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[Tribune] Massification des achats informatiques vers les centres de services: un pari gagnant

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[Tribune] Massification des achats informatiques vers les centres de services: un pari gagnant

La tendance générale des grands groupes à massifier leurs achats de prestations informatiques fragilise les entreprises de services du numérique (ESN) et tire la qualité des prestations d'assistance technique vers le bas. Mieux vaudrait privilégier la mise en place de centres de services.

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Au cours des 15 dernières années, la montée en puissance des directions achats s'est traduite, dans les grandes entreprises, par la généralisation des mêmes techniques de rationalisation à toutes les catégories d'achats. Jugées, principalement et quoi qu'on en dise, sur leur capacité à contrôler les dépenses et à contenir - et si possible réduire - les coûts, elles ont appliqué aux achats de prestations informatiques et d'assistance technique les méthodes de massification qui avaient fait leurs preuves dans les achats de matières et de biens matériels. En conséquence, les acheteurs cherchent depuis plusieurs années à consolider les traditionnelles missions d'assistance technique unitaires(1) (ATU) dans une assistance technique groupée (ATG), ce qui, du point de vue des entreprises acheteuses, présente deux avantages parfaitement alignés avec leurs objectifs prioritaires :

- Une simplification du processus achat, de la gestion des marchés et des contrats de prestations, du fait de la réduction du panel à un plus petit nombre d'ESN dûment référencées ;
- La possibilité de négocier les tarifs à la baisse avec les ESN référencées, en contrepartie de l'augmentation du volume de prestations confié à chacune.

Le revers de l'ATG pour les ESN

La première conséquence de cette approche est d'écarter des marchés de prestations informatiques des grandes entreprises les ESN de petite taille, et même de taille intermédiaire, n'ayant pas les ressources humaines suffisantes pour répondre à des besoins plus importants.

La deuxième est de pousser les ESN en mesure de répondre - en termes de volume et de compétences - à réduire leur marge en consentant les baisses de prix de journée demandées, tant pour rester en lice que pour garder leurs consultants. De plus, dans la course à la baisse au prix de journée qui prévaut dans l'ATG, les ESN peuvent encore moins qu'en ATU valoriser les prestations d'encadrement et de pilotage qu'elles fournissent néanmoins à leurs clients : l'intervention des responsables opérationnels qui vérifient que les profils sont bien en adéquation avec les besoins, la supervision des prestations, le contrôle du travail réalisé... En d'autres termes, ce que l'ESN gagne en volume à travailler en ATG, elle le perd inévitablement en marge financière, ce qui réduit d'autant sa capacité à investir dans le recrutement de profils de valeur et d'avenir, et donc à se positionner sur de nouveaux comptes - d'autant que la plupart des entreprises poussant à l'ATG entendent, comme en ATU, rester maître du choix et de la gestion opérationnelle des consultants intervenant chez elles.

(1) Placement en clientèle d'un consultant ou développeur informatique en réponse à un besoin exprimé précis, pour une durée déterminée et un coût journalier fixé d'avance.

Lire la suite en page 2 : Dépasser les limités inhérentes à l'ATG


Dépasser les limites inhérentes à l'ATG

Gros consommateur de ressources informatiques externes, le secteur bancaire est le premier à avoir expérimenté les limites de l'ATG dans sa forme basique, c'est-à-dire réduite au regroupement des prestations préalablement achetées en ATU : difficulté à alimenter et contrôler les plans de charge, à répondre rapidement aux besoins de compétences spécifiques ou ponctuels, à faire coopérer des consultants de multiples ESN, à coordonner leurs actions...

Les entreprises du secteur ont notamment compris l'intérêt de passer de la logique étroite de l'ATG, fondée sur le prix de journée et l'obligation de moyens, à un modèle davantage "orienté résultat". Elles se sont tournées vers des ESN capables de s'engager dans des partenariats de long terme en mettant en place des centres de ressources ou de compétences à même de satisfaire des besoins types et d'industrialiser les processus de réponse à ces besoins.

Les plus matures ont aujourd'hui franchi un pas supplémentaire en allant vers un modèle à la fois plus flexible et plus qualitatif : le centre de services - c'est-à-dire la mise en place par l'ESN d'une unité de production dédiée à l'entreprise cliente et réalisant sur demande les diverses tâches répertoriées et tarifées dans un catalogue d'unités d'oeuvre conjointement préétabli. Cela signifie concrètement qu'au lieu d'acheter des consultants à la journée, l'entreprise achète à son centre de services l'exécution de tâches précisément décrites, y compris en termes de délai de réalisation - charge à l'ESN d'organiser la production pour que les prestations demandées soient réalisées dans les temps et conformément aux normes de qualité contractuelles.

Chez le client ou chez le prestataire ?

Dans un premier temps, le client préfère généralement que le centre de services soit hébergé dans ses locaux. Dans les configurations plus matures, le centre de service est installé dans les locaux du prestataire. Dans ce cas, un petit noyau reste chez le client en front office pour faire le lien avec le back office, sachant que ce dernier peut être localisé hors de France, voire hors d'Europe, notamment dans les grandes ESN.

Lire la suite en page 3 : Le modèle gagnant-gagnant du centre de services - Une orientation vitale pour les ESN et leurs clients


Le modèle gagnant-gagnant du centre de services

Mettre en place un centre de services exige de la maturité de la part de l'entreprise et un savoir-faire particulier de la part de l'ESN. La création du catalogue d'unités d'oeuvre est, à ce titre, une étape très importante puisque c'est celle où les deux partenaires vont définir, en défendant chacun leurs intérêts, le cadre de référence de leur collaboration. Il s'agit - ensemble - d'inventorier, qualifier, quantifier et tarifer les différents types de tâches, en veillant à rester souple et à garder des possibilités d'ajustement, car des tâches apparemment simples peuvent s'avérer plus compliquées ou plus consommatrices de ressources que prévu.

Une fois cette base indispensable établie, l'ESN a tout à gagner à industrialiser les processus du centre de services - de la gestion des demandes à l'assurance qualité, en passant par le Delivery Management. De plus, se projetant dans une collaboration longue, il est dans son intérêt de mettre en place des procédures de gestion des connaissances et de documentation beaucoup plus rigoureuses qu'en ATG et a fortiori qu'en ATU. En capitalisant ainsi la connaissance qu'elle a de son client, l'ESN conforte sa position de centre de ressources, tout en gagnant en réactivité et productivité.

Enfin, n'ayant pas à justifier les moyens mis en oeuvre pour les prestations demandées, l'ESN peut organiser ses ressources comme elle l'entend. Typiquement, là où - dans les anciens modèles ATU et ATG - le client exigeait toujours des développeurs confirmés, l'ESN peut faire travailler des profils plus juniors sous la responsabilité d'un senior. Dans ce système, fini le "syndrome" du développeur expérimenté qui va s'ennuyer au bout de 6-12 mois et qui va perdre une partie de sa motivation. Le client et l'ESN vont se retrouver en face de jeunes motivés qui vont progresser avec enthousiasme et qui vont monter en compétence rapidement ; d'où une qualité accrue de la prestation expliquée facilement par la motivation et le cursus de formation "à façon" des consultants. N'oublions pas également que l'ESN peut aussi, le cas échéant, mutualiser les ressources entre plusieurs clients, ce qui lui permet de sécuriser son portefeuille de consultants. Dans un cas comme dans l'autre, elle retrouve sa capacité à piloter sa marge.

L'entreprise cliente est elle aussi gagnante à plus d'un titre. En premier lieu, parce qu'elle s'épargne l'encadrement technique et la gestion opérationnelle des consultants, ce qui libère une partie de ses propres ressources. Ensuite, parce qu'en lui imposant un effort de clarification et de quantification de ses besoins, le modèle du centre de services apporte à l'entreprise plus de visibilité et, donc, une maîtrise accrue de ses budgets d'achat de prestations(2). Enfin, tout en obtenant des prix ajustés parce qu'elle s'engage sur un volume significatif de prestations, elle sécurise l'ESN partenaire et bénéficie des investissements humains, techniques et méthodologiques de celle-ci.

Une orientation vitale pour les ESN et leurs clients !

On ne passe pas du jour au lendemain de l'ATU ou même de l'ATG à un centre de services. La démarche est le plus souvent progressive car elle implique un changement de mentalité et un apprentissage pour toutes les parties prenantes. Si elles doivent être force de proposition pour favoriser cette évolution, les ESN ont un véritable travail d'évangélisation à mener pour faire comprendre aux directions achats, mais aussi aux DSI et aux départements opérationnels, que la généralisation de l'assistance technique groupée (ATG) se fait au détriment de la qualité des prestations parce qu'elle oblige les ESN à rogner sans cesse sur leur marge.

L'appauvrissement qui en résulte menace purement et simplement la disparition de nombreuses ESN, en particulier les petites structures déjà pénalisées par l'investissement qu'exigent les processus de référencement des grands groupes. Ce qui est en jeu, ici c'est la diversité même du tissu des Entreprises de Service Numérique et la richesse que représente cette diversité pour leurs clients. La paupérisation des ESN ne fait qu'accélérer la consolidation du secteur et sa domination par un oligopole de grands acteurs ne laissant aucune chance à des acteurs alternatifs d'émerger et de renouveler les pratiques et les modes de collaboration.

Pour sortir par le haut du piège de la massification qui est en train de se refermer sur elles, les ESN doivent pousser le modèle du centre de services dans une logique d'investissement conditionnant leur survie. Pour retrouver de la marge de manoeuvre, elles doivent démontrer leur savoir-faire dans ce domaine en termes de création de valeur pour le client, sans forcément chercher à le valoriser financièrement dans un premier temps. C'est en faisant la preuve concrète de cette valeur ajoutée qu'elles feront tomber les "appréhensions" des entreprises, principalement dues à leur crainte de perdre le contrôle sur ce que font leurs prestataires. Si le marché de la prestation de services informatiques reste dominé par le dogme de la réduction des coûts, les entreprises savent ce qu'elles ont à perdre à pousser cette logique à l'infini et ce qu'elles ont à gagner à s'engager avec des partenaires en bonne santé financière et capables, de ce fait, d'innover, de continuer à attirer des talents dont elles seront les premières à bénéficier.

(2) Cet effort de prévision réduit également le recours aux contrats ponctuels conclus avec d'autres ESN à des tarifs souvent moins favorables à l'entreprise, faute de volume.

Par Radu Ispas. Après une dizaine d'années au sein d'Alpha Technologies où il occupa le poste de directeur technique du groupe, il rejoint en 2005 le Groupe Keyrus en tant que directeur des opérations, puis directeur de business unit/Professional Services. Avec plus de 30 ans d'expérience dans le secteur des ESN, Radu Ispas dispose d'une expertise technique riche et variée (Business Intelligence, ERP/CRM, applications digitales...) ainsi que d'une vision stratégique du marché basée sur l'innovation et la R&D.




 
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