GNL: l'Europe veut couper le robinet russe, mais est-ce bien réalisable ?
Billet d'humeur - Déjà trois ans que l'Europe souhaite s'émanciper de sa dépendance gazière. En France, le gaz russe représente un cinquième des importations. Mais ce voeu pieux se heurte à une nouvelle valse-hésitation commerciale, et peut-être à de nouvelles formes de dépendance.

"On a pas de pétrole mais on a des idées", lançait en 1976 Valéry Giscard d'Estaing, alors ministre des Finances dans un contexte de crise énergétique. En 2025, l'on pourrait se dire qu'on a bientôt moins de gaz mais pas plus d'idées non plus. Car il ne suffit pas de décréter la fin d'une dépendance pour en être libéré. Mardi, la Commission européenne a planté un jalon supplémentaire dans sa volonté de couper le cordon avec les énergies russes. Que retenir de cette nouvelle annonce ? Fin des nouveaux contrats dès cette année, interdiction totale des contrats à long terme à l'horizon 2027, GNL compris. Le ton est résolu, l'échéance posée. Mais derrière les postures, les tuyaux restent ouverts.
La France, malgré ses discours de souveraineté énergétique, continue d'importer massivement du gaz liquéfié russe. Moins qu'avant, certes, mais toujours près d'un cinquième de sa consommation. Et ce n'est pas faute de plans ou de déclarations de rupture : RePowerEU, taxonomie verte, clauses de force majeure... Les cases réglementaires sont cochées, reste celles de l'efficacité.
Dans les coulisses des entreprises, les directions achats spécialistes du secteur de l'énergie observent cette mise en scène avec réalisme. Rompre des contrats dans un marché globalisé, c'est faire face à des clauses complexes, à des arbitrages juridiques risqués, à des hausses de coûts parfois massives. Et surtout, c'est remplacer une dépendance par une autre. Qatar, Algérie, Texas... Changer de drapeau sur la facture ne garantit ni transparence, ni durabilité.
La vraie question, en creux, est celle du courage industriel. Quels investissements structurels sont engagés pour relocaliser la production d'énergie ? Quelle politique de long terme pour les infrastructures, les stockages, les énergies renouvelables ? Et surtout, quelles incitations concrètes pour les acheteurs à refuser la facilité de l'existant, fût-il russe ou américain ?
Brandir l'indépendance comme un étendard ne s'improvise pas. Elle se construit, méthodiquement, dans les contrats, les technologies, les arbitrages énergétiques du quotidien. Sans cela, les résolutions européennes resteront des voeux pieux. Et les acheteurs, en première ligne, continueront à jongler entre convictions, réalités de marché et injonctions politiques.
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