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"Construire une société meilleure passe par une amélioration de la qualité de vie au travail"

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'Construire une société meilleure passe par une amélioration de la qualité de vie au travail'

L'Institut Great Place to Work publie chaque année un classement des entreprises où il fait bon travailler. Mais comment définir la qualité de vie au travail? Quelle est la recette pour devenir une great place to work? Réponses de Patrick Dumoulin, p-dg de Great Place to Work France.

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L'Institut Great Place to Work publie chaque année un palmarès des entreprises où il fait bon vivre. En quoi cette édition 2019 se différencie-t-elle des précédentes ?

On observe que de plus en plus d'entreprises postulent au Palmarès Great Place to Work. Nous avons eu près de 304 entreprises cette année, soit une hausse de 20 % par rapport à 2018.

C'est aussi la première année où nous publions le Palmarès des entreprises de moins de 50 salariés en même temps que les autres catégories (50 à 500, 500 à 5 000, plus de 5 000). C'est intéressant car il y a beaucoup d'entreprises qui ont été créées par des Français qui sont des structures qui grandissent, comme la société web-Atrio, SSII spécialisée dans le web qui compte aujourd'hui 70 salariés, et qui a passé la barre des 50 collaborateurs en 2018. Pour une entreprise, dépasser les 50 collaborateurs, c'est franchir une belle étape en termes de croissance.

On retrouve également, dans le Palmarès, de plus en plus d'entreprises françaises très prometteuses en termes de bien-être au travail comme Novencia, Extia, ... Elles sont de toutes tailles, et issues de tous types de secteurs (services, conseil, industrie, etc.).

De par votre expérience, estimez-vous que la qualité de vie au travail est davantage prise en compte par les entreprises ?

Oui. C'est un mouvement de fond auquel personne ne peut résister (NDLR : titre de l'édito du supplément spécial du Figaro où a été publié le Palmarès). Aujourd'hui, les attentes des salariés ne sont plus les mêmes et plus que jamais, les entreprises doivent lutter pour développer et garder leurs talents. Or, il faut faire attention car les talents d'aujourd'hui ne se réduisent pas à la génération Y.

Ainsi, chez Norauto, un talent c'est quelqu'un qui est capable de gérer une centrale d'expédition et d'animer une équipe. Ce n'est pas forcément un jeune de 25 ans. Tous les collaborateurs, quel que soit leur âge, leur genre, leur origine, ont vu leurs attentes évoluer. Bien sûr, il peut y avoir des spécificités en fonction des âges ou des générations, mais c'est avant tout le rapport au travail qui change. La qualité de vie au travail n'est désormais plus un détail superflu : c'est une vraie réflexion.

Peut-on parler d'une stratégie de QVT au sein des entreprises ?

Oui, c'est un sujet dont doivent s'emparer les directions générales. Ainsi, au sein du cabinet EY, il y a une vraie stratégie de la QVT. De même que chez SAP ou Valrhona. Je l'ai dit et affirmé, la qualité de vie au travail doit être ancrée au coeur de la stratégie des organisations pour être réellement impactante en termes d'épanouissement des collaborateurs et de performance.

Comment cette QVT est-elle définie par Great Place to Work ?

Notre vision est sociétale : il faut construire une société meilleure. Cela passe par une vision de l'amélioration de la qualité de vie au travail et aussi une transformation culturelle. Il faut faire bouger les lignes. Une organisation, à travers un leadership inclusif basé sur les soft skills (humilité, écoute), doit être capable de permettre à chacune et chacun d'exprimer son plein potentiel au sein de son entreprise. Cela joue sur la capacité des gens à innover, et les entreprises doivent être en permanence dans l'innovation pour survivre.

Comment peut-on définir une entreprise où il fait bon travailler ?

Notre définition d'une entreprise où il fait bon travailler est basée à la fois sur la perception que peuvent avoir les collaborateurs du management, de leur travail et de leurs collègues, mais aussi des leviers d'actions mis en oeuvre par la direction. Une entreprise où il fait bon travailler est avant tout une entreprise dans laquelle le projet de qualité de vie au travail est porté au plus haut niveau et incarné par tous les collaborateurs. Pour cela, l'entreprise doit avoir deux qualités essentielles : celle de permettre à ses salariés d'acquérir des qualités opérationnelles, mais aussi avoir un management empreint d'empathie et savoir faire preuve d'humilité à l'égard de ses salariés. Ces derniers sont également en attente de reconnaissance de la part de leur entreprise. Plusieurs qualités sont essentielles : faire grandir ses salariés, faire preuve d'empathie et d'humilité, témoigner de la reconnaissance, du respect, etc. Il n'y a pas de recette toute faite.

Lire la suite en page 2 : Donner des avantages (crèche, conciergerie, etc.) ne suffit-il pas ? - L'entreprise idéale n'a donc pas un profil spécifique ?... Peut-on lier qualité de vie au travail et performance économique ?


Donner des avantages (crèche, conciergerie, etc.) ne suffit-il pas ?

Non, les entreprises doivent prendre conscience que le monde dans lequel on est change et que les aspirations des salariés ne sont plus les mêmes. L'idée que la réputation de la marque d'une entreprise suffit à attirer les meilleurs talents est fausse. Si donner des avantages à ses salariés (télétravail, crèche, conciergerie, ...) est bénéfique, ce n'est pas suffisant. Il faut avoir une vraie vision de la performance économique et sociale pour tous.

L'entreprise idéale n'a donc pas un profil spécifique ?

Non. On se rend compte que quand la qualité de vie au travail est bonne dans une entreprise, cela n'a rien à voir avec sa taille, son secteur, son ancienneté ou sa localisation géographique (Ile-de-France ou région). Par exemple, Saegus, entreprise qui accompagne la transformation digitale et qui occupe la 15e place du classement (catégorie entreprise 50 à 500) a été créée en 2014. Mais on trouve aussi la société Virtualexpo (29e place catégorie 50 à 500), spécialisée dans la création de salons virtuels qui a été créée à Marseille il y a plus de 20 ans.

Ensuite, on retrouve beaucoup d'entreprises de services car les créateurs français sont de haut niveau comme Accurancy (anciennement Arthur Andersen), entreprise de services créée en 2004, qui se classe 5e dans les entreprises de 50 à 500 salariés. Enfin, et c'est un combat que l'on mène auprès des entreprises de plus de 500 salariés (car sur 12 entreprises de plus de 500 salariés, seules 2 sont dans le classement) .

Peut-on lier qualité de vie au travail et performance économique ?

Oui, c'est déjà quelque chose qui a été largement et scientifiquement prouvé aux États-Unis. À notre niveau, nous avons embauché un chercheur qui travaille spécifiquement sur ce lien entre performance sociale et performance financière, et ses premières conclusions sont très porteuses.

Ce qui est sûr, c'est qu'une entreprise où il fait bon travailler recrute mieux, a un taux de turnover plus faible (-4,5 points en moyenne), un taux d'absentéisme plus faible d'environ 1 point. Au-delà de ces indicateurs RH, être une "great place to work " impacte directement la performance commerciale (car un salarié heureux fera plus facilement un client heureux, comme on le voit dans des entreprises telles que Decathlon par exemple), et la performance financière sur le long terme.

Enfin, la France doit-elle s'inspirer d'autres pays ?

Oui. Prenons l'exemple des pays nordiques comme la Norvège qui tient compte de la parentalité en accordant des congés plus longs aux jeunes parents. Ou encore au Danemark où l'efficacité de la durée du temps de travail est davantage prise en compte que le nombre d'heures travaillées. Ce sont des cultures qui, historiquement, sont moins hiérarchiques, plus " horizontales " en quelque sorte que la nôtre.

Autre exemple, en France il est plus difficile de donner un feedback positif que dans d'autres pays, les États-Unis par exemple, car nous avons une culture profondément critique - pourtant le feedback positif est le premier levier de motivation intrinsèque des collaborateurs. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir en France.

Comment se fait le classement Great Place to Work ?

Comme chaque année, l'Institut Great Place To Work, spécialisé dans l'accompagnement de la transformation managériale et culturelle des entreprises, a dévoilé le 17e Palmarès des entreprises où il fait bon travailler en France. Ce dernier distingue les entreprises françaises de toutes tailles (moins de 50 salariés, 50 à 500 salariés, 500 à 5 000 salariés et plus de 5 000 salariés) qui sont particulièrement engagées dans des démarches de transformation et se démarquent de par la qualité des environnements et des conditions de travail qu'elles offrent à leurs salariés. Alors que certaines entreprises conservent leur place cette année (comme Mars France, Salesforce ou Wavestone), d'autres font une entrée remarquée dans le Palmarès (EY France, Ubisoft). Ainsi, le cabinet d'audit EY France monte sur la première marche du podium cette année dans la catégorie des plus de 5 000 salariés et détrône Decathlon qui était en tête du classement en 2018. De même, l'entreprise Norauto, qui fait également son entrée au Palmarès, obtient la 2e place, occupée par Kiabi en 2018. Dans la catégorie 500 à 5 000 salariés, le podium reste inchangé avec Salesforce, n°1 mondial du logiciel de gestion client, qui garde la 1re place du classement, suivi par Extia (2e) et Mars France (3e).

Le Palmarès s'appuie sur une méthodologie précise basée sur deux outils complémentaires et uniques auxquels se soumettent toutes les organisations postulantes : d'un côté, l'enquête Trust Index contenant 64 questions, envoyées à l'ensemble des collaborateurs de l'entreprise, qui compte pour 2/3 de la note finale de l'entreprise ; et de l'autre, le Culture Audit, un dossier visant à évaluer la qualité et la diversité des pratiques managériales mises en place par l'entreprise, et comptant pour 1/3 de la note finale.

 
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