Un virage à 180° pour les outils technologiques des Achats
Le cabinet d'études Gartner prédit des bouleversements en profondeur au sein des directions achats, à la faveur de la transformation digitale des organisations. Mais les experts du domaine annoncent des changements à plusieurs vitesses, selon les types d'innovations technologiques.
Je m'abonne50 % des logiciels d'analyses de dépenses existants seront supprimés et remplacés à court terme par des solutions cloud basées sur l'intelligence artificielle. Telle est l'une des grandes annonces annuelles de ce début 2018 de Gartner, au sujet des outils technologiques permettant de gérer les approvisionnements. Autant dire qu'une véritable révolution serait prête à s'opérer. Les analystes du cabinet d'études soulignent notamment que les logiciels en place actuellement se caractérisent souvent par des processus longs et sujets aux erreurs. Un constat qui accélèrerait la transition vers des solutions de nouvelle génération, mieux adaptées à la nécessité pour les responsables de l'approvisionnement "de prendre des décisions rapides face à l'évolution des conditions du marché", indique l'étude. Gartner prédit également une arrivée massive des assistants virtuels et des chatbots intégrés, imitant le langage naturel de l'homme, pour guider au mieux les achats. Mais quelles seront les premières innovations de ce type à intégrer les services achats ?
La mutation technologique sur les rails
Jean-Philippe Clair, directeur de l'Agence digitale Keyrus, au sein du Groupe Keyrus, cabinet de conseil spécialisé en data, digital et management, rappelle qu'en ce début d'année, "SAP a racheté la jeune start-up française Recast.AI, spécialisée dans les chatbots et l'Intelligence artificielle, ce qui témoigne de cette tendance inéluctable. Des solutions de plus en plus automatisées attendent les achats et approvisionnements dans un avenir proche. Il en va du gain de temps, de l'optimisation des tâches." Il estime que "les chatbots et assistants virtuels sont la porte d'entrée la plus simple et pragmatique pour goûter aux bénéfices de l'Intelligence artificielle, sans à avoir à opérer de modifications en profondeur trop importantes. C'est pourquoi les éditeurs e-Achats et e-procurement se tournent désormais vers ces fonctionnalités."
Mais parmi les nouveautés qui bouleversent aujourd'hui la profession, ce volet technologique n'est peut-être pas le plus imminent. "Les chatbots entreront peut-être moins rapidement dans les moeurs que ce qu'on peut penser, car il y a une productivité qui reste à prouver, ainsi qu'une maturité sur ce plan qui, au sein des entreprises, s'acquiert assez lentement", souligne Luc Mathiot, VP product engineering Southern Europe chez l'éditeur de logiciels Sage. Pour Thomas Gayet, directeur du Lab Innovation chez SQLI, spécialiste de la transformation digitale des entreprises, c'est aussi avant tout une question d'usage : "Plus le traitement de la commande est complexe, moins les chatbots s'appliqueront."
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Priorité aux outils prédictifs et à la blockchain
Avec les offres innovantes qui se développent à l'heure actuelle, "on parle de plus en plus de Predictive Procurement", indique Jean-Philippe Clair. "Il s'agit là d'une tendance lourde. La recommandation prédictive est basée sur le scoring, les évaluations fournisseurs, la prise en compte d'informations internes et externes, en croisant du savoir-faire avec des données marchés, tierces. Ces outils seront peut-être les plus rapides à être adoptés." La vision interne de l'organisation des achats en ressort nettement améliorée. "Il est particulièrement intéressant de disposer d'un outil capable de dire quel référence de produit doit être acheté à un horizon de tant de jours, pour répondre pleinement à ses besoins", ajoute-t-il. "C'est un formidable moyen d'anticiper tout ce qui est répétitif, automatique", confirme Thomas Gayet.
Pour Luc Mathiot, "le paiement est également au coeur des premières révolutions que connaissent les achats. Rapidement, des solutions de paiement innovantes seront intégrées dans les logiciels, ce qui apportera un gain d'agilité non négligeable. Elles sont déjà en train de se mettre en place." La société Finexkap, par exemple, propose des solutions de financement, avec différents taux en fonction des montants achetés, des types de factures. On peut ainsi demander le paiement d'une facture. "Dans l'interface, un simple bouton permettra d'être financé. Finexkap apporte le financement, paye les factures et améliore ainsi la trésorerie de la société", poursuit-il.
La blockchain, essentielle pour la signature de contrats, les échanges de paiements, est également au coeur des débats au sein des directions achats. "C'est tout à fait compréhensible", estime Luc Mathiot. "Elle permet d'obtenir facilement l'intégralité des échanges, la dernière version des contrats, l'ensemble de l'historique correspondant, le tout très rapidement et de manière infalsifiable. L'original signé devient le seul document existant faisant foi, partagé à tout instant par toutes les parties prenantes. Quand le contrat évolue, les données évoluent également."
"L'enjeu est fort, car elle implique que les banques et les autres intermédiaires ne feront plus partie du circuit. Même si les gains espérés autour de la blockchain ne sont pas encore très bien quantifiés, c'est une innovation notable qui va se répandre rapidement", estime Thomas Gayet.