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Publié par Aude Guesnon le | Mis à jour le

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Comment vous assurez-vous de la qualité des produits que vous achetez ?

Tout ce qui est alimentaire est dégusté chez nous. Nous avons plusieurs types de dégustation. Les dégustations régulières - le service qualité établit un calendrier annuel pour les 1 800 références - que nous testons en cuisine. Nous avons aussi les dégustations "action". Tout ce qui est dans notre catalogue doit être dégusté, notamment les produits proposés lors des opérations spéciales, avant la mise en vente. Tous les jours, les acheteurs goûtent ce qu'ils achètent. Ce sont les dégustations des experts. 70% de notre temps se passe en dégustation. Et pour les produits qui sont à cuisiner, notre cuisinier doit suivre les conseils de préparation indiqués sur l'emballage par le fabricant. Le temps de cuisson, par exemple, est scrupuleusement respecté. Si ce n'est pas bon, le fabricant est prié de revoir sa copie. Pour la foire aux vins, nous dégustons 4 000 bouteilles sur six semaines, en ne connaissant ni le nom, ni les volumes, ni le prix. Nous sommes alors une quinzaine. Et pour parvenir à en mettre 140 en magasin, partout en France, nous devons en sélectionner environ 700. Nous soumettons ensuite notre sélection à deux laboratoires d'oenologie qui valident, ou pas, les qualités intrinsèques des produits. Après, seulement, on discute volumes et prix avec les producteurs. Mon bonheur à moi, c'est de trouver des vins excellents à petits prix dans nos rayons. Et chaque année, nous comparons nos produits avec ceux de la concurrence. Nous achetons tout chez les concurrents et nous comparons les produits, les emballages. Tout est passé au crible.

Nous contrôlons en permanence la qualité de nos MDD afin de s'assurer de leur régularité. Nous faisons également, chaque année, plus de 15 000 analyses bactériologiques et 15 000 analyses pesticides sur les fruits et légumes par an. Nous réalisons plus de 600 audits fournisseurs avec 300 points de contrôle. Et quand l'audit sort rouge, nous convoquons le fournisseur. Nous listons les points qui ne vont pas et il a 90 jours pour se mettre en conformité. Ensuite nous recontrôlons. Nos fournisseurs savent que tout est scrupuleusement contrôlé. Et je n'achète pas du premier prix. La question du prix arrive toujours en fin de discussion, après avoir validé le cahier des charges qualité, le packaging, la logistique, le conditionnement, la palettisation, etc.

Vos acheteurs sont-ils intéressés aux savings ou objectivés sur la marge ? Sur la RSE ?

Non. Ils ont un salaire fixe, et c'est tout. Ils sont en revanche poussés sur la RSE. J'ai une responsable RSE à qui j'ai donné pour objectif de rendre fous les acheteurs en les "challengeant" au quotidien sur les enjeux de développement durable. C'est une tâche dont elle s'acquitte avec brio.

Les Français sont de plus en plus regardants sur la qualité des produits alimentaires qu'ils consomment. Comment intégrez-vous cette volonté ? Travaillez-vous avec des applis comme Yuka ?

Il y a une personne qui ne fait que cela : vérifier les nutriscores, la note Yuka et voir comment les améliorer. Quand nos produits sont mal notés, nous travaillons avec les fournisseurs pour changer la formule et améliorer le score. L'idée est d'avoir des produits qui soient "propres", sains et bons. Nous nous efforçons de diminuer le sel et le sucre dans nos plats. Nous travaillons là aussi avec nos fournisseurs. Nous dégustons des nouvelles formules proposées par le fournisseur, encore et encore, à l'aveugle, pour développer la meilleure recette. Et une fois la formule retenue et commercialisée, nous suivons les ventes avec beaucoup d'attention. Si elles chutent, on arrête tout ; on revient en arrière et on reprend le travail.

Nous nous efforçons de réduire les emballages, de supprimer les plastiques en privilégiant le carton. Après révision, certains packagings coûtent plus cher, d'autres moins. L'essentiel est de s'y retrouver au global. Et lorsque nous nous saisissons d'un sujet, nous le faisons toujours dans le cadre d'une discussion avec les producteurs, les fabricants, en adoptant une démarche pragmatique qui considère les contraintes de chacun. Et qui privilégie le dialogue car rien ne remplace la concertation. Il n'est pas question d'imposer une décision unilatérale. Sur le sujet des oeufs... certains acteurs ont décidé de ne plus acheter d'oeufs de poules élevées en cage. Soit. Mais rappelons que les producteurs avaient été, il y a quelques années, contraints de renouveler leur matériel pour mettre les poules en cage. Or, du jour au lendemain, on leur dit qu'il ne faut plus de cages ! Certains n'ont même pas eu le temps d'amortir leur matériel et doivent maintenant en changer.Alors oui, nous allons arrêter les cages mais il faut là aussi être pragmatique. Nous avons réuni les éleveurs pour savoir quand ils pourraient changer leur modèle. Après discussions, nous avons tranché : en 2025, plus d'oeufs de poules en cage sur le milliard d'oeufs que nous vendons chaque année. Avant 2018, nous négociions le prix des oeufs de façon hebdomadaire. À présent, le prix est indexé sur la courbe ITAVI [coût des matières premières dans l'alimentation des volailles, NDLR] et nous le répercutons sur le prix de vente.

Et le bien-être animal ?

Nous travaillons aussi sur ce sujet, bien évidemment. En concertation avec le monde agricole, les ONG, toujours avec pragmatisme. Il est impératif de respecter les acteurs du monde agricole. Si nous les faisons mourir à force de contraintes, nous devrons au final acheter à l'étranger, dans des pays moins regardants en termes de bien-être animal !

Être plus respectueux de la planète consisterait aussi à cesser de proposer, et donc d'acheter, des choses terribles pour l'environnement telles les lingettes jetables, les bouteilles en plastique, les prospectus... Comment vous positionnez-vous sur ces sujets ?

Je ne peux pas arrêter de vendre ces produits, ce serait une perte sèche pour Lidl. Et les consommateurs qui en demandent iraient de toute façon s'approvisionner ailleurs. Il faut travailler intelligemment sur ces sujets. Je ne vais pas arrêter les bouteilles mais je vais réduire la teneur en plastique de l'emballage et mettre un point de collecte des bouteilles vides en magasin (un centime en échange de chaque bouteille rapportée). Ça, ce sont des choses que nous pouvons faire. Pour les prospectus, je pose la question : pousser la communication digitale est-il vraiment mieux pour l'environnement ? Encore une fois, il s'agit d'être dans le discernement. Nous agissons sur de nombreux axes. Nous utilisons du papier recyclé, nous réduisons chaque année le format, mais nous en distribuons 12 millions chaque semaine, c'est un outil de communication qui reste essentiel pour nous. Nous avons fait de nombreux tests dans différentes zones en les supprimant. Sur certains secteurs, les ventes n'étaient pas impactées par l'absence de prospectus, nous les avons donc supprimés. Dans d'autres zones, ayant perdu 25 % du chiffre d'affaires, nous avons redistribué des prospectus.

Venons-en à vos "coups". Le Monsieur Cuisine, les baskets qui ont affolé les fashionistas... Comment gérez-vous ces achats ?

98 % des achats de produits non alimentaires sont faits en Chine. Nous avons un gros bureau achats Lidl en Chine qui comprend quelque 1 000 acheteurs. Ils sont chargés de traquer les conditions environnementales et éthiques de production de ce qu'ils retiennent. Quatre fois par an, le bureau chinois propose aux acheteurs de Lidl les produits qu'ils ont sourcés. Ils deviennent alors vendeurs auprès des acheteurs. Mes équipes passent une semaine sur place et passent commande de ce qu'elles ont sélectionné pour les vendre l'année d'après. En avril 2021, elles vont commander les produits qui seront vendus en mars 2022. Cette histoire de baskets Lidl, de chaussettes et de claquettes est dingue ! Dans le cadre d'une fashion week, les acheteurs internationaux ont proposé, en 2019, des vêtements Lidl. Je n'y croyais pas, j'ai passé mon chemin. Mais les acheteurs belges de Lidl en ont pris pour leur site e-commerce. Ils les ont mis en vente fin mai 2020... et ce fut la folie. Ces produits ont fait le buzz sur les réseaux sociaux et des stars françaises, notamment Djibril Cissé (parce que sa maman fait ses courses chez Lidl !), nous ont contactés pour en avoir... Pour les satisfaire, nous avons récupéré des articles auprès de nos collègues belges. Devant l'engouement, nous avons appelé l'acheteuse pour en commander 120 000 unités mises en vente en décembre 2020. Tout est parti en 10 minutes. Lidl est devenue cool. Nous représentons l'achat malin. Nous avons réussi à changer d'image en une dizaine d'années.

Monsieur Cuisine avait défrayé la chronique après qu'un micro ait été découvert, dont Lidl avait indiqué ignorer la présence. Votre fournisseur voulait-il écouter les clients de Lidl ?

Effectivement, nous ignorions la présence de ce capteur. Lorsque le "sujet" a éclaté, nous avons contacté notre fournisseur qui nous a expliqué que les robots de la concurrence ayant adopté la commande vocale, il avait prévu ce micro pour l'activer ultérieurement. Bien évidemment, il n'est pas en fonction et ne le sera jamais sans l'autorisation préalable des utilisateurs.

Bio express

Après une formation dans le tourisme, et diverses expériences aux côtés notamment de Bernard Loiseau ou en tant que gérant d'un hôtel à Buenos Aires, c'est en 2001 que Michel Biero intègre une fonction commerciale chez Lidl, dans sa région d'origine l'Alsace. Issu d'une famille de choucroutiers et proche du monde agricole, il gravit les échelons au sein de l'enseigne et devient en 2011 directeur exécutif achats et marketing. Il est à l'origine, avec les 8 autres membres du Comex, du repositionnement de l'enseigne et de la création de la centrale d'achats de Rungis en 2013. C'est sous la direction de Michel Biero que l'enseigne participe pour la première fois au Salon International de l'Agriculture en 2015 afin de défendre ses engagements en faveur du made in France.

 
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Aude Guesnon

Rédactrice en chef de décision-achats.fr et de Décision Achats

Après avoir exercé plus de dix ans en tant que réactrice en presse quotidienne, j’ai voulu découvrir un autre pan du métier : je suis devenue [...]...

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