Recherche
Mag Décision Achats
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine
En ce moment En ce moment

1994-2014 : l'environnement de travail se recompose

Publié par le | Mis à jour le
1994-2014 : l'environnement de travail se recompose

Répartition des surfaces, mobilier, nouvelles technologies : dans nos bureaux, tout ou presque a changé en 20 ans. À la tête du Laboratoire espaces de travail (LET) de l'École nationale supérieure d'architecture de Paris La Villette, Michael Fenker revient sur ces changements les plus marquants.

Je m'abonne
  • Imprimer

Les cloisons disparaissent

" Même si les entreprises continuent à aménager des espaces fermés, il y a désormais peu ou plus de cloisons ", observe Michael Fenker, directeur du Laboratoire espaces de travail. À l'origine de cette tendance, une recherche d'économies dans un contexte de mondialisation qui pèse de plus en plus sur les entreprises. Avec une tendance à l'augmentation des coûts de l'immobilier entre 1994 et 2014, ce poste, qui représentait 10 % de la masse salariale des entreprises, devient un gisement d'optimisation. Comme le souligne Michael Fenker, " les entreprises intègrent désormais les dépenses immobilières dans les critères d'évaluation de leur performance. Ces coûts sont considérés comme un levier d'économies financières. " Autrefois compartimenté par une multitude de cloisons, l'espace de travail s'unifie en de vastes plateaux, réputés améliorer la communication entre salariés. " Mais peu d'entreprises se sont interrogées sur l'efficacité de leurs aménagements, avertit le spécialiste. J'ai pu observer un accroissement de la communication mais pas toujours de la performance, très complexe à mesurer. "

Le salarié devient mobile

Avec l'évolution des pratiques managériales, moins hiérarchiques et plus orientées par équipes, et l'apparition de technologies qui mettent la mobilité à portée de tous, le concept même d'espace de travail change. Comme l'observe le responsable du LET, " nous avons assisté à l'éclatement du modèle qui prévalait jusqu'aux années quatre-vingt-dix : un poste de travail pour chaque salarié. Désormais, la technologie permet de partager son poste, et l'entreprise considère que le salarié peut avoir d'autres lieux de travail, qu'il soit en mission ou en télétravail à son domicile. " Même si le taux d'occupation des bureaux a évolué différemment selon les activités, la période 1994-2014 est marquée par une ouverture des entreprises vers l'extérieur et une adaptation de l'environnement de travail à la mobilité croissante des salariés. Les échanges entre ceux-ci et leurs employeurs augmentent grâce au téléphone mobile, à la mise à disposition de documents à distance, aux réunions virtuelles de type "confcall" et "webconf"... " Un changement managérial a ouvert la voie à cette évolution, souligne Michael Fenker. Les entreprises ont commencé à penser projets et logique plurimétier dans l'industrie automobile dès les années quatre-vingt-dix. Ensuite, cette vision s'est développée grâce aux nouvelles technologies. "

Les plateaux se ressemblent

Conséquence de la tendance au compactage de surfaces, les aménagements des espaces de travail s'uniformisent au sein des entreprises. " Avant les années quatre-vingt-dix, les aménagements étaient différents selon les services et faisaient l'objet d'études fines par département, évoque Michael Fenker. Aujourd'hui, dans une perspective de maîtrise des coûts, tous les salariés travaillent avec les mêmes outils. " La personnalisation sacrifiée sur l'autel de l'optimisation financière ? Michael Fenker observe que des équipements tels que des postes de travail ajustables en hauteur, qui sont largement répandus dans les pays scandinaves depuis 20 ans, n'ont pas encore gagné les entreprises en France. Si les postes de travail ont changé, c'est surtout pour accompagner l'apparition des innovations technologiques : démocratisation des ordinateurs portables et généralisation des écrans plats ont permis de réduire la profondeur des bureaux.



L'aménagement comme vitrine

Dans une entreprise désormais plus ouverte à l'intérieur mais également sur l'extérieur, l'aménagement des espaces de travail devient un enjeu de communication : il donne la première image, parfois déterminante, de l'entreprise. " Prendre soin de l'image qui peut se dégager des espaces intérieurs est devenu un enjeu vis-à-vis des salariés et des visiteurs. C'est même parfois un élément de la stratégie de recrutement de l'entreprise, constate Michael Fenker. Chez Google, par exemple, l'aménagement envoie un signal : celui d'un univers sans stress, qui accorde une place à l'amusement et à l'innovation. " Plus généralement, on observe un rapprochement de l'aménagement des espaces de travail avec l'univers de la maison. Pour que les salariés se sentent au bureau comme chez eux, l'environnement de travail se veut confortable et douillet. En l'espace de deux décennies, la frontière entre les sphères privée et professionnelle n'est jamais devenue aussi mince.

Un environnement de travail à maîtriser

Avec l'évolution du management et tous les moyens que les entreprises mettent à la disposition de leurs salariés, chacun peut désormais se composer un ­environnement de travail à sa mesure. Possibilité de consulter ses mails n'importe où et à toute heure, conciergerie pour récupérer ses courses ou déposer ses vêtements au pressing, révision ou lavage de sa voiture dans le parking, garde d'enfants à deux pas... Les limites spatiales et temporelles de l'entreprise d'autrefois ont volé en éclats. " Les services aux salariés s'intègrent dans une logique économique entre le collaborateur et son entreprise, qui est celle de l'autonomisation du travail, décrit Michael Fenker. L'entreprise définit des objectifs, des résultats qu'elle attend de ses salariés, mais elle se préoccupe moins qu'avant des moyens. " Une tendance portée par l'essor de la mobilité des collaborateurs et par quelques entreprises emblématiques. Au milieu des années quatre-vingt-dix, Andersen Consulting propose à ses salariés des bureaux interchangeables mis à leur disposition à la demande partout dans le monde. Pour Michael Fenker, " un rapport d'entrepreneuriat s'est instauré à l'intérieur même des entreprises : chacun doit désormais avoir l'intelligence et les compétences nécessaires pour maîtriser son propre environnement de travail. "


Une qualité durable qui progresse

Parfois vieillots, les locaux des entreprises en France ont cependant progressé en qualité entre 1994 et 2014. Comme le reconnaît Michael Fenker, " les normes d'accessibilité ont joué un rôle positif, et des efforts de rattrapage ont été accomplis, même si le parc immobilier français accuse encore du retard par rapport aux pays scandinaves ou à l'Allemagne. " Outre-Rhin, par exemple, cette question de l'accessibilité a été traitée une quinzaine d'années avant nous. Mais c'est aussi la notion de qualité durable du bâtiment qui fait encore la différence : investir plus pour mieux exploiter est un pari gagnant sur le long terme. " En observant des étages techniques en France et en Allemagne, j'ai constaté que les hauteurs sous plafond étaient 1 à 1,5 m plus hautes en Allemagne ", souligne-t-il. Si nos voisins investissent dans des locaux plus hauts ou plus larges, c'est parce qu'ils raisonnent sur la durée de vie du bâtiment, sur 25 ou 35 ans. Même si ­l'approche a commencé à changer chez nous, c'est encore un challenge.

Vers un modèle européen d'espace de travail ?

Après avoir été propriétaires de leurs locaux, les entreprises en sont désormais devenues locataires. La période 1994-2014 a consacré l'émergence des investisseurs qui construisent des bâtiments dans une logique de compatibilité la plus large possible. " Les bâtiments doivent répondre à une plus grande assiette de besoins, ils sont donc de moins en moins configurés pour un utilisateur précis ", évoque le directeur du LET. Dans ce marché devenu européen, la standardisation des logiques d'investissement se traduit par une plus grande uniformisation, et cette exigence dans la conception a des répercussions sur les aménagements intérieurs. " Dès que l'on construit des immeubles de plus de 15 mètres de large, il n'est plus possible de cloisonner. Autrefois, c'était encore le cas, car il était possible de placer des archives papier au centre des plateaux. " Désormais, avec la numérisation des documents, ce n'est plus le cas. Pour offrir des bureaux lumineux et des immeubles rentables, des aménagements ouverts s'imposent. Ici, la contrainte technique rejoint les nouvelles exigences managériales d'ouverture et de mobilité des salariés au sein de leur environnement de travail.

 
Je m'abonne

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

La rédaction vous recommande

Retour haut de page