Épargner ou réinvestir l'écosystème pour stimuler l'innovation ?
Quels sont les moyens d'encourager les entreprises à innover dans un contexte global marqué par des transitions technologiques et environnementales majeures. Compte rendu d'une table ronde en compagnie de Paul Midy, député de la 5e circonscription de l'Essonne,Patrick Aufort, Directeur de l'agence innovation Défense, Frédéric Metge, Vice Président Comité Richelieu, Jean-Luc Brossard, président de la commission numérique et innovation du MEDEF.
La table ronde organisée par le MEDEF et le comité Richelieu a mis en lumière l'importance d'un écosystème qui facilite l'accès au financement, aux compétences et aux marchés pour soutenir l'innovation. Paul Midy a plaidé pour la conservation et le renforcement des dispositifs existants, comme le Crédit Impôt Recherche (CIR) et les aides pour les jeunes entreprises innovantes (GEI). Ces dispositifs permettent, par exemple, aux particuliers d'investir jusqu'à 150 000 euros dans des start-up avec des avantages fiscaux allant de 30 à 50 %. Selon lui, il est crucial de maintenir ces mesures et d'accélérer leur mise en oeuvre. « Nos TPE et PME innovantes ont généré des centaines de milliers d'emplois ces dernières années. Si nous voulons rester compétitifs et souverains technologiquement, il faut investir davantage et plus efficacement », a-t-il affirmé, en appelant à une approche collective et à long terme.
Des investissements ciblés et complémentaires
Patrick Aufort a apporté un éclairage spécifique sur le secteur de la défense, où les innovations sont souvent à double usage, civil et militaire. Selon lui, il est essentiel d'investir là où d'autres ne le font pas, tout en alignant les priorités pour maximiser l'impact. L'Agence de l'innovation de Défense, qu'il dirige, met en place des dispositifs variés, incluant des fonds d'investissement pour soutenir les projets à différentes étapes de leur développement. « Il ne suffit pas de financer un prototype. L'objectif est d'accompagner les innovations jusqu'à leur industrialisation et leur déploiement auprès des utilisateurs finaux », a-t-il expliqué. Il a également insisté sur l'importance de réduire la distance entre industriels et opérationnels pour accélérer la mise au point des technologies, notamment par des expérimentations collaboratives.
Un rôle clé pour les pôles de compétitivité et les filières
Jean-Luc Brossard, fort de 40 ans d'expérience dans le secteur automobile, a souligné la nécessité de renforcer les pôles de compétitivité. Ces structures jouent un rôle essentiel dans la coordination des acteurs locaux, des start-up aux grandes entreprises, en passant par les institutions publiques. Dans le secteur automobile, des initiatives telles que l'« hôtel de l'écosystème automobile » en Île-de-France ont permis de regrouper des associations et des organisations clés pour créer des synergies. « Face à des transitions technologiques et écologiques majeures, comme l'électrification des véhicules, il est indispensable d'investir massivement et de garantir une continuité des efforts », a-t-il déclaré, citant les investissements massifs de Stellantis dans les gigafactories de batteries.
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Combler les lacunes en matière d'information et d'accès
Frédéric Metge, vice-président du Comité Richelieu et investisseur actif, a mis en avant une problématique récurrente : de nombreuses PME, notamment en régions, n'ont pas pleinement accès aux dispositifs d'aide à l'innovation. En raison d'un manque d'information ou de démarches perçues comme trop complexes, ces entreprises passent à côté d'opportunités essentielles pour leur croissance. « Il est impératif de renforcer la transmission d'informations et de simplifier les processus pour que toutes les entreprises, et pas seulement les start-up, puissent innover rapidement et efficacement », a-t-il estimé. Selon lui, ces lacunes freinent l'innovation et limitent le potentiel de nombreuses PME déjà rentables.
L'innovation comme enjeu stratégique pour la France et l'Europe
Les intervenants ont unanimement souligné que l'innovation n'est pas seulement un enjeu économique, mais aussi stratégique. Paul Midy a appelé à des ambitions accrues, tant au niveau national qu'européen, pour soutenir des projets d'envergure. « Nous devons passer de France 2030 à France 2050 avec des financements encore plus ambitieux, alignés sur des initiatives européennes comme Horizon Europe », a-t-il déclaré. Patrick Aufort a également insisté sur l'importance de renforcer la coopération européenne dans le domaine de la défense, citant que 80 % des dépenses de défense de l'Union sont actuellement effectuées hors Europe, notamment aux États-Unis. « Si ces dépenses étaient localisées en Europe, cela créerait un effet levier immédiat sur l'innovation et la compétitivité de nos entreprises », a-t-il illustré.
Des prototypes au marché : un défi majeur
Tous les intervenants ont convenu que l'innovation ne doit pas s'arrêter à la conception de prototypes. Le véritable défi réside dans le passage à l'échelle, c'est-à-dire l'industrialisation et la commercialisation des innovations. Pour cela, un écosystème bien structuré et des financements adaptés sont indispensables. « L'innovation, c'est tout ce qui est nouveau et qui rencontre son marché. Nous devons aller au bout du processus pour que nos idées se transforment en produits tangibles et compétitifs », a résumé Jean-Luc Brossard.
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