Recherche
Mag Décision Achats
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine
En ce moment En ce moment

[ITW] Risk management : "Les directions achats ont tendance à sous-estimer l'importance des couvertures assurances"

Publié par Marie-Amélie Fenoll le | Mis à jour le
[ITW] Risk management : 'Les directions achats ont tendance à sous-estimer l'importance des couvertures assurances'

Les directions achats ont tendance à sous-estimer l'importance des couvertures assurances de leurs fournisseurs. Cela se résume souvent à une clause dans les contrats. Quels sont les dangers encourus? Et quels sont les types d'assurances qui existent? Réponses de Laurent Giordani de Kyu Associés.

Je m'abonne
  • Imprimer

Quelles sont les bonnes pratiques? L'éclairage de Laurent Giordani, associé chez Kyu Associés, cabinet de conseil en management spécialisé en opérations et risk management.

Quelle connaissance ont les acheteurs sur les couvertures des assurances de leurs fournisseurs?

Le sujet "assurance" est généralement peu abordé dans les formations et les relations entre les directions achats et les directions risques et assurances sont généralement limitées. C'est pourquoi, la connaissance des acheteurs sur les couvertures assurances de leurs fournisseurs est souvent faible.

Les directions achats ont tendance à sous-estimer l'importance des couvertures assurances. Cela se traduit par une absence de politique sur ce thème, ou alors une politique non adaptée qui ne distingue pas les enjeux par catégorie et montant d'achat. Et cela se résume juste à une clause dans les contrats qui demande au fournisseur de "souscrire auprès d'une ou plusieurs compagnies d'assurances notoirement solvables, une ou plusieurs polices d'assurances le garantissant contre tous les risques découlant de l'exécution du présent contrat...". Une clause qui ne sert pas à grand-chose si elle n'est pas vérifiée.

De plus, l'exercice est tout sauf évident. Il nécessite une grande rigueur de gestion si l'on souhaite appliquer une véritable politique en la matière : collecte des attestations d'assurance, vérification de la conformité des garanties, des montants et de la viabilité de l'assureur, maintenance de l'information dans le temps (attestations qu'il faut vérifier tous les ans). Pour certains fournisseurs, la mise en conformité face aux exigences des acheteurs va aussi constituer un frein. En fonction de sa taille, il lui sera plus ou moins possible de trouver les garanties demandées à des conditions économiques acceptables. Cela peut avoir un impact sur le prix. Sans prise de conscience des acheteurs de l'importance de l'assurance, ce sera probablement la première chose qui sera lâchée en négociation (juste après la clause de responsabilité...). Par ailleurs, pour les entreprises ayant un sourcing mondial, certaines garanties demandées n'existent juste pas sur des marchés encore immature en matière d'assurance (ex : la responsabilité civile et les garanties type "rappel de produits" en Chine).

Quels sont les dangers d'une méconnaissance de ces assurances?

Le principal danger est de n'avoir que très peu de possibilités de recours en cas de problème. En l'absence d'assurance et/ou d'accord à l'amiable, la seule possibilité sera d'engager une procédure judiciaire longue et aléatoire au risque de fragiliser sa relation avec le fournisseur et/ou de la mettre en danger si celui-ci n'a pas les moyens financiers pour indemniser son client ; ce qui peut être un jeu à "qui perd gagne" dans le cas d'interdépendance avec un fournisseur de production difficilement remplaçable par exemple.

Par ailleurs, au-delà de la possibilité d'engager ou non un recours, si le fournisseur n'est pas assuré, en cas de sinistre, il devra se financer sur ses fonds propres, et s'il n'a pas les reins solides cela peut entrainer sa disparition et les conséquences qui vont avec pour ses clients.

Lire la suite en page 2 : Quels types d'assurances pour quels types de risques?



Quels types d'assurances pour quels types de risques sont importants ?

Avant de parler d'assurances, il faut resituer ça dans une politique de gestion de risque plus large. Une bonne pratique consiste à évaluer le dispositif de gestion de risque de ses principaux fournisseurs : comment est organisée leur gestion de risque ? est-ce qu'ils font une cartographie de leurs risques ? quels dispositifs de prévention ont-ils mis en place ? quels dispositifs de gestion de crise et de continuité d'activité ?... Et enfin, pour le risque dit "résiduel", quelle est leur politique assurance ? Qu'est-ce qu'ils transfèrent au marché de l'assurance ? Quelles polices ont été mise en place ?

Intégrée dans un processus d'audit par exemple, cette évaluation permettra d'apprécier la maturité des fournisseurs en matière de gestion de risque et pourra être intégrée dans des critères de qualification et de suivi de performance. Savoir par exemple qu'un fournisseur a souscrit une police "Dommages" avec des montants de garanties conséquents auprès d'un assureur "solvable" permet de savoir qu'en cas de sinistre type incendie ou catastrophe naturelle le fournisseur pourra compter sur son assureur pour financer son redémarrage le plus rapidement possible. Savoir qu'il a une police RC de qualité permet de savoir qu'il est garanti pour les conséquences financières de sa responsabilité vis-à-vis de dommages causés à ses clients... Sans assurance, il devrait le faire sur ses fonds propres.

Cela ne dédouane pas de vérifier de façon plus détaillé en particulier le contenu précis de la police Responsabilité civile pour s'assurer de sa conformité avec sa politique assurance au moment de la signature d'un contrat, mais cela permet d'identifier un risque potentiel au moment de la qualification d'un fournisseur par exemple ou de discriminer 2 fournisseurs entre eux.

Parmi les principales polices on peut citer :

Police Dommages Directs et Pertes d'Exploitation (DDPE)

L'assurance Dommages Directes et Pertes d'Exploitation (DDPE) permet à l'entreprise de s'assurer contre les dommages matériels directs sur ses sites causés par les événements garantis (incendie, explosion, dégât des eaux,...), et également de compenser les effets de la diminution du chiffre d'affaires / perte de marge et de faire face à ses charges fixes en couvrant les frais généraux permanents (amortissements, impôts et taxes, loyers, rémunération du personnel, intérêts d'emprunt...). Après un sinistre grave, l'entreprise touchée doit faire face à une baisse d'activité souvent longue, voire à un arrêt total de sa production entraînant des conséquences financières importantes. L'indemnité versée au titre de la garantie des pertes d'exploitation est destinée à compenser la baisse du chiffre d'affaires. Elle permet de replacer l'entreprise dans la situation financière qui aurait été la sienne si le sinistre n'avait pas eu lieu. En extension de la garantie "Pertes d'Exploitation", la très grande majorité des contrats d'assurance prévoient une garantie "carence fournisseurs", voire parfois une garantie "carence clients". Elle fonctionne lorsque la carence du fournisseur est liée à un événement qui a touché un établissement de ce dernier, qui n'a donc pas pu livrer correctement ou dans les temps son ou ses clients. Il faut, pour que cette garantie fonctionne, que l'événement ait un fait générateur ayant touché le fournisseur, d'une nature couverte par le contrat dommages aux biens de l'assuré.

La Police Responsabilité Civile (RC)

L'assurance responsabilité civile permet à l'entreprise de garantir les conséquences financières de sa responsabilité vis-à-vis de dommages corporels, matériels ou immatériels causés à des tiers (clients, visiteurs...) pendant l'exercice de son activité. Lorsque le fait générateur qui a empêché le fournisseur de livrer son client ne relève pas de garanties de dommages aux biens (ex : fourniture de composants de mauvaise qualité entrainant un arrêt de production), l'entreprise qui subit la perte d'exploitation peut demander à être dédommagée au titre de la police Responsabilité Civile de son fournisseur, pour peu que ce dernier soit correctement assuré en la matière. De la même manière, lorsque la rupture de la Supply Chain a entrainé une incapacité de l'assuré à tenir ses engagements contractuels en terme de délais (ex : retard de livraison dû aux fournisseurs de matières ou de composants, à un incident en-cours de transport...) et/ou en terme de performance des produits livrés (ex : composants fournisseurs défectueux, montés dans le produit fini et livrés au(x) client(s)), c'est sa propre police Responsabilité Civile qui pourra couvrir tout ou partie des éventuels dédommagements demandés par ses clients et les éventuels coûts de rappel de produits (hors coût des produits eux-mêmes qui n'est généralement pas couvert dans les garanties rappel de produits)

Lire la suite en page 3 : Les bonnes pratiques d'une politique d'assurances

En résumé, quelles sont les bonnes pratiques "assurances" des fournisseurs ?

-Formation / sensibilisation des équipes achats à l'importance de l'assurance des fournisseurs

-Evaluation / audit du dispositif de gestion de risque de ses principaux fournisseurs (organisation, cartographie, prévention, continuité d'activité... et assurances)

-Définition d'une politique et d'une procédure spécifique avec des montants de garantie obligatoires par type de fournisseurs / type de produits

-Obligation faite aux fournisseurs de mettre en place des garanties en adéquation avec l'impact potentiel d'une rupture engageant leur responsabilité; (pour les grosses organisations)

-Mise en place d'une police par aliment proposée à tous les fournisseurs pour les garantir dans le cadre de leur activité avec l'entreprise et conformément à la politique de cette dernière; cette pratique permettra notamment à de grosses organisations de proposer à leurs fournisseurs une solution pour se mettre en conformité avec leur demande, en particulier dans des pays où le marché de l'assurance local ne propose pas ce genre de garanties, et/ou à des conditions économiques potentiellement plus intéressantes que celles auxquelles ils auraient eu accès seuls (effet de levier); idéalement cette police sera "imposée" afin de sécuriser sa rentabilité en n'y logeant pas que des fournisseurs "à risque";

-Vérification de l'existence des garanties pendant toute la durée de la relation contractuelle (collecte des certificats d'assurance attestant des montants garanties et du paiement de la prime à chaque échéance).

 
Je m'abonne

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

La rédaction vous recommande

Retour haut de page