Télétravail : comment manager à distance ?
La récente réforme du Code du travail facilite l'accès au télétravail. Si cela est positif à plusieurs égards, les managers peuvent être décontenancés face à la manière de gérer ces employés qui ne sont pas dans les locaux de l'entreprise. Trucs et astuces pour un management à distance réussi.
Je m'abonneSelon une étude Ifop pour Malakoff Médéric Humanis (février 2019), 29 % des salariés français ont déjà pratiqué le télétravail de manière occasionnelle ou régulière en 2018. Un chiffre en augmentation par rapport à 2017, qui s'établissait alors à 25%. Une progression qui peut s'expliquer par les ordonnances de 2017 qui favorisent l'assouplissement de la mise en place du télétravail en entreprise. Mais pas uniquement : salariés comme dirigeants plébiscitent le télétravail, pour l'efficacité qu'il génère (79% des dirigeants et 89% des salariés), mais aussi pour la diminution de l'absentéisme (1 dirigeant sur 2) et l'amélioration de la qualité de vie au travail (77% des télétravailleurs).
Seule ombre au tableau : les dirigeants ne savent pas toujours comment aborder le management à distance. En effet, si 64 % des dirigeants interrogés par l'Ifop estiment que le télétravail constitue une opportunité de renouveler les pratiques managériales, ils sont 56 % à souligner les difficultés que peut engendrer le management à distance.
Contrat de télétravail
Conscient de ces difficultés, Daniel Ollivier, directeur associé de Thera Conseil, cabinet spécialisé dans l'efficience managériale et la conduite du management, a publié un ouvrage : Manager le travail à distance et le télétravail (Gereso Edition). Premier conseil : bien formaliser ce qui est attendu des salariés en télétravail. "Il faut mettre par écrit les missions du salarié, les résultats attendus, etc...", énumère-t-il, conseillant de faire une actualisation tous les 3/6 mois. Selon lui, ce cadre clair permet de construire une relation de confiance et de laisser le salarié travailler en autonomie, sans se soucier sans cesse de son implication dans ses missions.
Le Code du travail prévoit d'ailleurs que la mise en place du télétravail se fasse via un accord collectif ou via une charte élaborée par l'employeur (validée par le Conseil social et économique) qui définit les postes éligibles au télétravail, les conditions de passage en télétravail, le mode d'acceptation des salariés des conditions de mise en oeuvre du télétravail, le moode de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail et les plages horaires durant lesquelles l'employeur peut contacter le salarié. "Cette charte doit notamment faire apparaître le rythme (par exemple 3 jours par semaine ou 3 jours par mois), les conditions de déclaration (pas la veille pour le lendemain, planning à communiquer tous les mois, etc...), les exigeances de réponse (se connecter pour telle ou telle réunion, etc... Il s'agit des règles du jeu, en somme, qui, écrites dans la charte, sont portées à la connaissance de l'ensemble des salariés", décrit Annette Chazoul, responsable de l'offre "Management" de l'organisme de formation Cegos.
Contrôle et proactivité
Si ce contrat est essentiel pour s'assurer que tout est clair pour les télétravailleurs, il ne suffit pas ! Pour être en confiance, le manager doit organiser, surtout au début, des moyens de contrôler le travail du salarié à distance : temps de connexion, respect du planning, réponses aux différents appels, etc... Annette Chazoul (Cegos) conseille de faire des points réguliers pour effectuer les réglages nécessaires à la poursuite du télétravail. "Il faut ajuster en permanence ce qui ne fonctionne pas", conseille-t-elle. Ces points réguliers sont importants pour parler de l'organisation du télétravail en tant que telle mais aussi du travail réalisé par le télétravailleur et enfin pour garder un lien avec ce dernier. "La distance physique ne doit pas créer une distance relationnelle", avertit Daniel Ollivier (Thera Conseil). Des réunions d'équipe doivent par ailleurs être régulièrement organisées pour maintenir une cohésion d'équipe.
La façon de manager doit être également revue. Daniel Ollivier invite à faire preuve de davantage de proactivité : "Beaucoup de managers ne font pas réellement de management mais gèrent la production et accompagnent leurs collaborateurs de manière réactive. La distance permet plus cela et le manager doit donc devenir un architecte en concevant des processus et des modes opératoires sur lesquels le télétravailleur pourra s'appuyer pour travailler en toute autonomie sans improviser", conseille-t-il. Il s'agit donc d'anticiper différentes situations pour donner, en amont, aux télétravailleurs les clés pour les résoudre. Ce qui leur permettra d'être davantage responsables et aux managers d'avoir davantage confiance.
Personnaliser le management
Autre clé de succès, selon Daniel Ollivier (Thera Conseil) : personnaliser la relation avec les collaborateurs. "Il faut savoir qui est introverti, qui est extraverti, qui fait preuve de proactivité, qui est résistant au changement, etc... Cela permet de savoir quels sont, pour chaque personne, les points de vigilance et les clés de réussite. Le management ne doit pas être le même d'une personne à l'autre. Et cela est encore plus vrai avec le management à distance", observe-t-il. En effet, même si les outils pour travailler à distance sont de plus en plus élaborés, le tir est plus difficile à corriger si on ne sait pas quels signaux faibles surveiller. Cette personnalisation permet aussi d'adapter le contrat de télétravail à la personne, les nombre de jours accordés ainsi que les missions confiées.
Tous télétravailleurs ?
La loi prévoit qu'un employeur qui refuse d'accorder le télétravail à un salarié occupant un poste permettant d'en bénéficier doit motiver sa réponse. Et il est difficile de ne pas accorder le télétravail à une personne tandis que tous ses collègues en bénéficient. "Si on décide d'ouvrir le télétravail à un métier, on ne peut pas faire de distinction entre les personnes", résume Anne Chazoul (Cegos).
Pourtant, comme le souligne Daniel Ollivier (Thera Conseil), "tout le monde ne peut pas être télétravailleur". Par exemple, certaines personnes ont besoin d'interactions humaines pour être stimulées. "Les managers doivent analyser la capacité des salariés à bien vivre l'isolement, à prendre des initiatives, à trouver des solutions seuls, à bien gérer le stress face à un écueil, etc... ", recommande-t-il. Le manager peut aussi, lors de cette phase d'analyse, faire prendre conscience aux personnes de leur capacité ou non à télétravailler.
Quoi qu'il en soit, Daniel Ollivier conseille d'insérer de la progressivité, de proposer un jour par mois, puis deux, puis trois, puis un jour par semaine en fonction des résultats. Car la suppression du télétravail suite à un échec pourrait être très mal vécu par le collaborateur. "Y aller pas à pas permet de créer de la confiance, socle nécessaire eu télétravail, mais aussi d'ajuster ce qui ne fonctionne pas", souligne Annette Chazoul. Elle rappelle que le salarié doit être en capacité d'être en télétravail. "Il doit bénéficier chez lui d'un endroit où il peut s'isoler pour travailler", indique-t-elle. Et l'employeur doit de son côté fournir le matériel technique adéquat. Ce qui peut coûter cher, d'où l'importance d'une réflexion en amont.
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