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"Notre plus grand défi : que l'on réponde à nos besoins"

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'Notre plus grand défi : que l'on réponde à nos besoins'

Le projet du Grand Paris va transformer la région parisienne. Les défis achats sont de taille : respect des coûts et des délais, capacité du marché à répondre aux besoins ou accès des TPE/PME à la commande publique. Serge Dupont, directeur industrie et achats de la SGP, nous livre ses challenges.

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Serge Dupont, directeur industrie et achats de la Société du Grand Paris (SGP)

Il a rejoint la Société du Grand Paris (SGP) en août 2011 pour créer la direction des achats. Entre 1992 et 2012, il a occupé différents postes au sein de l'entreprise Alcatel-Lucent, notamment celui de directeur des achats projets pour la zone EMEA (Europe/Middle East & Africa) et de directeur achats d'Alcatel CIT, la filiale française

> Vous êtes à la fois directeur de l'industrie et des achats de la Société du Grand Paris. Pourquoi cette double casquette ? Et quel est le profil de votre direction ?

L'objectif du directoire, lors de la création de ce poste était d'industrialiser l'ensemble des process liés aux marchés, aux études et aux travaux. L'idée est de passer des marchés et d'optimiser les coûts, non seulement en industrialisant la méthode de travail, mais aussi en travaillant avec les industriels sur les nouvelles technologies et l'innovation. L'équipe se compose d'une vingtaine de personnes. La majorité de mes collaborateurs, tous acheteurs, ont un double cursus, soit technique de type ingénieur, soit commercial et avec une spécialisation achats. La plupart ont une double compétence marchés publics/marchés privés, avec l'expérience d'industries comme l'automobile, le bâtiment, l'énergie ou d'opérateurs du transport.

Nous avons complété le dispositif achats avec un assistant à maîtrise d'ouvrage et un économiste de la construction pour que les acheteurs se concentrent sur le sourcing, la relation fournisseur, l'allotissement et la négociation... Pour les achats de travaux et de système, les maîtres d'oeuvre sont également partie prenante dans la passation des marchés. La Société du Grand Paris compte 250 collaborateurs mais 2 500 personnes travaillent aujourd'hui sur les études et la conception du Grand Paris Express.

> Quels sont les grands défis, pour les achats, sur un projet d'une telle envergure ?

Le respect des délais et des coûts, comme pour tout maître d'ouvrage. Nous devons également nous assurer de la capacité du marché à répondre à nos besoins. Ainsi, aujourd'hui, nous avons attribué un peu plus de 10 % des marchés de travaux. Il nous reste donc un volume énorme de marchés à attribuer. Sans compter qu'il n'y a pas que les besoins de la Société du Grand Paris mais aussi ceux d'autres opérateurs comme la RATP. Pour que les entreprises s'organisent, nous nous efforçons de leur donner de la visibilité. En parallèle, nous travaillons avec les fédérations (ex. : Syndicat parisien des travaux publics, ou Fédération des travaux publics), d'une part, et les CCI d'Île-de-France, d'autre part, afin que leurs adhérents puissent anticiper nos besoins.

Enfin, nous allons continuer à surveiller de près la gestion des risques. En 2016, le directoire a créé une direction de l'audit et des risques, avec laquelle nous avons identifié des risques liés aux fournisseurs (solidité financière, capacité des entreprises à répondre aux appels d'offres mais aussi à exécuter les travaux, gestion des sous-traitants...). Nous mettons en place un dispositif pour contrôler le travail détaché et, surtout, lutter contre le travail dissimulé avec des engagements forts pris par les entreprises attributaires des marchés et des engagements de la part des fédérations professionnelles.

Lire la suite page 2 - Quel est votre champs d'action?

> Quel est votre champ d'action ? Que regroupe votre portefeuille achats ?

Le coût prévisionnel du projet est de 25 Md€. Les achats en représentent la part la plus importante...

Plusieurs types de dépenses ne sont cependant pas gérés par la direction des achats, notamment les acquisitions foncières, qui sont du ressort de la direction de la valorisation du patrimoine, et les travaux concessionnaires, traités par la direction du programme à travers des conventions passées avec les concessionnaires de réseaux. La catégorie d'achats la plus importante en enjeux financiers est celle des travaux de génie civil des infrastructures des tunnels, des gares et des ouvrages annexes ; les achats d'études et d'assistance à maîtrise d'ouvrage, de maîtrise d'oeuvre, de travaux préparatoires (démolition, voirie et réseaux divers, dépollution pyrotechnique...) et de systèmes (matériel roulant pour les lignes, automatisme de conduite, équipements de tunnels, systèmes d'information pour les gares comme l'information voyageurs ou la vidéosurveillance...) sont les autres catégories principales. Les dépenses liées aux frais généraux sont faibles par rapport aux catégories d'achats ci-dessus.

> Un tel projet fonctionne par vagues d'achats. Quel est votre calendrier ?

En 2016, nous avons quasiment achevé les marchés liés aux études et à la maîtrise d'oeuvre. Cela représente un peu plus de 1 Md€ sur la totalité des marchés engagés. Nous avons commencé il y a deux ans le cycle des marchés nécessaires à la réalisation des travaux préparatoires, qui va certainement se terminer en 2018. En 2015 ont été lancés les marchés de génie civil et d'infrastructures, qui vont continuer en 2017 et 2018. Enfin, demain, nous lancerons les premiers marchés de systèmes (voies et caténaires, tractions) et les premiers marchés d'aménagement des gares et des ouvrages annexes.

> Comment travaillez-vous avec la CCI pour favoriser l'accès à vos marchés pour les TPE/PME ?

D'une façon générale, les PME et les ETI peuvent tout à fait accéder aux marchés de la Société du Grand Paris. En effet, les trois quarts des marchés attribués sont d'un montant inférieur à 1 M€. Pour les marchés de génie civil, nous changeons d'échelle. 20 % du montant des travaux leur sont réservés via la cotraitance ou la sous-traitance. Cette obligation contractuelle fera l'objet d'un suivi mensuel [NDLR : en 2017, un observatoire des PME de la SGP sera mis en place en lien avec la CCI d'Île-de-France]. La charte de coopération mise au point il y a deux ans avec la CCI, les opérateurs ( Ratp et SNCF) et la région nous engage à communiquer aux entreprises les plannings prévisionnels de nos marchés. Par ailleurs, la CCI développe des actions pour aider les petites entreprises à se préparer et à répondre aux appels d'offres. Au-delà de cette obligation des 20 %, les grands groupes avec lesquels nous travaillons ont déjà une démarche proactive vis-à-vis des PME pour les intégrer. Nous créons les conditions pour que les PME s'organisent entre elles afin de répondre à nos marchés. En effet, après les marchés de génie civil, la Société du Grand Paris va lancer ceux d'aménagement des gares et des ouvrages annexes, et les marchés de mobilier ou de systèmes, qui seront plus directement accessibles aux groupements de PME.

Il existe déjà des groupements de PME structurés comme le "XV du Val-de-Marne", lequel s'est organisé pour répondre à certains de nos marchés [NDLR : la SGP a d'ores et déjà attribué cinq des huit marchés de génie civil nécessaires à la réalisation de la ligne 15 sud].

Lire la suite page 3 - Peut-on parler d'achats de proximité?

> Peut-on parler d'achats de proximité ?

Dans le cadre de la clause des 20 % d'achats auprès de TPE-PME, certains de nos fournisseurs ont pris le parti de solliciter des entreprises locales proches des chantiers qu'ils gèrent pour justement les intégrer à leur dispositif. Il revient en effet aux entreprises titulaires de nos marchés d'intégrer des PME performantes et de travailler avec les CCI pour "émulsionner" cette dynamique locale. Nous allons continuer à encourager toutes les initiatives qui vont dans ce sens.

> Avez-vous des marchés internationaux ?

Nos appels d'offres s'inscrivent dans un cadre européen et sont conformes à la législation européenne, qui prévoit de les publier au JOUE au-delà d'un certain seuil réglementaire. Par ailleurs, nous sommes en contact avec des sociétés européennes, notamment à travers les attachés commerciaux des ambassades, pour les informer du contenu et du calendrier de nos marchés. Nous avons déjà attribué deux marchés d'études à des entreprises étrangères : un de maîtrise d'oeuvre sur la ligne 17 à une entreprise d'ingénierie suédoise et un sur la ligne 18 sur l'assistance à maîtrise d'ouvrage à un groupement emmené par une entreprise canadienne. Au niveau des marchés de génie civil, entre Pont de Sèvres et Noisy-le-Champ, nous avons huit marchés en cours avec des candidats qui sont des groupements mixtes de sociétés françaises et étrangères. Ainsi, le premier marché de tunnelier a été attribué à un groupement emmené par des ETI françaises et au sein duquel se trouvent une entreprise suisse et une entreprise italienne.

> Quelle est votre politique d'achats durables ?

Nous avons signé en 2016 avec la FRTP (Fédération régionale des travaux publics) une convention qui nous engage mutuellement sur l'insertion, les parts PME mais aussi la gestion des déblais, des nuisances... Ces éléments sont repris dans nos marchés sous forme d'engagement contractuel mais font aussi partie de critères notés dans notre sélection des réponses aux appels d'offres. À titre d'exemple, la Société du Grand Paris impose un minimum de 5 % des heures travaillées en insertion. Une obligation contractuelle assortie de pénalités si les entreprises n'y répondent pas. Toujours sur l'insertion, le directoire a créé une cellule emploi qui établit les liens entre les entreprises attributaires de marchés et les différents organismes des territoires où se situent les travaux pour leur proposer du personnel en insertion ou des moyens de formation. Autre exemple de mise en place d'une économie circulaire, l'accord entre la SGP et Placoplatre, enseigne du groupe Saint-Gobain, sur la réutilisation par Placoplatre des déblais gypsifères provenant des chantiers du Grand Paris Express.

[NDLR : dans la pratique, Placoplatre réservera 50 % du volume à remblayer de ses carrières aux déblais issus des chantiers du futur métro. Quatre carrières de gypse sont concernées par cet accord : les carrières à ciel ouvert de Le Pin-Villeparisis ( 77) et de Cormeilles-en-Parisis (95)et des carrières souterraines de Bernouille (93) et de Montmorency (95). Ces sites accueilleront près de 4 Mt de déblais sulfatés provenant des chantiers du Grand Paris Express, sur un total de 25 Mt pour des terres de cette nature.] Sur ces différents aspects, nous essayons d'avoir une démarche "itérative" auprès des entreprises, entre le fait de leur imposer des engagements contractuels et le fait de les accompagner proactivement pour leur proposer d'autres solutions, plus créatrices de valeur.

Lire la suite page 4 - Quel est votre suivi fournisseurs?

> Quel est votre suivi fournisseurs ? Avez-vous mis en place des pénalités de retard ?

Nous insérons systématiquement des clauses de pénalités dans nos marchés, ainsi que des pénalités liées à la qualité des prestations. Pour les marchés de travaux, nous travaillons dans le cadre de la loi MOP et à ce titre, les maîtres d'oeuvre sont responsables du suivi de l'exécution des travaux. Toutefois, des revues contractuelles de marché entre les entreprises, les maîtres d'oeuvre et la Société du Grand Paris vont se mettre en place au fur et à mesure de l'attribution des marchés pour suivre et contrôler l'avancée des travaux.

Nous avons des délais serrés avec des dates de mise en service fixées par l'État, et liées aux JO et des contraintes de coûts de réalisation des travaux. Nous avons des objectifs sur l'insertion, la part PME, la valorisation des déblais, sur la sécurité et la sûreté des chantiers... Nous avons donc mis en place un mécanisme de pénalités sur chacun de ces aspects. Si ces objectifs ne sont pas respectés, il y aura application des pénalités associées. Mais au-delà des pénalités, ce qui nous importe, c'est que nos objectifs soient atteints et cela passera par des suivis réguliers pour détecter les risques de dérive et qu'entre les différentes directions de la SGP, les maîtres d'oeuvre et les entreprises se développent des approches pour proposer des alternatives ou des solutions pour atteindre les objectifs. C'est dans ce même esprit que des réunions de pilotage sont prévues afin de résoudre les différends éventuels "au fil de l'eau" et d'éviter de reporter le traitement des litiges à la fin des travaux.

> Et l'innovation, dans tout ça ?

Les premiers marchés de travaux sur la ligne 15 sud intègrent une démarche d'innovation à travers des variantes à l'initiative des candidats. Nous allons continuer à renforcer ce dispositif sur l'innovation sur les marchés de la ligne 16, en coordination avec la cellule innovation mise en place par le directoire en 2016 et nous dialoguons avec les entreprises sur des propositions d'innovations. Ce sont des sujets que nous évoquons avant la première offre pour être sûrs que cela entre dans notre cahier des charges. Nous avons introduit cette flexibilité dans nos marchés pour que les entreprises puissent nous proposer des solutions innovantes à la fois au niveau de l'offre mais aussi pendant le déroulement du marché. Cela se fera à travers un comité d'innovation et d'expérimentation. Sur la durée des marchés, la technologie évoluera et nous devons être capables d'intégrer ces évolutions.

En outre, d'autres initiatives sont lancées, comme un appel à innovation et manifestation d'intérêt sur les déblais. Au final, près de 90 propositions ont été reçues et analysées, dont un certain nombre ont été retenues et vont être implémentées. Un des principaux axes de travail de 2017 est de renforcer cette approche innovation dans tous les marchés que nous passerons.

> Les prochaines élections risquent-elles de changer votre mandat et/ou le portefeuille achats ?

Le projet lancé en 2010 a été confirmé par le nouveau gouvernement en 2012-2013. Il y a un consensus des élus qui soutiennent le projet car il apporte un vrai service aux habitants et aux territoires et augmente considérablement l'attractivité de la France dans le monde.

Société du Grand Paris en chiffres

Effectif : 250 collaborateurs

Effectif achats : une vingtaine de personnes

Coût prévisionnel du projet : 25 milliards d'euros

Budget achats : en attente

 
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