Le commerce équitable, un levier de l'achat responsable
Le groupe d'étude des marchés publics (GEM) de la direction des affaires juridiques du Minefi continue ses travaux sur l'achat durable et publie un guide sur les achats issus du commerce équitable au mois de juillet, à l'attention des acheteurs publics.
Je m'abonneS’il est vrai que les achats publics issus du commerce équitable sont encore marginaux et que les segments d’achats concernés sont limités, l’intérêt grandissant des collectivités publiques pour cette démarche marque une réelle volonté politique. De nombreuses collectivités l’ont d’ailleurs déjà intégré dans certaines de leurs procédures (ville de Grenoble, ville d’Orléans, ville de Paris, Conseil général de l’Essonne…). Les achats sont désormais, en dehors des impératifs budgétaires, un levier de politique publique, ce qui explique la montée en puissance de la notion d’achat durable ou responsable.
Le GEM a donc mis en place un groupe d’étude et publie un guide visant à donner aux acheteurs publics des indications sur la démarche à suivre, la conciliation des principes de la commande publique avec ceux du commerce équitable faisant apparaître des craintes sur l’opportunité ou la sécurité juridique des achats dits “équitables”.
C’est en 1964, que des producteurs de café, subissant de plein fouet la chute des cours, lancent l’appel “Traid, not Aid” via la Cnuced (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement), ce qui va devenir le fondement du commerce équitable actuel. Le commerce équitable propose un mode d’échange alternatif visant à réduire les inégalités provoquées par le mode de commerce conventionnel.
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Il s’appuie alors sur plusieurs valeurs :
- le respect des droits fondamentaux des personnes tels qu’indiqués dans les conventions de l’OIT (Organisation internationale du travail) ;
- le respect des ressources naturelles et des exigences environnementales (interdiction des OGM, limitation des engrais chimiques…) ;
- la mise en place de relations économiques durables permettant aux travailleurs et producteurs le maintien d’un niveau de vie mais aussi de mieux comprendre et appréhender les exigences et tendances du marché.
Il faudra attendre 41 ans et l’article 60 de la loi du 2 août 2005 pour que la France reconnaisse le commerce équitable et lui donne une définition :
1) Le commerce équitable s'inscrit dans la stratégie nationale de développement durable.
2) Au sein des activités du commerce, de l'artisanat et des services, le commerce équitable organise des échanges de biens et de services entre des pays développés et des producteurs désavantagés situés dans des pays en développement. Ce commerce vise à l'établissement de relations durables ayant pour effet d'assurer le progrès économique et social de ces producteurs.
3) Les personnes physiques ou morales (c'est-à-dire les organismes qui délivrent les labels) qui veillent au respect des conditions définies ci-dessus sont reconnues par une commission dont la composition, les compétences et les critères de reconnaissance des personnes précitées sont définis par décret en Conseil d'État.
Il n’existe pas aujourd’hui un label public unique accordant le qualificatif de “commerce équitable” à un produit. Cela s’explique notamment par le fait que c’est une revendication qui a toujours été portée par les sociétés civiles et non par les pouvoirs publics. Les principaux labels aujourd’hui sont :
- Flo International, représenté par l’association Max Havelaar ;
- WTFO ;
- Ecocert-Equitable qui délivre une double certification (produits d’origine biologiques et équitables).
Pour plus d’informations sur les labels existants ainsi que les modalités de certification des produits, vous pouvez consulter le guide des labels de la PFCE : avec presque deux millions de producteurs, les produits labellisés “commerce équitable”, c’est un véritable réseau international qui a été mis en place. Les pays producteurs de ces produits issus du commerce équitable sont essentiellement des pays du Sud : la Bolivie pour le cacao et le café, l’Inde pour le coton, l’Afrique pour les fruits frais, le Paraguay pour le sucre, la Thaïlande pour le riz et le Brésil pour les jus de fruit.
Les familles de produits labellisées sont encore limitées. Néanmoins, à mesure que les acteurs se structurent, les filières de produits se diversifient. Il existe aujourd’hui deux grandes filières labellisées : les produits d’origine agricoles (produits alimentaires et diététiques, les fruits, les produits d’épicerie, le coton, le textile, les produits de bien-être…), les produits “intégrés” qui concernent notamment les produits artisanaux : mobilier, papeterie, bagagerie, jouet, bijoux…
Le groupe d’étude a identifié plusieurs leviers, non exclusifs les uns des autres, permettant aux acheteurs publics de lier leurs achats au commerce équitable :
- l’expression des besoins : l’article 5 du code des marchés publics ainsi que la directive 2004/18 énoncent le développement durable (dont le commerce équitable) comme un objectif qui doit être pris en compte par l’acheteur dans la détermination du besoin.
- l’allotissement : s’il n’est pas possible de réserver un marché public à des produits issus du commerce équitable, l’article 10 du code des marchés publics peut être utilisé pour allotir une même prestation et réserver un lot aux produits issus du commerce équitable. En effet, comme le stipule cet article, “Afin de susciter la plus large concurrence, et sauf si l'objet du marché ne permet pas l'identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés dans les conditions prévues par le III de l'article 27. À cette fin, il choisit librement le nombre de lots, en tenant notamment compte des caractéristiques techniques des prestations demandées, de la structure du secteur économique en cause et, le cas échéant, des règles applicables à certaines professions”. La seule limite est que cet allotissement ne doit pas restreindre la concurrence, ce qui est le cas si l’un des lots est ouvert aux produits non labellisés.
- les conditions d’exécution : l’article 14 du code des marchés publics permet d’imposer des conditions d’exécution à caractère social ou environnemental (dont le commerce équitable). Ces conditions ne doivent cependant pas aboutir à une restriction d’accès à la commande publique. Il est donc préférable d’utiliser ce levier avec un allotissement adéquat.
- les critères de sélection : en lien avec l’outil précédent, il est aussi possible d’en faire un critère de sélection des offres avec une pondération adaptée (c’est-à-dire plutôt faible). Le guide pointe cependant la dispersion et le manque de lisibilité des labels. Les variantes : prévues à l’article 50 du code des marchés publics, les variantes sont un outil intéressant pour encourager aux innovations dans les offres et donc aux produits issus du commerce équitable.
Encore marginaux, ces achats pourraient, demain, devenir une réalité prégnante sur les segments d’achats concernés, sous réserve d’une offre qui satisfasse les besoins des donneurs d’ordres et de maîtrise, par ces derniers, des outils leur permettant d’intégrer ce nouveau pan de l’achat durable à leur marché, tout en respectant les principes et la réglementation relatifs à la commande publique.
Pour aller plus loin :
- Le guide des achats publics issus du commerce équitable
- Le “Référentiel achats publics responsables” IMA-CKS.
- Le décret n°2007-986 pris pour application de l’article 60 de la loi du 2 août 2005 en faveur des PME et relatif à la reconnaissance des personnes veillant au respect des conditions du commerce équitable.
- La résolution 2005/2245 du Parlement européen sur le commerce équitable et le développement adoptée le 6 juillet 2006.