Nouvelle fiscalité automobile : les décideurs sont-ils prêts à franchir le cap ?
La réforme de la fiscalité des flottes automobiles, mise en oeuvre en 2025, rebat les cartes pour les entreprises. Entre durcissement des malus, disparition progressive des exonérations pour les hybrides rechargeables, et introduction d'une taxe incitative annuelle, les organisations doivent réviser en profondeur leurs stratégies de mobilité. Cette nouvelle donne fiscale s'accompagne d'opportunités, mais aussi de contraintes fortes qui interrogent la capacité des décideurs à s'adapter rapidement.

Depuis le 1er mars 2025, les entreprises gérant plus de 100 véhicules sont soumises à une nouvelle taxe annuelle incitative (TAI), visant à accélérer l'électrification des flottes. Elle impose un objectif minimal de 15 % de véhicules à faibles émissions, seuil qui progressera jusqu'à 48 % en 2030. Parallèlement, le malus CO2 se durcit, avec un déclenchement abaissé à 113 g/km et un plafond de 70 000 €. Les véhicules hybrides rechargeables, autrefois favorisés, perdent progressivement leurs abattements, accentuant la pression fiscale sur les modèles thermiques. S'ajoute à cela une redéfinition des critères d'éligibilité des véhicules de tourisme qui modifie les règles de déductibilité des amortissements et des charges, incitant à une analyse encore plus fine de la composition du parc.
Nouveaux critères d'arbitrages pour les gestionnaires de flottes
Ces réformes modifient en profondeur les critères d'arbitrage des gestionnaires de flotte. L'enjeu ne se limite plus au coût d'acquisition. Il s'agit d'intégrer les émissions de CO2, le score environnemental, l'usage réel du véhicule et la fiscalité globale (amortissements, avantages en nature, déductibilité, etc.). Cette complexité grandissante oblige les entreprises à déployer des outils de pilotage plus avancés, capables de modéliser l'impact de chaque décision sur les coûts totaux, y compris les incidences fiscales indirectes.
Renforcer le dialogue interne, une priorité
Les directions financières (DAF), achats et RSE ont saisi les implications stratégiques de ces évolutions. La plupart ont engagé une réflexion sur la structure de leur parc automobile et les objectifs à atteindre d'ici à 2030. Toutefois, peu ont déjà mis en oeuvre une stratégie pleinement opérationnelle. Les arbitrages internes restent complexes, entre contrainte budgétaire, attentes des collaborateurs et exigences RSE. La transversalité du sujet suppose un dialogue renforcé entre les fonctions internes, car la gestion de flotte touche à la fois aux ressources humaines, aux finances, à la responsabilité sociétale et à la politique environnementale de l'entreprise.
Les directions RH et fiscales commencent également à mesurer l'impact de la réforme sur les avantages en nature des véhicules de fonction. Les salariés concernés verront leur base imposable augmenter significativement, affectant leur pouvoir d'achat et la politique de rémunération globale. Ce réalignement entraîne des tensions nouvelles dans les politiques de rémunération, rendant indispensable l'évaluation des impacts sociaux des choix de flotte.
De nombreux achoppements en ligne de mire pour les fleeters
Les entreprises rencontrent plusieurs difficultés à intégrer ces nouvelles règles. L'infrastructure de recharge demeure encore insuffisante, notamment hors des grands centres urbains. La maturité technique hétérogène des véhicules électriques limite leur usage dans certaines activités professionnelles intensives. La complexité fiscale croissante exige des compétences nouvelles en interne. Enfin, le coût de déploiement initial lié à l'acquisition, à l'installation de bornes ou à la formation peut apparaître comme un frein. Le poids de l'incertitude réglementaire renforce cette frilosité. Les entreprises redoutent de s'engager dans une direction qui pourrait être remise en cause ou alourdie par de futures réformes fiscales.
Transformer les habitudes et trouver des alternatives de mobilité
Pour faire de cette contrainte fiscale une opportunité de transformation, les entreprises peuvent s'appuyer sur une approche structurée. Un audit complet de leur flotte est nécessaire, en analysant le coût total de possession, les usages réels et les émissions associées. Modéliser les impacts fiscaux de différents scénarios d'évolution du parc permet de projeter les coûts et les bénéfices. Il est aussi pertinent d'explorer des alternatives telles que le crédit mobilité, le forfait mobilité durable ou encore le car allowance, qui répondent aux attentes des collaborateurs tout en permettant de réduire les taxes et malus liés aux véhicules thermiques. La sensibilisation des salariés aux enjeux climatiques et financiers liés à leurs usages automobiles est enfin un levier essentiel. Cette dynamique peut être renforcée par un accompagnement au changement à travers des outils de communication interne, de formation et de simulation personnalisée de l'impact fiscal pour chaque profil de collaborateur.
Cette réforme incite les entreprises à repenser leur politique de mobilité dans une logique d'optimisation fiscale et de décarbonation. Loin d'être un simple ajustement comptable, elle engage une transformation profonde des usages et des pratiques. Les décideurs qui sauront anticiper et piloter cette transition gagneront en compétitivité, en attractivité et en résilience. Dans ce contexte mouvant, l'agilité stratégique et la capacité à déployer une vision de long terme s'imposent comme des conditions essentielles pour inscrire la mobilité d'entreprise dans un modèle plus durable, sobre et efficace.
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