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Violation d'une licence de logiciel : contrefaçon ou manquement contractuel ?

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Violation d'une licence de logiciel : contrefaçon ou manquement contractuel ?

La question de la responsabilité d'un utilisateur ne respectant pas les conditions de licence d'un logiciel est épineuse : manquement contractuel ou contrefaçon ?

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La cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 19 mars 2021, confirme la nature contractuelle de l'action pour non-respect de la licence.

L'action en contrefaçon, régime protecteur des droits des éditeurs de logiciels...

Lorsque des litiges surgissent entre éditeurs et utilisateurs de logiciels dans le cadre d'audits de licence, il n'est pas rare que l'éditeur fasse état du non-respect de ses droits de propriété intellectuelle dans l'utilisation des licences par sa cliente. Pour s'épargner un possible procès en contrefaçon, l'entreprise utilisatrice va bien souvent " acheter la paix " pour mettre un terme à ce litige, formalisé dans un protocole transactionnel confidentiel. Mais le prix de la paix est souvent très élevé au pays des éditeurs !

Si les contentieux en contrefaçon de logiciels pour violation des conditions de licence sont rares dans la pratique, agir sur ce fondement pourrait en effet s'avérer être une arme redoutable pour les éditeurs puisqu'elle contribue à protéger leurs droits de propriété intellectuelle sur les logiciels qu'ils exploitent.

Pour que ce type d'action puisse prospérer, la contrefaçon doit être prouvée, et porter sur un logiciel original. Si la preuve de la contrefaçon s'établit généralement au moyen d'une saisie-contrefaçon du logiciel litigieux, la preuve de l'originalité du logiciel que devrait rapporter l'éditeur n'est pas chose aisée en pratique. En outre, pour l'évaluation des préjudices subis, le titulaire des droits sur le logiciel pourra identifier les bénéfices tirés par le contrefacteur de l'exploitation contrefaisante, les conséquences économiques négatives et le préjudice moral subi ou réclamer une indemnisation forfaitaire.

...refusée par la Cour d'appel de Paris lorsqu'un contrat de licence existe

Dans l'arrêt de la cour d'appel de Paris examiné, l'éditeur Entr'Ouvert avait mis à disposition son logiciel LASSO sous licence Open Source auprès d'un client. Les conditions d'utilisation interdisaient la copie et la distribution à l'identique du code ainsi que toute modification du programme. Constatant une violation des conditions de la licence concédée, l'éditeur a agi en justice pour demander réparation de son préjudice sur le terrain de la contrefaçon.

S'appuyant sur la décision de la Cour de Justice de l'Union Européenne en date du 18 décembre 2019, les juges de la Cour d'Appel de Paris rappellent que la directive européenne n°2009/24 sur la protection des logiciels par le droit d'auteur ne fait pas de distinction selon qu'une licence existe ou non. Les juges relèvent également que la violation du contrat de licence est une atteinte aux droits de propriété intellectuelle des titulaires des droits d'exploitation. Mais la Cour d'Appel relève que lorsque l'atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d'un manquement contractuel (en l'occurrence, les articles 1 et 2 de la licence libre GNU GPLv2), alors seule l'action en responsabilité contractuelle n'est recevable. En vertu du principe du non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, une telle décision a pour conséquence de rendre inapplicables toutes les garanties dont devrait bénéficier le titulaire des droits (en l'occurrence l'éditeur) par le droit d'auteur en cas de contrefaçon sur son logiciel.

Cette décision pourrait-être contestable ce d'autant que la Cour de cassation a pu reconnaitre dans le passé la possibilité d'agir sur le terrain de la contrefaçon et ce, alors même qu'un contrat existait entre les parties. Il sera intéressant de connaitre sa position à l'avenir.

La clause d'audit dans les contrats de licence

L'éditeur qui souhaiterait établir le manquement d'un client aux conditions de licence octroyées sur un logiciel doit pouvoir le prouver. Sur le terrain contractuel, ce type de preuve est généralement rapporté à la suite d'un audit mené sur le système du client, utilisateur du logiciel, en amont de tout procès.

Les conditions de réalisation d'un tel audit doivent être impérativement définies dans le contrat ; le client devant être particulièrement vigilant de l'impact pour son activité ou ses finances, en cas de dépassement avéré du nombre de licence acquises ou du non-respect du périmètre contractuel convenu. Ainsi, le contrat devra prévoir par exemple, le délai et la fréquence des audits, le périmètre considéré, les outils utilisés lors du contrôle ou encore prévoir le coût d'acquisition de licences supplémentaires au prix négocié (et non au prix public en vigueur lors de l'audit).

Dans le cas où les conclusions de l'audit seraient défavorables au client, révélant des manquements au contrat de licence, ce dernier pourra avoir intérêt à contester la position de l'éditeur devant les tribunaux en développant un argumentaire destiné à prouver sa bonne foi et, le cas échéant, un défaut de conseil de l'éditeur.

Pour en savoir plus

Antoine Gravereaux est avocat associé du département " Propriété intellectuelle-Technologies-Data " de DS Avocats. Il apporte son expertise sur les problématiques contractuelles liées à l'externalisation d'activité essentielles pour le secteur bancaire au regard de la règlementation applicable et aux contraintes imposées par le régulateur, et plus généralement sur la dématérialisation des opérations des activités de banque.

Inès Jousset est avocate collaboratrice au sein du département " Propriété intellectuelle-Technologies-Data " de DS Avocats.

 
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