomie WLTP, alors qu'un Crafter Van thermique de même catégorie (L3H3), aux qualités éprouvées et de puissance équivalente (140ch), est disponible à 32 900 euros HT. Et les prix des plus gros modèles donnent parfois le tournis. À l'instar du ë-Jumper de Citroën L3H2, qui s'affiche à un tarif inhabituel pour un fourgon tôlé de 81 200 euros HT (alors que le 165 ch BlueHDI de Citroën coûte 42 450 euros HT). Malgré un coup de pouce commercial donné par les constructeurs (qui ont besoin de vendre des véhicules zéro émission pour respecter la norme CAFE), les loueurs ne se battent pas vraiment pour soutenir ces modèles.

Chez Leasys, spécialiste de la mobilité, on reconnaît que ce segment du marché reste, à ce jour, marginal. La reprise ne passera donc pas par l'électrique dans l'immédiat. "Le gros sujet est celui des sociétés de messagerie qui sont demandeuses de véhicules dont certains font plus de 100 000 km par an", explique Denis Vitellaro directeur général de Leasys France. Pour ce type de clients, rien ne remplace le diesel. D'autant que les contrats de LLD qu'ils signent aujourd'hui (souvent 40 mois/100 000 km) seront échus avant que les portes des grandes villes ne se ferment à ces fourgons.

Ce qui n'empêche pas Leasys France de proposer une offre électrique avec le Fiat e-Ducato, au loyer de 749 € HT pour 48 mois/80 000 km. "Le marché du VUL est polarisé entre les gros rouleurs, qui veulent du diesel, et ceux qui ne roulent pas plus que des VP", analyse le dirigeant. Tel est le cas des artisans ou des techniciens qui passent peu de temps au volant et beaucoup en intervention. "Ceux qui ont un véhicule garé pendant qu'ils travaillent peuvent être intéressés par un VUL électrique", souligne-t-il. Même si le prix, là encore, pèsera dans la balance, un Ducato diesel affichant un loyer environ trois fois inférieur à celui de la version électrique.

Le marché de l'occasion, réfractaire

Les prix catalogue n'expliquent pas, à eux seuls, les loyers élevés des utilitaires électriques. Ils tiennent également aux valeurs résiduelles et à une faiblesse de la demande d'occasion. "Le phénomène est le même que pour les VP", note Yoann Taitz, "où les électriques représentent 7 à 8% des ventes mensuelles de véhicules neufs mais seulement 0,7 à 0,8% en occasion, car les clients n'en veulent pas au prix que les constructeurs souhaiteraient."

D'après Autovista, inutile d'espérer écouler des fourgons électriques de seconde main à des prix supérieurs à 18 000 euros (d'autant qu'en ce qui concerne les diesel, dont l'offre est abondante, ce seuil est de 10 000 euros). Un décalage qui est moins marqué dans le cas des petits fourgons (dont les tarifs sont plus bas) et qui peut être atténué par le niveau d'équipement (qui contribue à une meilleure valeur résiduelle). C'est sans doute avec ce type d'utilitaires qu'il conviendra de commencer l'électrification des flottes, dont l'exigence vient d'être rappelée par la récente loi Climat.

LLD ou crédit-bail ?

Dans les grandes entreprises, le choix de la LLD ne se discute quasiment jamais. Mais dans le cas des utilitaires électriques, les acquérir en crédit-bail permet de les amortir sur un temps plus long et de les revendre (moyennant une option d'achat de l'ordre de 10% de la valeur), en faisant parfois un petit bénéfice. Cette formule permet également d'échapper aux frais de restitution parfois élevés. Revers de la médaille : l'entreprise assume le risque financier de la revente et elle devra prendre le temps de s'en charger. À moins de disposer d'équipes internes suffisantes ou d'avoir des VUL avec des équipements onéreux (par exemple une grue sur un plancher cabine très prisée en VO), le jeu n'en vaut sans doute pas la chandelle.

Anticiper des retards de livraison

Mieux équipés, les VUL intègrent des semi-conducteurs. Or, leurs difficultés d'approvisionnement en Asie sont à l'origine d'interruptions de production. Par conséquent, les acheteurs pressés devront faire preuve de souplesse en choisissant d'autres modèles oufinitions en stock. Chez Mercedes, l'arrivée du nouveau Citan, vient de se traduire par un bond des ventes de 72%... de l'ancien modèle, car les clients ont préféré sécuriser leurs achats avec des véhicules disponibles. Un choix d'autant plus pertinent que les constructeurs privilégient l'approvisionnement des chaînes de VP. Pour les entreprises dont le besoin est urgent, il reste les VUL d'occasion dont les prix ne cessent de grimper sous l'effet de cette crise.

* La codification LH correspond à la combinaison longueur (L) et hauteur (H). Ces deux échelles de mesure débutent à 1 (par exemple pour le L1H1) et vont jusqu'à 4 pour les véhicules les plus volumineux.

 
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