Rex CPO Veolia : Comment innover et initier de nouvelles dynamiques de collaboration ?
Dans cette première partie d'entretien, Florence Baiget revient sur la manière dont la fonction achats est devenue un levier stratégique majeur pour accompagner la transformation écologique de l'entreprise et sa compétitivité.

Pouvez-vous nous rappeler en quelques mots ce que fait Veolia et comment la fonction achats s'intègre dans le coeur de métier de l'entreprise ?
Veolia est le champion de la transformation écologique, opérant autour de trois grands domaines : l'eau, les déchets et l'énergie. Notre mission consiste à répondre aux enjeux environnementaux majeurs tout en accompagnant la croissance économique. Dans ce cadre, nous avons lancé le plan stratégique " Green Up 2024-2027 ". La fonction achats est au coeur de cette transformation : elle contribue à la compétitivité de l'entreprise en travaillant étroitement avec nos fournisseurs pour créer de la valeur économique, environnementale et sociale. Nous veillons à ce que chaque dépense alimente la stratégie globale et soutienne la transition écologique de Veolia.
Qu'est-ce qui fait la spécificité d'être acheteur chez Veolia ?
Travailler chez Veolia, c'est évoluer dans une entreprise qui porte un fort sens et qui a un impact réel sur les enjeux écologiques et sociétaux. Pour nos acheteurs, c'est l'opportunité de travailler sur des projets ambitieux, avec un volume de dépenses d'environ 16 milliards d'euros, et de gérer une diversité de catégories allant du local au global. Environ 75 % des achats sont pilotés localement, nécessitant une parfaite connaissance des réalités du terrain, tandis que 25 % relèvent d'une approche centralisée pour des synergies transverses. Cette double approche " glocale " rend le métier à la fois stimulant et stratégique, avec un fort ancrage terrain tout en bénéficiant d'une vision globale.
Comment se traduit le plan stratégique Green Up dans votre fonction achats et quels en sont les enjeux ?
Le plan Green Up se décline autour d'un double impératif : " performe et transforme ". D'un côté, il s'agit d'assurer la compétitivité économique de Veolia, en optimisant les coûts et en accompagnant le développement de segments identifiés comme boosters. De l'autre, il faut transformer la manière dont nous opérons, en repensant nos processus et en renforçant la collaboration entre les Business Units, les zones géographiques et la fonction corporate. Pour ce faire, nous avons défini des KPI pluriels - économiques, environnementaux, de risque, d'innovation et d'éthique - afin de mesurer la contribution de chaque action et de chaque fournisseur à notre stratégie globale.
Pouvez-vous développer comment vous intégrez la décarbonation et l'innovation dans la relation avec vos fournisseurs ?
Notre objectif est d'embarquer nos fournisseurs dans la trajectoire de décarbonation de Veolia. Pour cela, nous avons évalué que les achats (scope 3) représentent environ 7 millions de tonnes de CO2, soit 11 % de notre empreinte carbone. Nous avons ainsi lancé une première vague d'engagement avec environ 300 fournisseurs stratégiques, afin qu'ils élaborent des roadmaps de décarbonation en phase avec nos engagements. Par la suite, nous mettons en place une plateforme digitalisée destinée à accompagner des milliers d'autres fournisseurs grâce à des outils tels qu'une calculette d'empreinte carbone, des modules e-learning et des plans d'action personnalisés. Par ailleurs, nous encourageons des projets collaboratifs, par exemple la mise en place de boucles d'économie circulaire ou la réorganisation conjointe de la supply chain, afin de créer des gains à la fois économiques et environnementaux.
Un exemple de projet innovant qui a valorisé le métier d'acheteur chez Veolia ?
Un projet phare a été l'événement " TradeUp " organisé dans le cadre du plan Green Up. Sur trois jours, nous avons réuni 230 leaders achats provenant de 50 pays, ainsi que nos équipes internes et 25 fournisseurs stratégiques. Cet événement a permis de partager notre vision, de travailler en groupes collaboratifs et de générer de nouvelles idées pour optimiser notre démarche achats. Les retours ont été extrêmement positifs, avec un Net Promoter Score (NPS) exceptionnel, et cet événement a permis d'initier de nouvelles dynamiques de collaboration interne et avec nos partenaires fournisseurs. Il a aussi renforcé la compréhension des besoins du terrain, comme la nécessité d'une meilleure communication ou d'une présence plus affirmée sur le terrain lors des projets CAPEX.
Comment la fonction achats s'adapte-t-elle aux nouvelles réglementations ?
Nous sommes pleinement engagés dans la démarche CSRD et dans la mise en oeuvre des normes USRS, qu'il s'agisse de la gouvernance ou des conditions de travail au sein de la chaîne de valeur. Certes, la collecte de données sur des centaines de KPIs à travers 54 BU et divers ERP représente un défi de taille, mais nous le considérons comme une opportunité. Cela nous oblige à améliorer notre maîtrise de la data et à renforcer notre système de gestion des risques. Par ailleurs, cette réglementation décloisonne les directions et favorise une meilleure intégration de nos initiatives en matière d'achats responsables, déjà présentes dans nos rapports extra-financiers, et leur donne une visibilité accrue.
Quel rôle joue la digitalisation dans la transformation des achats chez Veolia ?
La digitalisation occupe une place centrale dans notre transformation. Nous avons engagé plusieurs chantiers liés à la data et à l'intelligence artificielle, afin de repenser nos outils et nos processus. Par exemple, nous avons mis en place une plateforme digitale destinée à accompagner nos fournisseurs dans l'évaluation de leur empreinte carbone et à automatiser le suivi de nos KPI. La digitalisation permet également d'améliorer la collaboration entre nos équipes, en facilitant le partage de bonnes pratiques et la capitalisation des connaissances au sein de la Procurement Academy. En somme, elle est le levier qui nous aide à gagner en efficacité, en réactivité et en innovation dans un environnement de plus en plus complexe.
Comment gérez-vous les défis liés à la diversité de vos fournisseurs ?
Nous gérons cette diversité en segmentant nos fournisseurs et en adaptant notre approche en fonction de leur taille et de leur niveau de maturité. Pour les fournisseurs stratégiques et majeurs - qui représentent environ un tiers de nos émissions CO2 - nous adoptons une approche exigeante et travaillons en étroite collaboration pour développer des roadmaps de décarbonation. Pour les autres, nous déployons progressivement des outils digitaux, comme des calculettes d'empreinte carbone et des modules de formation en ligne, afin de les accompagner dans leur transformation. Nous misons ainsi sur une approche différenciée qui permet de maintenir un haut niveau d'exigence tout en tenant compte des réalités et des capacités de chacun.
Comment voyez-vous la fonction achats chez Veolia dans les prochaines années ?
Je vois la fonction achats évoluer vers un rôle encore plus stratégique et intégré au coeur des décisions de l'entreprise. L'avenir passera par une montée en maturité de nos outils digitaux, une meilleure gestion de la data et une collaboration renforcée avec l'ensemble des parties prenantes internes et externes. Nous poursuivrons notre démarche de décarbonation et d'innovation, en intégrant de nouveaux indicateurs de performance liés aux enjeux environnementaux et sociétaux. Par ailleurs, nous souhaitons renforcer notre attractivité en développant continuellement les compétences de nos équipes, grâce à des formations innovantes et des parcours de carrière diversifiés. En résumé, la fonction achats deviendra un véritable levier de transformation, capable de conjuguer performance économique, impact environnemental et cohésion sociale.
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