Recherche
Mag Décision Achats
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine
En ce moment En ce moment

DossierLe business du partage gagne la fonction achat

Publié par le

1 - Economie collaborative : que peuvent y trouver les directions achats ?

Lorsqu'une direction achat décide de s'engager auprès d'un prestataire du marché participatif - et l'intérêt des entreprises pour ces acteurs est en hausse -, cela relève, au-delà d'un virage commercial, d'un bouleversement profond.

  • Imprimer

L'appétence des acteurs de la consommation participative pour le marché btob n'est plus à prouver. Néanmoins, pour qui douterait encore du phénomène, le cas Uber peut servir d'exemple - et d'explication. En octobre 2014, après cinq années passées à griller la priorité aux taxis du monde entier pour imposer son concept de courses automobiles entre particuliers, la start-up de San Francisco, depuis devenue géant du VTC, se lance à la conquête d'une clientèle corporate avec sa solution Uber For Business. Résultat : réticent à livrer des chiffres, Uber n'en revendique pas moins un succès sans précédent. Dans un entretien accordé à Décision Achats, Thibaud Simphal, general manager de Uber Paris confiait au lendemain du lancement français : " Si Uber for Business était une ville, ce serait celle où nous avons enregistré le plus gros développement au niveau monde ". De quoi convaincre du potentiel d'un tel axe de développement. Galvanisés par ce genre de précédent, un nombre croissant de prestataires de services estampillés "participatif" cherchent à investir le marché des entreprises - privées ou publiques. Une évolution qui s'inscrit dans la suite logique de leurs activités.

De plus en plus d'adeptes !

De par leur fonctionnement en mode "pure-player", à savoir 100% digital, comme leur appartenance au mouvement du DIY - pour Do It Yourself ! : ou la philosophie de la débrouille, les acteurs économiques de ce marché du partage, du troc, de l'échange, etc., sont intrinsèquement liés à l'avènement du Web 2.0. De fait, leurs clientèle est historiquement composée de jeunes rompus aux nouvelles technologies, accros à leur smartphone et peu respectueux des schémas préétablis en matière de consommation. Ce portrait-robot tend néanmoins à changer. Sur son site internet, BlaBlaCar, la marque française devenue référence mondiale en matière de covoiturage, indique remporter un plus vif succès auprès des 18 -24 ans, avec un taux de représentation parmi ses utilisateurs égal à 27%. Ex-æquo, les 25-29 ans et les 30- 39 les suivent pourtant de très prêt avec 26%. Loin d'être en reste, les 40-55 ans représentent quant à eux non moins de 16% du flux commercial du site. Difficile de ne pas voir dans ces chiffres la preuve de la "propagation" irrépressible d'un phénomène, un temps marginal.

Le phénomène des "clients ambassadeurs"

Contagieux, l'engouement pour la consommation participative semble dès lors voué à déborder du cadre du marché grand public, où il a pris son essor, pour gagner les entreprises. Certains de vos collaborateurs sont adeptes de BlaBlaCar ? D'autres sont revenus enthousiasmés par Airbnb de leurs vacances ? Ou bien encore ne jurent plus que par Uber pour leurs déplacements en ville ? Ne soyez pas surpris s'ils vous invitent demain à adopter, au niveau de l'entreprise, ces solutions - ou d'autres ! qu'ils utilisent à titre particulier. C'est le phénomène du "client ambassadeur". General Manager de l'antenne française de Onefinestay, un service d'hébergement haut de gamme déployé à Londres, New York et Paris, Kevyan Nilforoushan en articule les rouages : "Prenez un homme d'affaires qui voyage souvent à titre professionnel. Il va à chaque fois dans un hôtel de la chaîne choisie par sa direction achats. Le jour où il part en vacances, il ne tient pas à séjourner dans la même chaîne, trop connotée "travail". Il se tourne donc vers nous et, suite à cette première expérience, il se demande "Et si je faisais ça pour mon entreprise ?" C'est alors que nous rentrons en discussion avec cette dernière". Certains, jugeant le processus trop long ou trop hasardeux, n'hésitent pas pour autant à le court-circuiter. Sara Roy, la responsable communication d'Airbnb France, témoigne : "Nous nous sommes aperçus qu'un certain nombre de voyages faits avec nous étaient des voyages d'affaires ". C'était avant que la référence de l'hébergement entre particuliers n'aie une offre dédiée à ce marché. Remontée à la direction, cette réalisation a donné naissance, en août 2014, à la rubrique "voyages d'affaires" sur le site internet de Airbnb.

Un service sur-mesure

Pour autant, quelques ajustements sont nécessaires avant de partir à l'assaut du marché btob. Sara Roy se souvient : "La première étape a été de faciliter la facturation et l'administratif. Puis nous nous sommes attelés à créer un moteur de recherche adapté sur notre site internet". S'il fait intervenir des amateurs, le marché du participatif s'est ainsi hissé à la hauteur des attentes des entreprises en termes de qualité de service. Une "normalisation" qui ne se fait néanmoins pas au détriment de l'atout "différenciant" de l'offre. "Il y a quelque chose chez nous que le visiteur ne trouverait pas ailleurs, assure Kevyan Nilforoushan, faisant allusion au parc locatif de Onefinestay, constitué d'appartements de haut standing servant avant tout de lieu d'habitation. Néanmoins, nous promettons un service haut de gamme. Nous nous chargeons de changer les draps, de mettre des produits de beauté dans la salle de bain, de l'accueil..."

Un changement de culture pour les entreprises

Autant d'efforts auxquels les entreprises sont particulièrement sensibles. S'il est difficile de chiffrer les échanges économiques impliqués, de la non traçabilité de certaines données, la plupart des prestataires du marché participatif s'accordent à dire que l'intérêt des entreprises à leur égard est à la hausse. Il n'en demeure pas moins que lorsqu'une direction achat décide de s'engager auprès d'un prestataire issu de la mouvance participative, cela relève, au-delà d'un virage commercial, d'un bouleversement profond. Consultante mobilité chez Comovee, une solution de mobilité à destination exclusive du marché btob, Gaelle Abautrait fait de cette distinction un vrai défi. "Souvent, nos clients sont poussés à venir vers nous par l'impératif d'améliorer leur bilan carbone. Il nous faut alors expliquer que, pour que notre solution fonctionne, il faut un changement culturel au niveau de l'entreprise". Un "obstacle" qui a paradoxalement valeur d'argument marketing. En favorisant le partage plutôt que la création de biens, l'économie collaborative se pose comme une une réponse aux problématiques que rencontre toute entreprise dans le cadre de la RSE.

"Il y a de la place pour tout le monde"

De quoi rallier tout le monde à la cause du participatif ? Sans nier le potentiel que représente pour les entreprises ce nouveau type de services, il ne doit pas être surévalué. D'autant plus que ce qui fait l'atout de solutions de consommation participatives dans certains cas les rend inadéquates dans d'autres. Khevian Nilforoushan se fait le chantre d'un marché pacifié, et appelle les entreprises aux discernement : "Il y a de la place pour tout le monde. Certaines entreprises ont besoin de prestataires "industriels" où, dans le cas de l'hébergement, elles peuvent envoyer des dizaines de collaborateurs toutes les semaines et avoir la garantie d'une chambre toujours identique. Mais pour répondre à d'autres besoins, nous constituons une solution plus adaptée.".

Charlotte Marchalant

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

Sur le même sujet

Retour haut de page