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Sécuriser le voyage d'affaires

Publié par MATHIEU NEU le - mis à jour à
Sécuriser le voyage d'affaires

De l'exposition des données aux atteintes à l'image en passant par la sécurité des collaborateurs, les sources de problèmes potentiels pour l'entreprise ne manquent pas au cours des déplacements professionnels. La solution : la mise en place d'un programme spécifique impliquant différents acteurs.

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Quels travel managers savent que les accidents de la route sont la première cause de mortalité en entreprise ? Quelle entreprise a pris la mesure de la hausse brutale de 74 % des alertes dans le cadre de voyages d'affaires au cours des cinq dernières années ? La santé et la sécurité des collaborateurs en déplacement sont au coeur de démarches visant à mieux encadrer les voyages professionnels. Il en va de la gestion du risque pour les salariés, mais aussi pour les entreprises. Mais prendre à bras le corps les dangers possibles ne se résume pas aux procédures en faveur de la simple protection des salariés. Toute société ayant des voyages d'affaires est potentiellement exposée à des risques de différentes natures. Ceux-ci concernent des personnes, des équipements, les finances de l'entreprise. On peut également citer le risque de réputation, le risque juridique, le risque à la productivité.

Le degré d'importance des programmes de sécurité voyages au sein des organisations dépend beaucoup de la culture de l'entreprise. "Dans le secteur de l'énergie, de l'industrie ou des technologies, on trouve des départements Sûreté bien identifiés et bien établis avec des processus qui sont structurés et un suivi du voyageur assez poussé. À l'inverse, dans le domaine des services, où au sein des entreprises qui se déplacent peu dans des régions à risques du monde, l'approche est moins rigoureuse. En fonction de la maturité des entreprises, les processus déployés sont différents", constate Kathleen Stilmant, experte Business & Tools chez Axys Odyssey, spécialiste du conseil dans le domaine du travel & expense. Le manque de données disponibles pour les entreprises est l'une des raisons qui expliquent que les pratiques en place peuvent être insatisfaisantes. Il existe bien sûr des organismes traitant des questions de sûreté, mais souvent, ces notions s'intègrent dans des enjeux plus larges comme la sûreté du bâtiment, la protection maladie des employés. Peu d'informations portent spécifiquement sur la sûreté et sécurité relatives au voyage d'affaires.

Une exposition à de multiples risques

Les entreprises sont souvent peu conscientes des dangers liés à l'exposition de données confidentielles ou stratégiques, à l'occasion de voyages d'affaires. "Chez Thalès, le coeur de métier étant très sensible, les commerciaux sont sensibilisés aux comportements à adopter et à éviter au cours de leurs déplacements. Dans d'autres secteurs jugés moins critiques, la vigilance à l'égard des pratiques est bien moindre. C'est souvent un tort car les risques peuvent tout de même être élevés. Il faut mettre en place une communication interne adaptée, mais aussi des outils permettant d'accompagner le besoin de sécurité nécessaire dans la manipulation des données en dehors de l'entreprise, pour se prémunir des attaques ou du vol de données", explique Kathleen Stilmant.

En termes d'atteinte aux réputations, l'impact peut également être colossal. "Aujourd'hui, avec les réseaux sociaux, les mauvaises nouvelles, qu'elles soient justifiées ou non, peuvent très vite être connues de tous", indique Cédric Lefort, senior director solutions consulting chez BCD Travel. "À cela s'ajoute le risque financier, notamment par rapport aux abus de notes de frais. Il n'est pas rare de voir des collaborateurs se surclasser dans des hôtels ou des avions. Il peut aussi s'agir de pénalités financières comme des amendes consécutives à une vitesse de conduite excessive sur la route."

Le risque juridique est une autre réalité à ne pas négliger : les entreprises doivent avoir mis en place les procédures nécessaires lorsque les collaborateurs voyagent sur un certain nombre de sujets possibles comme les cas d'homicides, d'épidémies. La conformité aux lois financières est également concernée. Certaines entreprises sont par ailleurs concernées par une conduite inappropriée de la part de certains collaborateurs, tels que des comportements agressifs, des voyageurs qui se laissent entraîner dans des situations embarrassantes (recours à la prostitution, fréquentations de certains clubs privés...).

Plus généralement, le risque pour la productivité est un autre écueil fréquent. Il se matérialise par le fait d'oublier des documents indispensables qui peuvent retarder la signature de contrats, par la perte d'équipements qui compromettent une réunion, l'avancement des collaborations professionnelles. Le forfait téléphonique qui ne fonctionne pas e t qui empêche de communiquer librement est une autre situation récurrente.

Recommandations et bonnes pratiques au coeur des processus

Les spécialistes estiment que l'usure inhérente au voyage d'affaires est l'un des premiers paramètres dont il faut tenir compte. La vigilance en matière de santé des voyageurs est un critère à ne pas négliger. "Les voyages très fréquents peuvent avoir des conséquences négatives sur l'hygiène de vie, notamment par la multiplication de repas riches, peu équilibrés, avec une consommation d'alcool excessive. Les relâchements de vigilance, le soir où lors d'activités particulières, sont souvent la cause première de danger. Les actions de prévention, de sensibilisation par les entreprises doivent aussi se pencher sur ces problématiques", remarque Philippe Biberson, directeur médical des services médicaux au sein du spécialiste des solutions de prévention médicale et de sécurité International SOS .

En matière de bonnes pratiques, "il est souhaitable de commencer par une étape de cadrage permettant une analyse des pratiques existantes au sein de l'entreprise relatives à ces enjeux. La politique définie, l'existence d'outils dédiés, la nomination d'un responsable sont des préalables qui sont souvent totalement ou partiellement inexistants. La mise en place d'une gouvernance doit être une première étape, pour déterminer les responsabilités. D'autres éléments de base sont indispensables, comme le fait de disposer d'une assurance suffisamment couvrante. Une politique sûreté impliquée dans la politique Voyages ou existante de façon plus globale est un autre aspect essentiel", détaille Kathleen Stilmant. "Il importe d'être clair dans la définition de sa politique Voyages, en établissant des règles concrètes, comme le fait d'interdire les surclassements qui a comme conséquence de ne pas rembourser le voyageur", estime Cédric Lefort. Dans un deuxième temps, la géolocalisation des voyageurs, l'envoi de fiches pays donnant des informations actualisées sur le territoire de destination, les procédures de prévention, de communication forment d'autres grands axes importants à développer.

Lire la suite en page 2 : Faire évoluer les programmes mis en place


Faire évoluer les programmes mis en place

Un aspect essentiel est de faire progresser tous ces éléments en fonction du contexte. Aujourd'hui, toutes les entreprises disposent de programmes hôtels, "mais peu d'entre elles se penchent sur la sûreté et la sécurité relatives à l'hôtel de destination. L'exposition aux risques de l'hôtel en question est une donnée variable dans le temps. Des dispositions doivent être prises pour vérifier la conformité des lieux sur un certain nombre de critères, pour s'assurer de sa sécurisation", poursuit Kathleen Stilmant. Philippe Biberson constate par ailleurs que "les voyages fréquents, seuls, ont un impact à long terme sur l'état général, le stress, et que cette dimension est souvent ignorée par les entreprises." Définir et cartographier le risque est une phase indispensable pour tendre vers davantage de sécurisation et d'efficacité. À titre d'exemple, le risque aux personnes doit être passé au peigne fin, à travers le degré d'exposition des différentes catégories de personnels, en fonction des voyages, en fonction des spécificités liées à leur santé.

À la suite de bilans menés au sein des organisations, International SOS a révélé que 5 % des collaborateurs consultés au cours de son étude étaient en réalité inaptes aux voyages, alors qu'ils étaient concernés par des déplacements professionnels. Pour Philippe Biberson, "les entreprises doivent pouvoir avoir des données chiffrées dans ce domaine. Le recueil des données est essentiel. À partir de constats, on sait mieux quelles actions doivent être privilégiées. La mise en place de débriefings au retour des déplacements est négligée et doit davantage être formalisée." Kathleen Stilmant confirme que le témoignage du voyageur d'affaires à son retour peut être un élément important : "Cet aspect est systématiquement négligé ou ignoré par les entreprises qui se contentent de gérer l'accompagnement uniquement avant et pendant le voyage d'affaires. Pourtant, le voyageur est le mieux placé pour faire part d'un certain nombre d'angoisses, de craintes, de dangers éventuels. Se baser sur l'expérience voyageur ne peut être qu'un levier d'amélioration."

Impliquer les différents départements

Achats, travel, RH, finance, IT... Les directions concernées par ces enjeux sont bien plus variées que ce qu'imaginent bon nombre de sociétés. Beaucoup d'acteurs ne se sentent pas concernés. "Ils ne se rendent pas compte des impacts possibles sur l'entreprise. Par exemple, la mauvaise gestion des collaborateurs au cours d'un scandale portant sur une marque peut être source de mauvaise réputation aux conséquences catastrophiques. Les RH seront sans doute plus sensibles sur l'aspect humain, les acteurs de l'IT le sont en général moins. Il faut donc trouver des arguments pour faire en sorte qu'ils se sentent impliqués. Un sponsor solide en interne est indispensable pour aboutir à une démarche constructive et pérenne sur ce plan", assure Kathleen Stilmant. "Il faut impliquer toutes les personnes : les achats, le travel, l'IT, les RH. La démarche n'est pas compliquée si le soutien et la demande viennent de la direction générale de l'entreprise", confirme Cédric Lefort. Le timing a bien sûr également son importance : "Si on veut vraiment se lancer dans le fond des choses, il faut prendre la problématique sous l'angle du projet de transformation. Si au cours de la même période, un nouvel ERP est eu cours d'implémentation, le moment sera mal choisi", indique Kathleen Stilmant.

L'appui des outils technologiques joue un rôle précieux en facilitant la vie d'un collaborateur, mais aussi en permettant un contrôle suivi en termes d'achats, de notes de frais. Les solutions implémentées doivent être simples, fournir des mises à jour permanentes, avec des systèmes d'approbation rapides. Ils permettent par exemple d'intégrer automatiquement la TVA adaptée aux types de dépenses et aux territoires concernés, ce qui apporte une sécurisation financière.

Une tâche à externaliser ?

Pour gérer efficacement un programme de sécurité voyages en tenant compte des évolutions nécessaires, la mobilisation des ressources les plus adaptées représente une question centrale. "Il faut se demander si les ressources internes sont disponibles dans ce but. Une solution peut être l'externalisation de la tâche, ou une approche hybride, avec un responsable dédié qui prend en charge un certain nombre d'aspects, et bénéficie d'une forte assistance de la part d'un prestataire externe. La mise à jour des informations relatives à des pays, des textes est un point contraignant qui demande parfois de mettre sur pied des formations. Souvent, les prestataires allègent la charge du client sur la partie documentation. L'entreprise reste à l'inverse beaucoup plus impliquée sur les volets décisionnels", décrit Kathleen Stilmant. Le prestataire peut être aussi bien l'éditeur d'un outil de réservation en ligne qu'un spécialiste de l'assistance ou un expert sûreté et sécurité.

 
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