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[Tribune] Portage salarial : mode d'emploi

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[Tribune] Portage salarial : mode d'emploi

Quels en sont les contours ? Quels sont les apports de la Convention et de son arrêté d'extension ? Quels sont les avantages et inconvénients du recours au portage salarial ? Les réponses de Marion Ayadi, avocat associé chez Raphaël Avocats.

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La Convention Collective Nationale du portage salarial a été signée le 22 mars 2017 à l'unanimité des organisations syndicales et patronales parties à la négociation. La parution de son arrêté d'extension dimanche 30 avril 2017 entérine l'existence du portage salarial en tant que branche d'activité. L'occasion de décrypter le mode de fonctionnement d'un dispositif en vogue.

Qui, quoi, comment ?

Le portage salarial constitue un mode d'organisation du travail selon lequel un professionnel, appelé "salarié porté", confie à une société de "portage salarial" la facturation et la gestion administrative de missions effectuées auprès d'une autre entreprise, "l'entreprise cliente" pour une durée limitée. En contrepartie, la société de portage perçoit les honoraires facturées par la société cliente et verse au "porté" un salaire déduit de ces sommes.

Dispositif original, il est réservé à des professionnels justifiant "d'une expertise, d'une qualification et d'une autonomie significative qui leur permettent de rechercher eux-mêmes leurs clients et de convenir avec eux des conditions d'exécution de sa prestation et de son prix".

Deux contrats sont signés et une relation triangulaire se crée : un contrat commercial entre l'entreprise de portage salarial et la société cliente, et un contrat de travail en CDI ou CDD entre la société de portage et le salarié porté.

L'équation est séduisante : pour le porté, l'assurance d'exercer une mission en indépendance tout en bénéficiant des avantages du salariat ; pour l'entreprise cliente, la possibilité de faire appel à des compétences non disponibles en interne et de réaliser des économies de formation et de matériel.

Un cadre légal et conventionnel fixe

Aussi séduisant soit-il, les partenaires sociaux ont mis plus de 10 ans à parvenir à un accord. Consacré par l'ordonnance du 2 avril 2015, ratifié par la loi travail du 8 août 2016, la convention collective de branche étendue constituait sans conteste une étape indispensable pour sécuriser la pratique du portage salarial.

Autonomie, qualification, expertise

La nouvelle convention exige une qualification minimale de niveau III ou une expérience significative du salarié porté d'au moins 3 ans dans le même secteur d'activité. Trois catégories de salariés, cadres et non cadres, sont définies : du salarié porté junior ayant moins de 3 ans d'ancienneté, au salarié cadre au forfait, en passant par le salarié porté senior ayant plus de 3 ans d'ancienneté.

Dans un objectif affirmé de "sécurisation des parcours professionnels", la nouvelle convention met en place un "fond mutualisé" auquel les entreprises de portage doivent contribuer à hauteur de 1,6% de la masse salariale destiné à financer, notamment, les périodes de formation et d'intermissions.

Un nouveau motif de licenciement

Point clef de l'accord, l'entreprise de portage salarial pourra désormais licencier le salarié porté qui n'aurait pas conclu de nouvelle mission et demeurerait sans activité au terme d'une période d'un mois de prospection.

Cette possibilité est toutefois assortie de garantie pour le salarié : il pourra percevoir "une allocation prospection" dans la limite maximale de 3 mois, prélevée sur la réserve établie à cet effet sur son compte d'activité. Le salarié devra ainsi provisionner 10% du salaire de base de sa dernière mission s'il est en CDI, ou de son indemnité de précarité s'il est en CDD.

Un arrêté d'extension sans exclusion

Le texte de la CCN est validé avec 12 réserves rappelant des dispositions du Code du travail à respecter lors de la mise en oeuvre des dispositions conventionnelles.

En particulier, la rémunération minimale applicable est précisée : les portés juniors devront percevoir une rémunération mensuelle au moins égale à 70% du plafond de la sécurité sociale (PASS), leurs seniors pourront prétendre à une rémunération mensuelle au moins égale à 75% du PASS et les cadres portés au forfait jour, à hauteur de 85% du PASS.

Le pari de la sécurité

Orienté vers l'avenir, le nouveau dispositif ouvre le périmètre du portage en le rendant moins élitiste, et répond aux besoins actuels nés de l'émergence de nouvelles formes d'emploi. Il encouragera probablement l'emploi des seniors disposant d'une expertise et qui désirent conserver les avantages du salariat. Reste qu'il s'agit d'un dispositif lourd de formalisme et qui peut s'avérer moins rémunérateur que certaines formes d'emploi indépendant.

Pour les entreprises, le portage salarial représente un coût puisqu'il comprend les honoraires de la société de portage. Il offre toutefois plus de sécurité que des dispositifs voisins, en évitant la requalification en contrat de travail et le risque pénal lié aux délits de marchandage et prêt de main-d'oeuvre illicite, inapplicables en matière de portage.

La CCN prendra effet au 1er juillet 2017 et sera complétée par un accord de méthode négocié par les syndicats et le patronat dans les prochaines semaines. A suivre donc...

Bio

Marion Ayadi assiste les entreprises dans la gestion quotidienne des relations individuelles (dans leurs aspects contractuels, disciplinaires, ...) et collectives de travail, tant en conseil qu'en contentieux. Elle a développé une expertise particulière en matière d'IRP - institutions représentatives du personnel : élections, information-consultation, expertises..., de CHSCT : installation, expertises, compétences...

En matière de négociation collective, elle aborde les questions de santé au travail, de risques psycho-sociaux, de durée du travail, de discrimination...

 
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