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Voyage d'affaires - Des inégalités femmes hommes insoupçonnées

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Voyage d'affaires - Des inégalités femmes hommes insoupçonnées

Aucune strate sociale ne semble échapper aux discriminations subies par les femmes, et le tourisme d'affaires ne fait pas exception. Sur le long chemin vers l'égalité des sexes, certaines entreprises, appuyées par leurs fournisseurs, prennent toutefois conscience de la nécessité d'agir.

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Des voyageuses d'affaires concernées par des niveaux importants de harcèlement et de sexisme au cours de leurs déplacements professionnels, c'est ce que révèlait une étude conduite par le fournisseur de solutions travel SAP Concur en 2019. En France, elles sont 73 % à déclarer avoir été victimes de harcèlement, de discrimination ou de mauvais traitements. Le phénomène est encore plus présent chez les 25-39 ans où trois femmes sur quatre sont touchées. 28 % des voyageuses confient être ignorées par le personnel de service, et 26 % d'entre elles sont sifflées. Pour Marine Rivoire, experte Produits Travel chez SAP Concur, "ces résultats n'ont malheureusement rien de surprenant. Les femmes subissent un certain nombre de discriminations de différentes natures dans la vie professionnelle, et le contexte des voyages d'affaires ne fait pas exception."

Des voyageuses en proie au sexisme

"Très souvent, c'est à la femme d'estimer seule le danger et les risques auxquels elle peut être confrontée"Arlen Coyle, Senior Vice President Corporations Sales chez Amadeus

Arlene Coyle, Senior Vice President Corporations Sales chez Amadeus, estime que "ce sujet reste aujourd'hui un tabou au sein des entreprises. Chaque déplacement comporte des risques sur ce plan. Les décideurs qui établissent les politiques voyages n'en tiennent pas suffisamment compte. On en parle très peu, car personne n'ose franchir le pas. Et cette réalité s'inscrit dans un contexte où un tiers des voyageurs sont des voyageuses." Les attitudes s'apparentant à du sexisme ordinaire sont particulièrement pointées du doigt : "En tant que femme, j'ai connu à plusieurs reprises des réactions inadmissibles. Dans les lounges des aéroports, il s'agit par exemple des regards surpris de la part d'hommes qui sont parfois venus me voir en me signifiant que l'espace était réservé aux clients de la classe Affaires. Par ailleurs, dans le lobby d'un hôtel d'un pays d'Europe de l'est, certains regards d'hommes qui me scrutaient étaient tellement incommodants que j'ai hésité à me rendre au restaurant de soir venu. Très souvent, c'est à la femme d'estimer seule le danger et les risques auxquels elle peut être confrontée. Il n'y a presque aucun accompagnement", s'indigne Arlene Coyle.

Une étude d'Amadeus souligne que 44 % des travel managers n'ont pas la responsabilité du duty of care, qui en conséquence ne se retrouve pas dans les politiques voyages. Celles-ci n'intègrent donc pas de démarches et précautions spécifiquement apportées aux femmes en déplacement. La même enquête indique que 39 % des entreprises ne font rien pour le mieux être lors des voyages d'affaires. D'importants manquements se situent aussi au sein des données fournies par les sociétés spécialisées dans la sécurité des voyages d'affaires. "Les informations recensées prennent en compte la sécurité aux personnes par rapport à la criminalité de façon générale, le contexte climatique, météorologique, d'autres types de dangers, mais il n'existe rien de spécifique pour les problèmes dont souffrent les femmes", insiste Arlene Coyle.

Les entreprises, en quête de bonnes pratiques

"Selon le pays, les femmes peuvent encourir des risques plus ou moins élevés et de différentes natures"

Des chartes sont de plus en plus mises en place en faveur de la lutte contre la discrimination à l'emploi ou portant sur d'autres domaines dans l'entreprise.Les entreprises semblent avoir plus à coeur de communiquer sur ces bonnes intentions. "Les situations de harcèlement moral ou sexuel font partie des problématiques auxquelles les voyageuses d'affaires sont confrontées, et les organisations en prennent désormais conscience, à la faveur des discours et révélations sur ces réalités qui se multiplient de façon générale depuis plusieurs années", estime Marine Rivoire. Au sein des organisations, collecter l'avis et le ressenti de la collaboratrice à son retour figure parmi les démarches à encourager. "Ce témoignage peut être un élément important, alors qu'il est très souvent négligé par les entreprises qui se contentent de gérer l'accompagnement uniquement avant et pendant le voyage d'affaires. Les voyageurs et voyageuses restent pourtant les mieux placés pour faire part d'un certain nombre d'angoisses, de craintes, de dangers éventuels. Mettre à profit cette expérience ne peut être qu'un levier de connaissance et d'amélioration notable," précise Kathleen Stilmant, experte Business & Tools chez Axys Odyssey, spécialiste du conseil dans le domaine du Travel & Expense. En conséquence, les suggestions d'hôtels, de moyens de transport en fonction des villes concernées gagnent ainsi en pertinence. Communiquer autour de nouvelles décisions, d'intégration de critères favorisant la lutte contre les discriminations faites aux femmes est aussi un point central, car bon nombre de salariés ignorent qu'il existe parfois des procédures internes à l'entreprise permettant d'apporter des solutions concrètes en cas de besoin. Les entreprises du secteur pétrolier ou du BTP, qui envoient leurs collaborateurs dans des pays à risque, semblent avoir davantage de maturité sur ces questions. Marine Rivoire estime que "l'entreprise doit apporter du conseil en cas de problème, comme se rendre au consulat, à l'ambassade locale, ou à une adresse appropriée. Cet accompagnement peut concerner une prise en charge médicale, une cellule psychologique ou un rapatriement éventuel." Un meilleur travail doit par ailleurs être mené en amont pour éviter ou réduire les conduites inappropriées de certains collaborateurs. "Les comportements agressifs, les guet-apens affectifs avec des collaborateurs qui se laissent entraîner dans des situations embarrassantes (prostitutions, clubs déconseillés...) font partie des dérives existantes. Au-delà de l'aspect moral et légal, l'impact sur l'entreprise et l'image de marque peut être colossal. Aujourd'hui, avec les réseaux sociaux, les mauvaises nouvelles peuvent rapidement être connues de tous", confie Cédric Lefort, senior director solutions consulting chez BCD Travel. Par ailleurs, bon nombre d'entreprises se posent parfois la question d'envoyer une femme plutôt qu'un homme vers certaines destinations où l'inégalité entre les sexes est particulièrement forte. "Ce sont effectivement des questions complexes sources de débats. Dans tous les cas, il importe de demander l'avis de la collaboratrice concernée. La décision ne doit jamais se faire sans l'inclure dans les échanges", assure Marine Rivoire.
Lire la suite en page 2: Des solutions, poussées par les fournisseurs du secteur
 
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