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Véhicules électriques : combien coûtent-ils vraiment ?

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Voitures électriques, flotte
© malajscy
Voitures électriques, flotte

Plus chers que les thermiques, les véhicules électriques sont réputés plus économiques à l'usage. Pour être complète cette équation doit aussi intégrer des coûts annexes qui sont encore mal maîtrisés, liés à leur cycle de vie et à leur batterie.

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C'est ce qui s'appelle jeter un pavé dans la mare. Le 28 février dernier, l'ONG Transport & Environnement publiait une étude européenne concluant que les entreprises paient trop cher les véhicules électriques qu'elles louent. En France, leurs loyers sont en moyenne 56 % plus élevés. « Les sociétés de leasing adoptent aujourd'hui des hypothèses trop conservatrices dans la fixation de leurs prix. Leurs offres reflètent l'état du marché d'il y a 5 ans, lorsqu'il y avait des incertitudes sur l'attractivité des véhicules électriques de seconde main. Cela a des conséquences très concrètes : les utilisateurs de véhicules électriques sont surfacturés et la transition vers l'électrique est entravée », expliquait alors Léo Larivière, responsable du plaidoyer électrification des flottes chez T & E France. En clair, l'ONG reproche aux loueurs de ne pas répercuter dans le calcul de leurs valeurs résiduelles, donc de leurs loyers, des niveaux de valeurs de revente qui progressent sur le marché de l'occasion. À la revente, les loueurs ont récupéré 43,4 % du prix du neuf en 2022 (contre 37,3 % en 2017), soit un niveau qui se rapproche de celui des modèles thermiques (49,8 % en 2022). Les entreprises clientes se feraient-elles tondre la laine sur le dos ? Tel n'est pas l'avis du syndicat des loueurs, SesamLLD, qui s'est fendu d'un communiqué : la valeur résiduelle n'est pas la seule variable dont il faut tenir compte. « La location mensuelle d'un VE reflète principalement des prix catalogue plus importants et des remises des constructeurs plus faibles. Le prix catalogue d'un VE étant 50 % plus élevés par rapport à celui d'un modèle essence équivalent, ce surcoût se répercute automatiquement sur ses frais de location mensuelle. Dans les conditions de marché actuelles, les loyers VE sont donc plus élevés que les véhicules thermiques, même avec un niveau similaire de valeurs résiduelles en pourcentage du prix d'origine. »

Un équilibre tendu entre prix de vente et VR

Une analyse qu'appuie Laurent Hauducoeur, responsable commercial du fleeter, Traxall France, et expert dans l'accompagnement des flottes d'entreprises vers l'électrification. « Sur des petits véhicules, l'écart de prix est considérable en raison de la part de la batterie dans le prix de vente. Pour une Peugeot 208 Allure Pack, le prix est de 25 000 € en thermique contre 38 000 € en électrique soit 50 % de prix catalogue en plus. » Cet écart se réduit sur des véhicules des segments de gamme supérieurs : « Il tombe entre 40 et 50 % sur le segment intermédiaire et il n'est plus que de 10 % sur le haut de gamme », observe-t-il.

Quant aux valeurs résiduelles, le rapprochement avec celles des thermiques est indéniable mais, là encore, l'équation économique ne paraît pas si simple. Il faut distinguer une tendance de fond d'une situation immédiate, plus volatile. « Les premières Renault Zoe avaient une valeur résiduelle à zéro donc on amortissait 100 % du véhicule sur sa durée de location, rappelle le directeur commercial. Aujourd'hui, on commence à avoir une meilleure visibilité sur ces produits, l'utilisation des batteries, la recharge... » Une tendance que confirme Lease Green, un « petit » loueur à l'échelle du marché (1 000 immatriculations par an) mais qui s'est spécialisé sur le véhicule électrique. « Quand on a démarré en 2013, les VR étaient très différentes car on ne savait pas ce que vaudraient ces véhicules dans trois, quatre ou cinq ans, évoque Larbi Marrakchi, directeur de Lease Green. Aujourd'hui, le marché a évolué, on vend en direct et en peu de temps car on sent une vraie demande. » Chez Lease Green, les petits véhicules (VP ou VUL) trouvent preneurs en une semaine contre 3 ou 4 auparavant.

Une « bulle » trompeuse

Le marché de l'occasion connaît une demande exceptionnellement élevée et les prix ont tendance à s'envoler. La pénurie de semi-conducteurs d'un côté et l'augmentation de l'énergie, donc des coûts de production, de l'autre, rendent les modèles neufs moins accessibles. Les constructeurs ajustent en effet leurs tarifs avec des augmentations supérieures à l'inflation alors que les niveaux de remise aux entreprises ont fondu. « Aujourd'hui nous sommes dans une bulle avec des VR très élevées or quand les voitures arriveront en occasion dans 36 ou 48 mois, elles auront baissé. Les loueurs anticipent ce risque au moment de la revente », décrypte Yoann Taïtz, directeur cotations et perspectives pour la France et le Benelux chez Autovista. Autrement dit, le calcul des loyers n'intègre pas des VR aussi élevées que le permettrait le marché VO actuel pour se couvrir au moment de l'éclatement de cette « bulle ». Ce qui ne manquera pas de se produire comme le montrent les secousses que provoque Tesla sur le marché hexagonal. En quelques mois, le prix d'une Model 3 y a dégringolé de 53 490 € à 36 990 €. De quoi freiner la concurrence et récupérer au passage le bonus écologique, perdu un temps. Mais le constructeur américain pourrait bien ainsi hâter la fin de l'embellie en occasion. « On assiste déjà à une forte chute des VR à 12 mois et elle va se propager à 24 et 48 mois », pronostique Yoann Taïtz. De quoi mettre plus en porte-à-faux encore l'étude de Transport & Environnement pourtant construite à partir des données d'Autovista. « Selon moi, il n'y a pas de volonté des loueurs de sous-estimer le marché », ajoute le directeur cotations et perspectives.

Un aléa sur la pérennité des batteries

« Si les VR sont proches aujourd'hui, c'est aussi parce que les loueurs ont dégradé celles des véhicules thermiques », souligne pour sa part Laurent Hauducoeur. L'arrêt annoncé de la production de ce type de motorisations en 2035, joue sans doute sur les anticipations. Certes, cette échéance paraît bien plus lointaine que celle d'un contrat de location signé pour 36 ou 48 mois. Pourtant la rentabilité complète d'un véhicule électrique s'envisage dans une perspective plus longue intégrant deux voire trois reventes successives or le recul paraît suffisant sur la longévité des batteries. « Quand on calcule une VR nous sommes au maximum à 72 mois donc nous travaillons pour aller jusqu'à 84 voire 96 mois pour être proches des périodes de garantie des constructeurs », livre Yoann Taïtz. Un horizon qui correspond à l'échéance de la garantie de la batterie. Elle est de 8 ans ou 160 000 km chez Renault comme chez Stellantis, contre deux ans pour le reste du véhicule. Passé cette échéance, que vaudront une Zoe ou une e-208 de troisième main par exemple ? Le Losange, dont l'expérience accumulée est sans égale, se veut plutôt rassurant : « Sur Zoe, la perte de capacité nominale de la batterie est de l'ordre de 2 % par an », confie Pascal Biclet, directeur marketing et expérience client du constructeur. En posant un calcul théorique (qui ne tient donc pas compte de l'utilisation réelle du véhicule), il faudrait 15 ans pour franchir le seuil critique de 70 % de capacité en dessous duquel Renault remplace la batterie dans le cadre de la garantie.

Un risque mal maîtrisé à la revente

En attendant d'avoir des certitudes sur une technologie encore jeune, le recours à la location longue durée apporte une sécurité aux entreprises. « Face aux prix catalogue élevés, la volatilité et l'incertitude quant aux valeurs de revente futures, et un accès à l'écosystème global des véhicules électriques, y compris la recharge, la LLD offre le bon niveau de simplification, de mitigation des risques et de rapport qualité/prix pour les clients professionnels et particuliers », argumente SesamLLD. Difficile de lui donner tort quand on connaît la prise de risque que représente la revente d'une voiture électrique d'occasion. Certes, il existe bien un certificat de santé, le SOH (state of health) mais sa fiabilité n'est pas certaine. En l'absence de réglementation, certains prestataires se connectent directement au véhicule alors que d'autres utilisent un algorithme. « L'Union européenne travaille à uniformiser le SOH », se réjouit Yoann Taïtz. En attendant, ce document n'est ni formalisé ni obligatoire pour une vente d'occasion. Certains constructeurs comme Renault ont compris l'importance de rassurer les acheteurs pour soutenir le marché de la seconde main. « Nous avons mis au point un certificat de batterie, disponible sur MyRenault, qui donne l'état de santé de la batterie et d'autres informations comme le kilométrage du véhicule et celui de la batterie. C'est un document officiel de la marque qui est valable trois mois », explique Pascal Biclet.

Des coûts de réparation inconnus

Par ailleurs, l'idée d'une défaillance propre aux voitures électriques qui aurait un coût pour les entreprises, n'est pas à écarter. « Nous avons eu une fois une panne de batterie sur une Renault qui a été prise en charge par le constructeur. Une autre fois, sur un véhicule PSA, le réducteur est tombé en panne », cite notamment Larbi Marrakchi qui comptabilise moins d'une dizaine d'incidents de ce type sur les véhicules électriques qu'il a immatriculés. À chaque fois la garantie a joué sans difficulté. D'autant que les constructeurs souhaitent développer l'électrique et que les recours en garantie sont encore insignifiants comparé à ceux pour des modèles thermiques. Mais qu'en sera-t-il quand les voitures électriques auront pris l'ascendant et que les pannes commenceront à peser sur l'équilibre de l'après-vente ? L'idée qu'un moteur électrique puisse cesser de fonctionner du jour au lendemain est encore un angle mort dans les contrats de LLD. En cas de grosses réparations, l'expérience du thermique montre que les constructeurs sont parfois tentés de limiter la couverture des dommages en garantie, en invoquant un problème d'usage du véhicule. Un scénario qui impose d'emblée que les entreprises respectent scrupuleusement les protocoles d'entretien. Certes, rares sont les opérations mécaniques comme la vidange ou le changement d'une courroie de distribution. En revanche, un passage en atelier (selon un kilométrage ou un intervalle de temps fixé par chaque constructeur) est requis pour s'assurer du bon fonctionnement du véhicule.

Des intervalles d'entretien à respecter

« La batterie 12v est plus sollicitée donc nous préconisons de la remplacer la quatrième année alors que nous n'avons pas cette préconisation pour les modèles thermiques », pointe Pascal Biclet. L'autre motif de suivi concerne les pièces d'usure, tels que les amortisseurs, les pneus et les freins. Si les intervalles de contrôle sont fixés, les interventions nécessaires varient beaucoup d'un conducteur à l'autre. « Les conducteurs qui ne sont pas habitués à l'électrique donnent plus de couple au démarrage ce qui use plus les pneus », observe le directeur marketing et expérience client de Renault. Les routes où l'on circule peuvent également user les trains roulants, notamment les amortisseurs, en raison du poids plus élevé des véhicules à batterie. Les réseaux de réparation indépendants qui, eux aussi, se positionnent pour entretenir les véhicules électriques, constatent une dérive des coûts d'entretien qui accompagne la démocratisation de ces motorisations : « Au début nous avions des clients pionniers qui adaptaient leur conduite en utilisant le freinage régénératif. Aujourd'hui, les nouveaux utilisateurs ne font pas toujours attention et les taux d'usure sont exponentiels », reconnaît Thomas Delome, responsable technique à la direction des opérations de Feu Vert. Les pneumatiques sont particulièrement sollicités ce qui montre l'intérêt pour les entreprises de sortir cette prestation des contrats d'entretien pour la piloter au plus juste. Les manufacturiers proposent d'ailleurs des produits conçus pour ce type de véhicules tels que le e-Primacy chez Michelin (qui revendique un gain de 7 % d'autonomie) ou le iON Evo chez Hankook (qui offre 20 % de résistance en moins que ses concurrents).

Maîtriser le coût de la recharge

La recharge constitue l'autre aléa majeur pesant sur le TCO des véhicules électrique. La promesse de faire de grosses économies par rapport à un plein de carburant pâlit lorsqu'il s'agit de recharger en itinérance. Fastened a récemment augmenté ses tarifs à 0,59 € par kWh alors que Ionity réclame 0,69 € (où 0,30 € pour les marques qui font partie du consortium). Ainsi une charge complète d'une Megane E-Tech revient à une quarantaine d'euros. Un moyen de réduire ce prix quasiment par quatre consiste à recharger à domicile pour bénéficier du « bouclier tarifaire » de 15 %. « Nous préconisons des installations de bornes au domicile des collaborateurs », insiste Laurent Hauducoeur qui accompagne ainsi une tendance apparue pendant le Covid. Mais ce chemin est semé d'embûches, notamment pour ceux qui habitent des copropriétés où le droit à la borne est encore difficile à faire prévaloir. Même les installateurs spécialisés préfèrent jouer la montre plutôt que de pousser des demandes en assemblées générales de copropriétaires. L'idée est d'attendre la réfection en cours des colonnes montantes par Enedis qui permettra d'avoir des prises individuelles sans aucune formalité. Pas de souci en revanche pour les maisons où les installations se multiplient. Le savoir-faire des opérateurs spécialisés permet là aussi quelques subtilités. « Nous pouvons facturer l'entreprise qui met la borne à disposition du salarié ou celui-ci directement avec une participation de son entreprise », explique Xavier Blin, key account manager & partnership de Zeborne. Ce prestataire propose un badge RFID qui permet au collaborateur de séparer sa consommation électrique personnelle de celle liée à la recharge de son véhicule de fonction. Reste le casse-tête du départ du collaborateur. En théorie, l'entreprise doit récupérer la borne mais rares sont celles qui le font, surtout lorsque l'installation a plusieurs années. Cependant, l'Urssaf les a récemment rappelées à l'ordre. Si le collaborateur continue à profiter de la borne chez lui, le coût d'installation devra être réintégré dans le calcul des avantages en nature, à hauteur de 25 % à 50 % selon l'ancienneté de l'équipement. Un cadeau de départ empoisonné pour l'employeur comme pour le salarié.

Willim : quand le véhicule électrique rapporte

« Les véhicules électriques ne sont utilisés que 5 % du temps donc nous cherchons à valoriser ce temps dormant auprès de RTE », résume Olivier Forcet, directeur général de Willim. Cette start-up nantaise mise sur ses algorithmes pour aider les entreprises à recharger à bon escient. « On pilote la recharge en fonction du signal d'effacement du marché », explique ce spécialiste. Autrement dit, si l'entreprise accepte de ne pas recharger sa flotte au moment où la demande en électricité est la plus forte, elle contribue à la stabilité du réseau ce qui justifie une rémunération de la part de son gestionnaire, RTE. « L'entreprise est rémunérée par rapport à la puissance de la borne, selon le signal de marché de gros avec des prix qui varient toutes les heures et nous prenons une commission sur cette rémunération », détaille Olivier Forcet. Willim reverse ensuite ce produit à l'entreprise une fois par an. De quoi amortir une partie du coût d'installation des bornes. Seule condition requise, avoir choisi des bornes communicantes. « Nous n'adressons pas les véhicules de fonction mais ceux de service ou en pool », précise également l'entrepreneur. Ce sont eux, en effet, dont les mouvements peuvent être planifiés.

Les forfaits d'entretien en font-ils trop ?

De plus en plus d'acteurs de la réparation automobile proposent des forfaits pour l'entretien des véhicules électriques. Parmi leurs prestations, on trouve surtout une longue liste de contrôles, a priori sans lien avec le moteur et sa batterie : contrôle de la climatisation, du circuit de refroidissement, des filtres d'habitacles, de la batterie d'accessoire (12v), de la pression des pneumatiques... En réalité, ces vérifications permettent de s'assurer d'un fonctionnement optimal du véhicule. Autrement dit que l'effort demandé à sa batterie de puissance soit le moins important possible.

 
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